Face à un secteur minier artisanal qu’il qualifie de « catastrophe » et d’eldorado pour les prédateurs, le ministre des Mines Louis Watum lance un pacte de la dernière chance. Lors d’une visite musclée de deux jours dans le Lualaba, le patron des mines a déployé sa feuille de route, tancé les industriels sur leurs « murs inutiles » à 120 millions de dollars, et dénoncé avec une rare franchise l’emprise des « politiciens provinciaux et de leurs alliés expatriés » sur l’artisanat minier. Devant des milliers de creuseurs à Mutoshi, il a opposé une fin de non-recevoir au statu quo, appelant à une reconversion urgente de ces « 3 millions d’artisanaux dans un secteur qui ne profite pas au pays ». Retour sur une mission où le ministre, en pilote de redressement, a tracé une ligne de conduite sans équivoque : transformer la malédiction des minerais en pacte de prospérité pour les Congolais, ou rompre définitivement avec les erreurs du passé.
Voici les grands moments de cette visite ministérielle, compilés par les journalistes du Groupe FKF SOFTPRESS.
Travailler ensemble avec le pouvoir public afin de relever les grands défis dans le secteur des mines (artisanales et industrielles), selon les lois du pays et la vision du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, dans le respect des valeurs constructives. C’est le message dont a été porteur l’Ir Louis Watum Kabamba, Ministre national des Mines, lors de sa visite de travail, les 18 et 19 septembre 2025, dans la province du Lualaba. C’est dans ce cadre que toutes les parties prenantes concernées ont marqué leur présence à ce rendez-vous du dialogue tripartite entre le pouvoir public, la FEC (Fédération des Entreprises du Congo) et les communautés locales dont la Société civile du secteur minier.
Jeudi 18 septembre
Aussitôt arrivé à Kolwezi, en provenance de Kinshasa autour de 10h, et accueilli chaleureusement à l’aéroport de Kolwezi par des membres du gouvernement provincial et ceux de son cabinet l’ayant précédé dont les DG ou DGA des Services et Établissements sous tutelle du Ministère des Mines ainsi que le Président de la FEC/Lualaba et celui de la Chambre des mines, accompagnés des capitaines d’entreprises minières du pays, le Ministre Louis Watum Kabamba est allé directement rendre une visite de courtoisie à la patronne de la province du Lualaba, Mme la Gouverneure Fifi Masuka, avant de prendre la route vers le Centre d’Excellence de Kamoa Copper SA pour une importante séance de travail avec la Chambre des mines de la FEC.
Mot du Président de la Chambre des Mines
Après le mot de bienvenue «à la maison dont il a contribué à la construction» par Mme Anabel, la Directrice-gérante de Kamoa SA, M. Kasongo Bon Nassor, Président de la Chambre des mines de la FEC a salué en Louis Watum, «un avocat du secteur et le porte-parole par excellence des miniers avec lequel la Chambre des mines souhaite un dialogue franc chaque trimestre avec le gouvernement pour régulièrement échanger sur le climat des affaires, le respect des lois et la protection des investissements face aux changements réguliers des règles de jeu en plein jeu».
Mot de la FEC
Au nom du Président national de la FEC empêché, le Président de la FEC/Lualaba a, dans les mots prononcés pour la circonstance, insisté sur la mise en place d’un cadre de concertation sectoriel et institutionnel entre les miniers et leur patron afin de «bâtir ensemble une plateforme stratégique» au service du développement du pays. Ledit cadre de dialogue et concertation abordera des questions récurrentes relatives au climat des affaires, les missions de contrôle de l’ARSP dans les entreprises minières.’’
La FEC a préconisé les contrôles internes sur le respect de la loi sur la sous-traitance afin de faciliter les contrôles de l’ARSP.
Aussi, a-t-il réaffirmé le souhait de la FEC de travailler avec le Gouvernement à des « solutions concrètes et définitives », invitant, à cet effet, ses membres de divers secteurs suivants (mines, télécommunications et hydrocarbures, etc.) sur la restitution des échanges que le Président du patronat congolais a eus, le 23 septembre 2025 à Kinshasa, avec le Président de la République.
Mot du Ministre des Mines
Prenant la parole, le Ministre Louis Watum a, de prime abord, invité tous les intervenants du secteur, principalement les miniers, l’administration et les communautés locales (dont la Société civile) a beaucoup de sagesse dans tout ce qu’ils font, rappelant aux uns et aux autres qu’ « il n’y a pas progrès sans efforts ».
