Tollé général au Maroc après la décision du tribunal de l’Union européenne d’annuler deux accords commerciaux (agricole et pêche) qui la lient au royaume Chérifien. Au Maroc, on considère que « la décision du Tribunal de l’UE est aux antipodes de l’intérêt général aux niveaux international, continental et européen, pour le soutien de l’approche politique concernant le conflit autour du Sahara marocain, à travers la recherche d’une solution politique, réaliste et pragmatique».
«Le tribunal annule les décisions du Conseil (de l’Union européenne) relatives, d’une part, à l’accord entre l’UE et le Maroc modifiant les préférences tarifaires accordées par l’UE aux produits d’origine marocaine ainsi que, d’autre part, à leur accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable». C’est en ces termes que le tribunal basé à Luxembourg a formulé ce mercredi sa décision à propos de deux accords commerciaux liant le Maroc et l’Union européenne et concernant le territoire disputé du Sahara.
Cette décision est intervenue à la suite de recours des indépendantistes sahraouis du Front Polisario. Toutefois, selon l’arrêt, « ces accords resteront en vigueur pendant deux mois afin de préserver l’action extérieure de l’Union et la sécurité juridique de ses engagements internationaux». En outre, le tribunal de l’UE affirme que le Front polisario «est reconnu sur le plan international en tant que représentant du peuple du Sahara occidental ».
Le Tribunal de l’Union européenne a «outrepassé» les règles de compétences, a affirmé l’avocat au barreau de Meknès, Me Sabri Lhou, en réaction à la décision de cette Cour au sujet des accords agricole et de pêche entre l’UE et le Maroc.
« La décision du Tribunal de l’UE est aux antipodes de l’intérêt général aux niveaux international, continental et européen, pour le soutien de l’approche politique concernant le conflit autour du Sahara marocain, à travers la recherche d’une solution politique, réaliste et pragmatique», a souligné cet expert en droit international, en immigration et dans le dossier du Sahara.
La roulette russe
C’est devenu presque une habitude, voire un hobby chez certains magistrats du tribunal de l’UE d’annuler des décisions prises souverainement par les États membres, même si elles recueillent l’approbation massive du Parlement européen, pour imprimer leur marque dans la gouvernance des institutions exécutives de l’UE et dire, à ceux qui contestent leur autorité, que ce sont eux les garde-fous du droit communautaire au point de mettre en péril les propres intérêts de l’Europe.
C’est le cas de cet étrange arrêt rendu ce mercredi par le tribunal de l’UE qui annule les accords agricole et de pêche conclus entre le Maroc et l’Union européenne, mais qui précise toutefois que les effets desdits accords restent maintenus. Drôle de décision !
D’abord un mot sur la composition du tribunal : C’est la même camarilla qui avait concocté l’arrêt de 2015 et qui fait montre d’une méconnaissance totale des réalités historiques, des subtilités juridiques et des évolutions politiques de la question du Sahara marocain. Ensuite, le contenu : des déclarations politiques à l’emporte-pièce, exprimées à travers des contorsions juridiques inintelligibles.
En comparaison avec l’arrêt de 2015 et ses motivations, l’on se rend compte que le ou les magistrats qui ont produit le document ont presque fait du copier-coller avec un chouia de zèle pour faire sérieux.
On sait la relation tendue entre la juridiction européenne et les instances exécutives de l’UE, mais pas au point de jouer à la roulette russe et rendre un verdict qui ne cadre pas avec les positions constantes de l’UE et de ses États membres quant à la force du partenariat avec le Maroc, d’autant plus que cet arrêt n’a aucun effet, ni impact sur les transactions commerciales qui continueront à prospérer entre les deux partenaires.
Pourquoi alors cette perte de temps et d’énergie, sachant que cette décision de première instance fera l’objet d’un pourvoi en appel et comme en 2015, elle sera rendue nulle et non avenue par la Cour européenne ? Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Il importe également de rappeler que ces deux accords sont passés sous la loupe du Parlement européen, qui ne les a validés que lorsqu’il s’est assuré que les deux textes étaient conformes au droit international, qu’ils respectaient l’arrêt précédent de la Cour, que la population concernée dans les provinces du sud a été largement consultée dans les différentes phases d’élaboration des accords et qu’elle bénéficie des dividendes de ces accords. Un autre élément jamais soulevé par la juridiction européenne et souvent occulté par les médias des séparatistes, c’est que le polisario avait été invité par la Commission européenne à s’exprimer sur ces accords, mais il avait décliné cette invitation parce qu’il a d’autres objectifs dans le cadre de l’alliance maléfique avec l’Algérie.
A la lecture des motivations mises en avant par les juges du tribunal, il apparait clairement qu’ils n’ont prêté aucune attention à ces éléments et se sont limités à une lecture, voire des interprétations tendancieuses d’ordre politique tout en s’autorisant une passerelle vers le droit international en rendant un verdict alambiqué et sans intérêt. D’ailleurs, pour cacher sa bourde, le tribunal affirme que sa décision est sans effet sur le cours normal des choses, car il veut éviter «les conséquences graves d’une annulation des accords sur l’action extérieure de l’Union européenne». Voilà un tribunal qui dit se soucier de la diplomatie européenne et qui en même temps la met en difficulté. C’est de la pure schizophrénie.
Mais ce n’est pas grave, l’appel sera interjeté. Le Maroc n’ira pas au clash cette fois-ci avec l’Union européenne comme le souhaitent l’Algérie et le polisario. Les deux partenaires feront bloc la main dans la main face à tous ceux qui veulent torpiller leurs accords de partenariat actuels et à venir.
Le temps de l’apaisement
Quoi qu’il en soit, le Maroc et l’UE ont affirmé mercredi qu’ils resteront pleinement mobilisés pour continuer leur coopération bilatérale et unis pour défendre la sécurité juridique de leurs accords de partenariat. Les deux pays l’ont d’ailleurs réitéré dans une Déclaration conjointe rendue publique suite à la décision du tribunal.
«Nous restons pleinement mobilisés pour continuer la coopération entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, dans un climat de sérénité et d’engagement, afin de consolider le Partenariat euro-marocain de Prospérité Partagée, lancé en juin 2019», lit-on dans cette Déclaration conjointe du Haut Représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la sécurité, Vice-président de la Commission européenne Josep Borrell et du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita.
Les deux parties affirment qu’elles prendront «les mesures nécessaires afin d’assurer le cadre juridique qui garantisse la poursuite et la stabilité des relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc».
Et rebelote! La fameuse décision de première instance du tribunal sera portée devant la Cour de Justice de l’Union européenne qui va encore une fois la casser. Et… la caravane passe.
Econews