Une étude Médiamétrie révèle une mutation profonde des habitudes médiatiques des Kinois, marquée par la domination écrasante des réseaux sociaux et du téléphone portable comme support d’information préféré. Face à la désaffection des médias traditionnels, la presse écrite, asphyxiée par le manque de subventions, lutte pour survivre, tandis que la radio et la télévision voient leur audience se fragmenter. Dans ce paysage en pleine disruption, la défiance envers les contenus numériques, minés par les fake news et les manipulations par IA, interroge l’avenir de l’information à Kinshasa. Sondage LES POINTS ne cache pas ses inquiétudes. Bien plus, Fréderic Panda, son Directeur général, alerte sur la nécessité de sauver le journal imprimé qui vit ses derniers instants face à la crise économique et aux coûts d’impression.
Le premier semestre 2025 donne des renseignements très clairs sur la consommation des médias par les Kinois. Il ressort de cette enquête que les réseaux sociaux ont pris le dessus en termes d’audience sur d’autres canaux de diffusion.
Avec la montée des réseaux sociaux, 74 % des répondants avouent posséder le téléphone portable comme support médiatique. Le téléphone portable est suivi du poste radio (72 %), la télé (59 % des répondants) et 11 % des tablettes et ordinateurs.
Les répondants avancent plusieurs raisons qui motivent leurs choix sur le téléphone, entre autres le manque d’énergie électrique à Kinshasa et certains avantages qu’il offre.
Très pratique à utiliser dans toutes les circonstances et intégrant plusieurs autres canaux de distribution d’information, notamment la télévision, la radio, la presse écrite et les applications de communication à l’information, le téléphone est devenu incontournable dans les habitudes des Kinois comme support médiatique le plus désiré.
Au-delà des plusieurs raisons avancées par les répondants se trouve une finalité, accéder aux réseaux sociaux qui, malheureusement, n’inspirent pas confiance à 100 % vu le taux très élevé des fake news et la manipulation d’image par l’intelligence artificielle.
Les heures d’audience ont connu une forte perturbation, étant donné que la majorité des auditeurs, téléspectateurs ou lecteurs suivent l’actualité à partir de leurs téléphones portables, ce qui donne un avantage aux Youtubeurs, Tiktokeurs ou encore tout autre blogueur, qui informe le public en temps réel sous forme de dépêches.

Dans les habitudes des Kinois, ils portent leurs premiers choix sur les réseaux pour s’informer (69 %) ; ces derniers trouvent que les médias traditionnels censurent les informations. Un programme diffusé sur les réseaux sociaux atteint souvent une audience plus large que celui diffusé par les médias traditionnels.
Quant à la radio, elle arrive en deuxième position avec une audience globale de 48 %, et son avenir semble moins prometteur car la plupart des stations radio émettant à Kinshasa ont quasiment disparu, laissant le terrain à une seule station, Top Congo FM qui règne avec 90 % d’audience.
Presque côte à côte avec la radio, la télé arrive en troisième place avec 46 % d’audience globale, suivie plus en TNT 73% qu’en péage 27%. Elle connaît un fort audimat avec les matchs de football ou encore la retransmission en direct des grands événements.
Quant au journal papier, moins de 0,5 % d’organes continuent à imprimer leurs journaux. La précarité dans le domaine a poussé plusieurs organes à basculer vers la presse en ligne, moins coûteuse et à un fort niveau de pénétration dans l’opinion.
Il y a lieu de préciser que ce sondage, dont le terrain d’application est la ville de Kinshasa, concerne uniquement l’audiovisuel local (TNT et péage), la presse en ligne traitant de l’information locale ainsi que les journaux paraissant à Kinshasa.
Détails et autres précisions dans le rapport complet.
Sondage LES POINTS
Fréderic Panda : « Face à la crise économique et aux coûts d’impression, le journal imprimé vit ses derniers instants… » (*)

- Bonjour, M. Panda. Vous venez de publier un sondage sur la médiamétrie au premier semestre 2025 dans la ville de Kinshasa. Pouvez-vous nous dire brièvement c’est quoi une médiamétrie ?
La médiamétrie désigne l’ensemble des mesures d’audience des médias, c’est-à-dire la manière dont on quantifie, analyse et comprend l’écoute, la vue ou la lecture des contenus diffusés par les médias (radio, télévision, presse, Internet, etc.). Concrètement, cela permet de savoir : combien de personnes ont regardé une émission ou écouté une station de radio ; quand et pendant combien de temps ; quel type de public (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle, etc.) est concerné ; quels supports ont été utilisés (TV, smartphone, ordinateur, etc.).
Dans une ville comme Kinshasa, une étude de médiamétrie pour le premier semestre 2025 viserait donc à comprendre quels médias sont les plus consommés, à quels moments et par quels types de publics. Cela aide : les médias à mieux adapter leurs contenus ; les annonceurs à choisir les bons canaux pour la publicité ; les décideurs à mieux cerner les habitudes d’information ou de divertissement de la population.
