Alors que la violence persiste dans l’Est de la République Démocratique du Congo, l’un des premiers gestes de paix attendu, un échange de prisonniers entre le gouvernement et le groupe politico-militaire AFC/M23, est actuellement bloqué. Bien qu’un mécanisme ait été acté il y a une semaine sous l’égide du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les divergences sur le contenu des listes de détenus à libérer créent une nouvelle impasse. Le Président de la République, Félix Tshisekedi, en déplacement à New York (USA), s’en remet au CICR pour proclamer un calendrier, mais Kinshasa maintient fermement son veto contre l’échange de personnes suspectées de crimes graves, un critère que le M23 conteste alors qu’il souhaite libérer des membres condamnés à mort. Cet accroc révèle les limites des récents accords et la fragilité du processus de paix engagé.
La complexité du processus d’échange de prisonniers entre le gouvernement de la RDC et le groupe AFC/M23 est une illustration parfaite des défis qui entravent le processus de paix dans l’Est du pays. Bien qu’un accord ait été signé, plusieurs facteurs, dont la méfiance et des points de discorde majeurs, en bloquent la mise en œuvre.
L’un des premiers obstacles réside dans la nature même de l’accord. Contrairement à une croyance répandue, il n’y a pas de document conjoint signé par les deux parties. À la place, le Qatar a médiatisé la signature de deux documents séparés : l’un entre le gouvernement congolais et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), l’autre entre l’AFC/M23 et le CICR.
Ce mécanisme a pour but de positionner le CICR comme un intermédiaire neutre, une entité de confiance qui faciliterait les échanges sans être directement impliquée dans les négociations politiques. Cependant, cette absence de dialogue direct et de document commun renforce la méfiance et complique l’établissement d’un calendrier précis. Le Président Félix Tshisekedi a indiqué que c’est au CICR de fixer le calendrier, mais le rôle de cette organisation est strictement limité à la facilitation une fois que les deux parties se sont entendues sur les listes et les modalités.
Le point de blocage majeur : la clause d’exclusion
Le véritable nœud du problème est le contenu des listes de prisonniers. Le gouvernement congolais a clairement exprimé sa position : il appliquera un principe d’« exclusion » pour toute personne soupçonnée d’avoir commis des crimes graves, conformément au droit international. Cette position est défendue comme un moyen de ne pas céder à un « marchandage politique » qui légitimerait des actes criminels.
De son côté, l’AFC/M23 rejette fermement cette clause. Le groupe souhaite que l’échange inclue cinq de ses membres de haut rang, qui ont été capturés et condamnés à mort par le gouvernement l’année dernière. Pour l’AFC/M23, ces individus sont des prisonniers de guerre, et leur inclusion dans l’échange est une condition préalable à l’avancement des négociations. Pour eux, l’application de la clause d’exclusion revient à un refus de négocier de bonne foi.
Des implications plus vastes et un avenir incertain
Ce blocage sur l’échange de prisonniers est symptomatique de la profonde méfiance qui caractérise les relations entre les deux parties. Malgré les négociations, les violences persistent sur le terrain, comme en témoigne la reprise des hostilités dans le Sud-Kivu.
L’accord de Doha, salué par la communauté internationale comme un pas vers un cessez-le-feu permanent, reste un document technique sans aucune application concrète. Sa mise en œuvre dépendra de la capacité des deux camps à surmonter leurs désaccords sur les noms des prisonniers à échanger. Jusqu’à ce que cette question soit résolue, le processus de paix est au point mort, et le risque d’une escalade du conflit demeure très élevé.
Le CICR, bien que prêt à jouer son rôle, ne peut avancer tant que les parties ne lui fournissent pas des listes consensuelles. Le sort des prisonniers et la continuation des pourparlers de paix reposent donc entre les mains des négociateurs.
L’Est de la RDC, riche en ressources et frontalier du Rwanda, est le théâtre de conflits armés depuis plus de trois décennies. Les violences se sont intensifiées depuis 2021 avec la résurgence du M23, qui a pris le contrôle de Goma en janvier et de Bukavu en février. Malgré la signature d’un accord de paix en juin à Washington entre les gouvernements congolais et rwandais, et la déclaration de principe avec le M23 en juillet, la violence persiste.
Hugo T.