Ayant pris note de la doléance de la Chambre des mines sur la LOFIP, il a invité tout le monde à travailler ensemble avec les pouvoirs publiques pour trouver des solutions durables mais dans le respect des lois du pays et de la souveraineté nationale : «Cette réunion doit être une messe qui aboutit à des choses concrètes, sans se réduire à une des plusieurs rencontres infructueuses ayant eu lieu avant», a dit le Ministre des mines aux miniers qui a aussi insisté sur «le renforcement de la bonne gouvernance, en luttant contre la corruption et diverses mauvaises pratiques dans le secteur minier, porteur d’espoir pour le pays et sa population».
Selon lui, il faut une tripartite incluant l’Etat, les miniers et les communautés locales, dont la société civile, «à cause de la structure du capital du Mining devant produire les taxes (pour l’Etat), les dividendes (pour les miniers actionnaires) et le développement durable (pour les communautés locales)’’.
Face aux plaintes liés aux envahissements des périmètres miniers par des artisanaux, en complicité avec certains services de l’Etat, le Ministre Watum a interpellé tout le monde : «La corruption ne doit pas être plus forte que l’Etat». Son message est sans équivoque. Tout le monde, y compris les miniers industriels, doivent «se battre tous pour combattre et éradiquer la corruption et les mauvaises pratiques dans l’artisanat minier».
En bon pédagogue, doublé de minier expérimenté alignant plus de 35 ans dans le secteur à travers différents continents, Ir Louis Watum a rappelé à la FEC les deux grands alliés pour tous les investisseurs qui opèrent en République Démocratique du Congo. Il s’agit des lois et règles du pays qui garantissent les investissements et protègent les actifs ainsi que l’administration des mines.
Alertant ses interlocuteurs, d’un ton ferme et interpellateur à propos de la mauvaise perception du pays où certains milieux d’investisseurs présentent la RDC comme « un Far-West et d’une War-Zone », le Ministre Watum prône l’élan patriotique pour déconstruire ce narratif : «Gouvernement, miniers et communautés locales avec notre Société civile et nos médias, nous devons tous nous acquitter de nos obligations pour redorer l’image de notre pays comme ne cesse de nous le demander Son Excellence le Président de la République et Chef de l’Etat».
Dans un diagnostic sans complaisance du secteur minier artisanal, Louis Watum a dit ne pas y croire si les choses ne changent pas dans le bons, au regard de la législation minière allant de l’artisanat à la mine à petite échelle. Et de se poser la question : «Que faire de 3 millions d’artisanaux miniers qui sont dans un secteur dans lequel je ne crois pas parce qu’il n’a apporté ni des capitaux ni la technologie profitables à tous?»
Avec courage et franchise, le Ministre des Mines a partagé un constat qui s’impose à tous : ‘’Ce secteur ne profite pas au pays et à la population, et les résultats de l’artisanat minier à ce jour sont décevants. Autour des sites artisanaux, nous observons tous un taux élevé de déperdition scolaire, de grossesses précoces, de banditisme, de prostitution, de pollution environnementale et une main d’œuvre congolaise soumise à des conditions d’esclaves dont les vrais maîtres, qui bénéficient de la rente de cette activité, sont des étrangers mais également des membres de la classe politique dirigeante dans des provinces minières ». Et de souligner : « Face à cette catastrophe, nous n’avons d’autres choix que d’appliquer effectivement et sans délais toutes les clauses de nos lois existantes qui sont en leur faveur (des artisanaux) : notamment mettre à leur disposition sans délai des zones d’exploitation artisanales (ZEA) viables, les y installer et les encadrer pour que leurs activités se déroulent dans les conditions optimales d’hygiène et sécurité, sans tracasseries administratives. Pendant que nous nous attelons à cela, nous devons également nous engager à investir dans ce capital humain où l’âge moyen varie de 15 à 35 ans en les reconvertissant progressivement à travers la formation professionnelle et technique à des métiers porteurs dont ils peuvent vivre décemment et par lequel ils contribueront à la reconstruction de notre pays. Car parmi eux certains ont le potentiel de devenir des chefs d’entreprise, et d’autres peuvent exceller dans différents corps de métier.’’
Concernant la restriction des exportations des concentrés de cobalt, le Ministre Watum a joué à l’apaisement, précisant qu’il s’agit «d’une décision responsable prise par le gouvernement qui travaille sur sa levée mais moyennant des mesures d’accompagnement de ce minerai stratégique au nom de la souveraineté nationale, sans céder aux pressions et lobbies des chinois ou de qui que ce soit. Il en va de la vie de notre pays et de nos populations.»
A propos des leviers du développement communautaire des zones directement affectées par les opérations minières, le Ministre Louis Watum a insisté sur «la justice distributive et le partage de la prospérité sur base de l’équité afin de combattre les îlots de richesse et opulence qui sont en face des grands trous de la pauvreté. Cela doit se faire aussi grâce à la DOT, aux Cahiers des charges des entreprises minières et à la Redevance minière revenant aux ETDs et provinces.»
