L’avènement du Président Tshisekedi au pou-voir et les premières mesures prises pour humaniser l’Agence Nationale de Renseignements avaient suscité beaucoup d’espoirs pour tous les Congolais, surtout la communauté des défenseurs des droits humains.
Sous le règne du président Joseph Kabila, l’ANR a été un véritable outil de répression de toute personne qui s’opposait au régime en place. Les agents de l’ANR enlevaient qui ils voulaient, ils le gardaient au secret autant de temps que cela leur plaisait. Il y a eu des personnes qui ont été gardées au cachot de l’ANR pendant plusieurs années sans que les membres de leurs familles ne soient informés et sans accès à un avocat. Tout ceci en violation de la Constitution et des lois de la République.
Plusieurs Congolais ont été victimes de la répression systématique de la part de l’ANR et certains en gardent encore des séquelles graves.
Avec la prise de pouvoir par le Président Tshisekedi, nous avions tous pensé que les choses allaient changer fondamentalement. Les mesures prises pour humaniser cette agence ont été saluées et encouragées.
Mais en ce moment où nous écrivons cette page d’opinions libres, le constat fait par nous est regrettable. Les mauvaises pratiques décriées à l’époque refont surface. Pratiques totalement incompatibles avec l’Etat de droit que tous les Congolais désirent.
A ce jour, plusieurs personnes ont été enlevées par les agents de l’ANR et gardées au secret. Sans possibilité d’entrer en contact avec les membres de famille ni d’accéder au service d’un avocat. La pratique de refuser aux avocats d’assister leurs clients devant les services de sécurité est contraire à la Constitution qui dispose que : «Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité» (article 19 de la Constitution)
Cette semaine, nous avons reçu certaines familles (femmes, enfants, frères et sœurs) en détresse extrême du fait qu’elles ne savaient pas où se trouvaient leurs proches enlevés par des inconnus. Pensez à ces enfants qui ont vu leur père partir au travail le matin, mais ne pouvaient pas le revoir le soir. Certains croyaient même que les bandits les auraient enlevés et tués. C’est après plusieurs recherches que nous les avons localisés à l’ANR (UZB).
Nous en appelons directement au Président Tshisekedi lui-même, car l’ANR dépend de lui. Qu’il lui plaise de prendre des mesures pour que les Congolais arrêtés par l’ANR jouissent de leurs droits constitutionnels notamment d’informer les membres de leurs familles sur leur statut et les lieux où sont détenus. Sans oublier le droit de recevoir de la visite et d’avoir accès aux services des avocats.
Nous ne sommes pas contre l’interpellation de telle ou telle personne. Nous sommes contre la violation des droits des citoyens dont l’ANR se rend coupable depuis quelques temps.
Ces mauvaises pratiques de l’ANR nous inquiètent au plus haut point, surtout que nous nous approchons des élections générales.
Depuis plusieurs années, particulièrement de 2015 à 2018, les Congolais se sont battus, et d’autres ont été tués pour que les choses changent dans le sens du respect des droits humains et de la démocratie. Leur sacrifice ne devrait pas être vain.
Aucun Congolais ne peut comprendre le silence du Président Tshisekedi face à ces mauvaises pratiques.
C’est par le travail des hommes et femmes courageux que la démocratie se construit.
Partageons cette page jusqu’à ce qu’elle atteigne le Président Tshisekedi lui-même.
Fait à Kinshasa, le 15 mars 2022
Me Jean-Claude Katende
Président de l’ASADHO