La lutte contre la corruption en République Démocratique du Congo s’intensifie et s’organise autour d’initiatives structurées portées par des institutions engagées. Parmi elles, l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC) s’impose comme un acteur central dans la coordination des efforts nationaux visant à restaurer la transparence, l’intégrité et la redevabilité dans la gestion des affaires publiques. C’est dans cette optique qu’elle a réuni, le vendredi 27 juin 2025 dans la grande salle du Fleuve Congo Hôtel, en partenariat avec des organisations nationales et internationales, les forces vives du pays autour d’un Forum multisectoriel de haut niveau, axé sur le renforcement des initiatives parlementaires face aux risques de corruption dans les finances publiques et les marchés publics. Un espace d’échanges, de diagnostics et de propositions concrètes, qui traduit la volonté collective de bâtir une gouvernance plus éthique et résolument tournée vers l’intérêt général.
Dans un contexte national marqué par une volonté affirmée de restaurer la transparence et la bonne gouvernance, l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC) a tenu un forum multisectoriel de haut niveau autour du thème : « Renforcement des initiatives parlementaires face aux risques de corruption dans la gouvernance des finances publiques et des marchés publics ».
Organisée en partenariat avec l’International Development Law Organization (IDLO), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le gouvernement des États-Unis via le Bureau for International Narcotics and Law Enforcement Affairs (INL), cette rencontre a réuni une diversité d’acteurs politiques, institutionnels, juridiques, économiques et de la société civile. Au cœur des discussions : le rôle pivot de l’APLC dans la coordination nationale de la lutte contre la corruption et la recherche de mécanismes innovants pour faire face à ce fléau.
Une méthodologie participative pour un dialogue stratégique
Conçu selon une approche interactive et inclusive, le forum a été articulé autour de trois panels thématiques, chacun ponctué de présentations d’experts, discussions de groupe, tables rondes et séances de recommandations.
Le premier panel, dédié à la transparence dans les finances publiques, a abordé des sujets clés comme le changement de mentalité, l’intégrité dans la gouvernance financière et le rôle de la société civile dans la surveillance budgétaire.
Le deuxième panel, axé sur la corruption dans les marchés publics, s’est focalisé sur la cartographie des risques à chaque étape du cycle des marchés, ainsi que sur l’expérience de l’IGF dans le contrôle des finances publiques.
Le troisième panel, quant à lui, a exploré les leviers numériques et le rôle du Parlement dans le contrôle des finances publiques, avec un focus sur les opportunités offertes par la digitalisation des mécanismes de gestion financière, tel que présenté par le PNUD.
L’APLC, chef d’orchestre de la coordination nationale
Créée par ordonnance présidentielle en mars 2020, l’APLC s’affirme désormais comme le moteur institutionnel de la lutte contre la corruption en RDC. En ouvrant les travaux, le Coordonnateur de l’Agence, Victor-Michel Lessay, a dressé un tableau lucide des pratiques illicites qui gangrènent la gestion publique : faible reddition des comptes, détournements, manipulations des marchés, opacité dans les concessions, fiscalité corrompue et sous-financement des organes de contrôle.
Face à ces défis, l’APLC propose une approche coordonnée, intégrant à la fois l’élaboration de politiques, le renforcement des capacités institutionnelles, la promotion de l’éthique publique et le suivi des engagements. Cette dynamique est incarnée dans la Stratégie nationale 2022–2026, articulée autour des trois axes : prévention, identification et répression.
Une réponse collective pour une justice distributive
Dans son allocution, le Coordonnateur de l’APLC a insisté sur la nécessité d’une mobilisation nationale et multisectorielle, soulignant que la lutte contre la corruption dépasse le cadre juridique pour devenir une exigence éthique et républicaine :
« La lutte contre la corruption est une question de lois, de sanctions, de volonté politique, de culture citoyenne et de mobilisation collective. Elle conditionne la justice distributive et l’accès équitable aux ressources publiques », a-t-il martelé.
Des recommandations fortes pour des réformes durables
Au terme des débats, plusieurs recommandations structurantes ont été formulées pour consolider la transparence et renforcer les institutions de contrôle :
- Mettre en place une plateforme nationale de transparence budgétaire accessible au public.
- Publier en ligne l’ensemble des marchés publics ainsi que les noms de leurs bénéficiaires.
- Numériser intégralement les finances publiques avec une traçabilité automatique des flux financiers.
- Renforcer l’ouverture des données budgétaires au public.
- Mettre en place un système de suivi numérique en temps réel des dépenses publiques.
- Instaurer une déclaration obligatoire du patrimoine pour tous les agents publics, sans exception, notamment ceux impliqués dans la gestion des fonds publics.
- Appliquer et faire respecter les réformes engagées par le pays en matière de gouvernance financière.
- Garantir le rôle de contrôle de la société civile, en mettant fin aux intimidations et pressions exercées par certains acteurs publics.
- Adopter une loi garantissant l’accès à l’information publique.
- Voter une loi spéciale de lutte contre la corruption.
- Intégrer tous les logiciels de gestion financière dans une plateforme numérique unique et centralisée.
- Assurer la digitalisation complète et efficace du processus de collecte des taxes, recettes, droits et redevances.
- Réglementer les appels d’offres restreints, les marchés de gré à gré et les marchés spéciaux afin d’en garantir la transparence.
- Renforcer l’indépendance du Parlement en développant ses capacités institutionnelles et en assurant une séparation effective des pouvoirs pour un contrôle plus objectif.
- Doter la Cour des comptes, auxiliaire du Parlement dans le contrôle des finances publiques, de moyens techniques, humains et financiers adéquats.
- Allouer à la lutte contre la corruption un budget d’au moins 5 millions de dollars américains par an.
Les participants ont également été invités à continuer à soumettre des propositions en vue de l’élaboration d’un plan d’action concret.
Une dynamique à entretenir
La forte participation à ce forum – tant sur le plan qualitatif que représentatif – témoigne d’une volonté collective de rupture avec la culture de l’impunité. Pour l’APLC, cette rencontre n’est pas un aboutissement, mais bien un point de départ vers une coordination nationale plus active, plus structurée, et résolument tournée vers des réformes durables.
En consolidant son rôle de plateforme de concertation et d’action, l’APLC démontre qu’elle est aujourd’hui bien plus qu’une agence : elle est le cœur battant d’une RDC qui aspire à la transparence, à la justice et à une gouvernance responsable.
Tighana MASIALA

