Arrivé au pouvoir en 2001 en héritier d’un Congo exsangue, Joseph Kabila s’était imposé comme un fin stratège, capable de réunifier un pays déchiré et d’inaugurer une nouvelle ère avec la Troisième République. Après deux mandats triomphants et une sortie controversée en 2018, l’ancien président de la République, longtemps habitué à gagner, a connu une traversée du désert marquée par des échecs politiques et un exil forcé. Aujourd’hui, son retour sur la scène publique, à travers une tribune et un message à la nation, relance le débat : Joseph Kabila peut-il encore peser sur l’avenir de la RDC, ou son époque est-elle définitivement révolue ? Entre héritage contesté et ambitions incertaines, le come-back du vieux lion divise.
ECONEWS Six ans après s’être retiré de la scène politique, Joseph Kabila, l’ancien président de la République Démocratique du Congo (RDC), a officiellement annoncé son grand retour.
À travers une tribune publiée depuis l’Afrique du Sud, suivie d’un message solennel à la nation le 23 mai 2025, l’homme qui a dirigé le pays pendant près de deux décennies a rompu un long silence. Un come-back qui, loin de faire l’unanimité, divise et relance le débat sur son héritage et ses ambitions futures.
D’UN HÉRITAGE GLORIEUX À UNE SORTIE EN DEMI-TEINTE
Arrivé au pouvoir en 2001 dans un pays ravagé par des années de conflits et de pillages, Joseph Kabila avait été perçu comme un sauveur, un jeune leader capable de réconcilier un Congo divisé. Grâce au Dialogue inter-congolais de Sun City, il avait réussi l’exploit de réunifier le pays sous une formule de gouvernance innovante, le gouvernement «1+4», marquant ainsi la naissance de la Troisième République.
En 2006, il remporte la première élection présidentielle démocratique de l’ère post-conflit, confirmant sa légitimité par les urnes. Cinq ans plus tard, en 2011, il réédite l’exploit en décrochant un second mandat. Mais c’est à partir de cette période que son règne commence à montrer des signes d’essoufflement.
La perspective d’un troisième mandat, en violation de la Constitution, plonge le pays dans une crise politique majeure entre 2016 et 2018. Après des mois de tensions, de manifestations réprimées dans le sang et de négociations laborieuses sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Kabila finit par céder le pouvoir, non sans avoir scellé une alliance avec son successeur, Félix Tshisekedi, dans le cadre de la coalition FCC-CACH.
LA CHUTE ET L’EXIL : UN STRATEGE EN PERTE DE VITESSE
Qualifié de « compromis à l’africaine » par Jean-Yves Le Drian, alors ministre français des Affaires étrangères l’accord entre Kabila et Tshisekedi ne résistera pas aux réalités du pouvoir. Rapidement, les tensions éclatent entre les deux camps, aboutissant à la rupture de leur alliance et au démantèlement progressif du réseau politique kabiliste.
Habitué à contrôler tous les leviers du pouvoir, Joseph Kabila assiste, impuissant, à l’effritement de son influence.
Ses tentatives de mainmise sur les institutions, notamment à travers le Front commun pour le Congo (FCC), se heurtent à une résistance inattendue.
En 2023, confronté à des pressions judiciaires et politiques croissantes, il quitte le pays pour un exil doré, d’abord en Tanzanie, puis en Afrique du Sud.
2025 : UN RETOUR TACTICIEN OU UN BAROUD D’HONNEUR ?
Son message du 23 mai dernier, diffusé depuis Johannesburg, a été perçu comme une déclaration de guerre politique. Tout en appelant à l’unité nationale et en se présentant en sage expérimenté, Kabila a adressé des piques à peine voilées au pouvoir de Félix Tshisekedi, critiquant la gestion économique et sécuritaire du pays.
Mais contrairement à ses précédentes apparitions, où il bénéficiait d’un soutien massif dans certaines régions, son discours n’a pas enflammé les foules. La jeunesse congolaise, qui représente près de 70% de la population, semble indifférente, voire hostile, à son retour. Les réseaux sociaux ont d’ailleurs réagi avec sarcasme, certains internautes rappelant les années de gouvernance autoritaire, de corruption et de promesses non tenues.
QUEL AVENIR POUR KABILA DANS UN CONGO EN MUTATION ?
La question qui anime désormais les cercles politiques est de savoir si Joseph Kabila peut encore jouer un rôle majeur.
Plusieurs scénarios sont envisagés : Le retour en force : en s’appuyant sur son réseau encore influent au sein de l’armée, de l’administration et des milieux d’affaires, Kabila pourrait tenter de s’imposer comme un faiseur de roi, voire envisager une candidature en 2028.
L’échec et la marginalisation : s’il ne parvient pas à rallier une base solide, son retour pourrait se solder par un échec cuisant, confirmant son déclin politique.
Le rôle de médiateur : certains analystes estiment qu’il pourrait se repositionner en tant qu’acteur de consensus, à l’image d’un Thabo Mbeki en Afrique du Sud, jouant les facilitateurs dans les crises régionales.
LA FIN D’UN CYCLE OU UN NOUVEAU DEPART ?
Joseph Kabila a marqué l’histoire contemporaine de la RDC. Stratège hors pair, il a su naviguer dans les eaux troubles de la politique congolaise pendant 18 ans. Mais depuis 2019, il accumule les revers. Son retour est-il le signe d’une ultime bataille pour retrouver sa place au soleil, ou simplement un baroud d’honneur avant une retraite définitive ?
Une chose est sûre : le Congo de 2025 n’est plus celui de 2001. Une nouvelle génération, avide de changement, regarde vers l’avenir plutôt que vers les vieux démons du passé. Pour Kabila, le plus grand défi ne sera pas de reconquérir le pouvoir, mais de convaincre qu’il incarne encore l’avenir plutôt que le souvenir d’une époque révolue.
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