- Comment avez-vous procéder à la réalisation de cette étude ?
Excellente question. Pour garantir la fiabilité et la représentativité des résultats de cette enquête de Médiamétrie à Kinshasa, nous avons adopté une méthodologie rigoureuse, structurée autour des éléments suivants : D’un côté, il y a les méthodes couplée (quanti-quali) : enquête par sondage (quantitative) avec questionnaires structurés administrés à un échantillon représentatif de la population de Kinshasa 1.000 personnes résident dans les 24 commune de la ville de Kinshasa âgé de 15 ans à plus, réalisés en face-à-face (pour les zones accessibles) et par téléphone (dans certaines communes urbaines) avec l’objectif de recueillir des données chiffrées sur les habitudes de consommation des médias. De l’autre, les entretiens semi-directifs (qualitatif complémentaire), menés avec des groupes ciblés : jeunes, adultes, professionnels des médias, etc. pour comprendre les motivations et les préférences derrière les choix médiatiques.
- Pouvez-vous nous donner en quelque ligne le résultat de ce sondage ?
De manière globale, les renseignements généraux récoltés sur le terrain nous indiquent que les Kinois consomment désormais majoritairement les médias via les réseaux sociaux.
Le premier semestre 2025 révèle des tendances claires sur la consommation médiatique des habitants de Kinshasa. Selon les données recueillies, les réseaux sociaux dominent désormais en termes d’audience, surpassant les canaux traditionnels.
Un téléphone, plusieurs médias. 74 % des personnes interrogées affirment utiliser leur téléphone portable comme principal support médiatique. Celui-ci devance de peu la radio (72 %) et la télévision (59 %). Les tablettes et ordinateurs restent marginalement utilisés (11 %). Ce choix est motivé par plusieurs facteurs, notamment la faible accessibilité à l’électricité dans la capitale congolaise et la polyvalence du téléphone portable. Pratique et utilisable en toutes circonstances, il permet d’accéder à la radio, la télévision, la presse écrite, ainsi qu’à diverses plateformes d’information, le tout en un seul appareil. Il s’impose ainsi comme le média le plus prisé dans les habitudes des Kinois.
Des réseaux sociaux omniprésents mais peu fiables. Pour 69 % des répondants, les réseaux sociaux constituent la première source d’information, bien devant les médias traditionnels, jugés trop enclins à la censure. Malgré cette popularité, ces plateformes suscitent une certaine méfiance en raison de la prolifération des fausses informations et des contenus manipulés par l’intelligence artificielle.
Le paysage audiovisuel bouleversé. Cette transition vers le numérique a profondément modifié les heures et modes de consommation des médias. Les Kinois s’informent désormais en temps réel, grâce aux Youtubeurs, Tiktokeurs et blogueurs qui relaient l’actualité sous forme de dépêches. Résultat : un programme diffusé sur les réseaux atteint souvent une audience plus large qu’à la radio ou à la télévision. La radio conserve toutefois une place importante, avec une audience globale de 48 %. Cependant, l’avenir semble incertain : plusieurs stations ont cessé d’émettre, laissant Top Congo FM presque seule sur le marché, avec 90 % de parts d’audience. La télévision, quant à elle, suit de près avec 46 % d’audience. Elle reste fortement consommée via la TNT (73 %) plutôt qu’en péage (27 %), et connaît des pics d’audience lors des matchs de football ou des grands événements en direct.
Le déclin du journal papier. Le journal imprimé vit ses derniers instants : moins de 0,5 % des organes de presse continuent à imprimer leurs éditions. Face à la crise économique et aux coûts d’impression, la majorité a migré vers la presse en ligne, plus accessible et plus rapidement diffusée.
Un sondage local ciblé. Il convient de souligner que ce sondage s’est exclusivement déroulé dans la ville de Kinshasa. Il porte sur la consommation de l’audiovisuel local (TNT et chaînes à péage), la presse en ligne traitant de l’actualité locale, ainsi que les journaux édités dans la capitale.
- Monsieur Panda, on vous accuse d’avoir de nombreux partis pris et d’être trop complaisant envers vos partenaires. En lançant cette enquête par sondage, vous affirmez qu’elle est crédible et impartiale. Est-ce une manière de prouver votre objectivité ?
Ah, le fameux « parti pris »… Dès qu’on dérange un peu, on devient forcément suspect ! Plus sérieusement, si défendre les faits, respecter les données, et ne pas céder aux polémiques faciles, c’est être complaisant, alors je l’assume. Mais dans cette enquête, il n’y a rien d’autre que du travail sérieux et du respect pour ceux à qui on donne la parole : les citoyens.
(*) Fréderic Panda (DG Sondage LES POINTS)

