Il y a 63 ans, précisément lors de la séance du 15 juillet 1960, que le tout premier Premier ministre congolais, Patrice Emery LUMUMBA, s’était adressé à l’Assemblée nationale en ces termes : «Le patrimoine national nous appartient (…). Nous-mêmes, les ministres, nous allons dans les milieux ruraux, nous allons labourer la terre pour montrer aux paysans comment nous devons faire nos coopératives (…) Nous ne voudrons jamais tromper le peuple (…). Les ministres doivent vivre avec le peuple (…). Nous ne devons pas passer aux yeux de la population comme les remplaçants des colonialistes.»
Notre héros national, Patrice Emery Lumumba, n’avait cru si bien dire le 09 août 1960 lorsqu’il déclara, dans sa conférence de presse, je cite : «Nous allons mettre tous nos travailleurs au travail (…). Et je vous assure, qu’avec notre foi, avec notre dynamisme, avec notre fierté nationale, le Congo sera dans cinq ans un pays fortement développé. Ce n’est pas en mendiant des capitaux que nous allons développer le pays, mais en travaillant nous-mêmes, avec nos propres mains, par nos efforts (…). Le seul slogan pour le moment : le progrès économique, tout le monde au travail, mobilisez toute la jeunesse, toutes nos femmes, toutes les énergies du pays.»
Alors que la conviction de briguer la magistrature suprême m’envahissait, ces mots du Premier ministre Patrice-Emery LUMUMBA m’interpellaient tel un chant de coq annonçant le commencement du jour qui approche.
L’orateur et homme d’État athénien du 4ème siècle avant Jésus-Christ, Démosthène, n’avait-il pas dit : «Je crois d’un bon citoyen de préférer les paroles qui sauvent aux paroles qui plaisent.»
Le rêve de Patrice-Emery LUMUMBA, ainsi que de tous les pères de l’indépendance – de Simon Kimbangu, Joseph Kasa-Vubu, Antoine Gizenga, Joseph Ileo, Albert Kalonji… –, était de réussir à bâtir au cœur du continent africain un pays plus beau qu’avant dans lequel vivraient heureux des millions de congolais, quelle que soit leur ethnie, quelle que soit leur religion, unis par le sort, par la fibre du destin et de l’histoire. Ils croyaient au travail et au mérite et leur rêve était de permettre à chaque Congolais d’avoir un travail décent, de vivre en sécurité et en paix partout sur le territoire national, de réussir dans ses projets personnels et d’avoir accès aux infrastructures sociales de base.
L’évaluation de la situation, 63 ans après l’indépendance, obtenue au prix de luttes amères et acharnées, de nombreuses souffrances allant jusqu’au don suprême, laisse apparaître que le rêve de nos aïeux a été trahi, leur pari pour l’avenir qu’ils ont voulu beau, a été sacrifié sur l’autel de l’égoïsme, du tribalisme, de l’ivresse du pouvoir, de la cupidité et de la mauvaise gouvernance.
Le Congolais de 2023 vit moins bien que celui de 1960, à cause d’un déficit chronique de leadership. Le Congolais de 2023 n’inspire aucun respect, sa souveraineté est piétinée. Il vit dans un marché économique captif, parce que son indépendance économique n’a jamais été véritablement gagnée.
En outre, la parole des hommes politiques a nourri et ravivé le repli ethnique et identitaire, l’âme nationale a été affaiblie, le sentiment national et le vivre-ensemble rudement éprouvés.
Ainsi avons-nous échoué à bâtir un pays plus beau qu’avant. Ainsi avons-nous échoué à travailler ensemble, en fraternité, unis dans l’effort autour d’un projet collectif. Ainsi avons-nous échoué à faire triompher la nation sur les appartenances tribales, les ambitions nationales sur l’égo.
Il est à présent temps de réussir !
Il est temps de se rappeler de l’essence de notre hymne national chanté en chœur le 30 juin 1960. Cet hymne nous exhorte à l’engagement, à la décision, à l’action, au dépassement de nous-même et au travail ardu, comme le voulut Patrice-Emery LUMUMBA. Il nous dit : «Ô peuple ardent, par le labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant …».
Il est temps à présent de renouer avec notre destin de grandeur, pour une prospérité partagée. En effet, notre hymne national nous exhorte également à « assurer la grandeur de la RDC ». Oui, la grandeur… Or, celle-ci ne s’obtient pas simplement par les rêves, les promesses, et la prière. Elle ne s’obtient pas non plus par la facilité, la médiocrité, l’injustice, le clientélisme, la corruption, le mensonge, la fraude et la ruse.
Il est temps à présent de nous défaire de ces anti-valeurs qui nous nivellent vers le bas et maintiennent notre pays dans le sous-développement, parmi les pays les plus pauvres du monde en dépit de notre immense potentialité.
Il est temps de dresser le front, en nous armant des valeurs d’unité et de tolérance, de rigueur, de travail et de discipline, de justice et d’égalité des chances, d’ambition et d’engagement, de transparence et de dignité ; des valeurs devant nous remettre sur le chemin de la prospérité. Il nous faut donc un sursaut d’honneur. Et ce jour nouveau qui se lève nous donne l’occasion unique et exceptionnelle de nous décider dans le but, non seulement d’honorer nos aïeux, grands-parents et parents, mais aussi de reprendre rendez-vous avec l’histoire et de redonner sens à notre existence commune comme peuple, en choisissant d’œuvrer à léguer aux générations futures un Congo qu’elles méritent. Un Congo uni et indivisible comme le voulait le Maréchal Mobutu Sese Seko, un Congo digne et fier pour lequel Mzee Laurent Désiré Kabila s’est sacrifié, un Congo réellement démocratique que Joseph Kabila a tenu à léguer à la postérité.
Tous réconciliés autour de notre histoire et nos ambitions nationales, tous unis et remobilisés autour de notre hymne national et l’envie réitérée de réussir ensemble, la prospérité de la RDC ne dépendra que de nous. Elle ne dépendra pas du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale ou encore de la Banque africaine de développement. La paix et la sécurité de ce pays ne dépendront que de nous. Et non des missions des Nations Unies, de l’EAC ou encore de la SADC.
Nous avons l’obligation morale, patriotique et historique de donner à notre pays une nouvelle chance de repartir sur de nouvelles bases, en revivifiant l’âme nationale et la conscience patriotique par le réa-pprentissage de notre histoire, la réappropriation du rêve des pères de l’indépendance et la célébration de notre culture plurielle.
Avec nos enseignants, nos intellectuels, nos historiens, nos philosophes, nos artistes, nous devrons nous mobiliser avec l’objectif de remettre au cœur de la vie des Congolais la fierté du sentiment national d’appartenance. Et il nous appartiendra de faire émerger une élite politique ayant le leadership capable d’opérer un changement radical dans la gouvernance du pays et de mobiliser l’âme, l’esprit et l’énergie du peuple tout entier; une élite ayant l’éthique et la morale nécessaires et capable d’aider le gouvernement à effectuer des réformes vigoureuses, douloureuses mais indispensables et incontournables pour faire réussir notre pays, honorer le combat de nos aïeux et forger le rêve national dont hériteront les générations futures. Tel est mon serment.
Matata Ponyo Mapon
Candidat Président de la République