Soucieux d’apporter sa pierre de contribution aussi bien au développement communautaire que du secteur des mines, Ir Louis Watum a annoncé un train de mesures : « Les cahiers des charges de nouvelle génération doivent s’aligner sur les retombées à long terme et apporter des réponses à une vision claire que nous devons formuler pour tout projet minier. Que voulons-nous léguer aux générations futures lorsque le gisement sera épuisé? »
Il attend aussi s’atteler, entre autres, à : « la connaissance du patrimoine géologique du pays en impliquant des géologues congolais dont il faudra doter des moyens et appuyer par des recherches aérospatiales et l’intelligence artificielle ; encourager les congolais à prendre des participations dans les projets développés par les multinationales en RDC, et en devenir actionnaires ; ` développer un état d’esprit chez tous les intervenants du secteur minier grâce aux valeurs ayant contribué au développement de grands pays à travers le monde. »
Ces valeurs sont, notamment : Patriotisme : aimer son pays sans le trahir, aimer son prochain sans le tuer ni l’empoisonner pour le remplacer ou pour ses intérêts afin d’éviter et combattre ce que font les auteurs de la tragédie de l’Est de notre pays; Intégrité : faire ce qui est correct quand les gens ne vous voient pas et que vous êtes seul; ‘ Pragmatisme : obligation des résultats au delà des réunions et résolutions quelle que soit la précarité des moyens ; ‘ Méritocratie : mettre les gens qu’il faut à la place qu’il faut sans clientélisme politique ni tribale.
Avant son huis-clos avec les miniers industriels, membres de la Chambre des mines de la FEC, suivie d’un diner offert par Kamoa Copper SA, Ir Louis Watum a insisté sur le partage de la prospérité entre les entreprises, les communautés locales et le pays.
Le premier jour de la mission, marqué aussi par la présence de Cyrille Mutombo, Directeur-pays de Barrick Mining et DG de Kibali Goldmine – unique entreprise minière industrielle d’or opérationnelle dans le Haut-Uélé – s’est clôturé autour d’un dîner offert par VINMART Group chez Novotel Hôtel dans la soirée, alors que le Ministre des Mines, qui y était invité d’honneur, a continué de travailler en accordant des audiences aux miniers et aux membres de la FEC jusqu’aux petites heures du 19 septembre 2025.
Vendredi 19 septembre 2025
Homme de terrain infatigable, la deuxième journée de travail du Ministre des Mines l’a conduit tôt le matin chez Tenke Fungurume Mining (TFM), accompagné du Secrétaire général aux Mines, M. Ramazani Lutuba, du DGA du CAMI, M. Muyumba Ndubula, du Ministre provincial des Mines du Lualaba, du Président de la Chambre des Mines, M. Kasongo Bin Nassor, du Président de la FEC/Lualaba, M.Germain Pungwe, et de quelques membres de son cabinet, principalement son Directeur de cabinet adjoint.
Aussitôt fini chez TFM SA à Fungurume, le Ministre Louis Watum, accompagné de tous les chefs de corps des services nationaux et provinciaux du Ministère, se sont retrouvés face aux miniers artisanaux sur le site de Mutoshi qui opérent sur un PE (Permis d’exploitation) de la GECAMINES en amodiation avec Chemaf, mais envahi depuis des années pour exploitation artisanale, autrefois encadrée par la coopérative Comiakol qu’assistait l’ONG américaine, PACT CONGO.
Bien accueilli par les artisanaux miniers, sous la coordination du Président de la coopérative Comiakol, M. Ngombe Sylvestre Petit-Petit, le Ministre Watum a exhorté ses hôtes au respect des lois du pays sur l’artisanat, au respect de la propriété privée et des droits des autres, au respect de leurs obligations légales et à la recherche de la solution durable aux problèmes de l’artisanat minier avec ses services dont celui des ZEA viables. Cela obligeant un échange franc, constructif et sincère autour d’une table, les responsables des artisanaux et de SAEMAPE ont demandé à l’assistance d’accorder le temps au Ministre pour échanger avec les membres du syndicat des coopératives minières de la province au siège de SAEMAPE.
Ce qui fut aussitôt fait pendant au moins deux heures, sous la modération de Sylvestre Ngombe Petit-Petit, après la présentation du travail de SAEMAPE par son DG et son DP. Huit grandes préoccupations étaient soulevées par les coopératives présentes, ponctuées des révélations troublantes et accablantes, faites au nom de ses paires, par M. Nyarkos, Président d’une coopérative minière. Dans son plaidoyer, ce dernier n’a pas épargné les politiciens provinciaux et leurs alliés expatriés qui, selon lui, ont pris en otage le secteur minier artisanal contre les vrais coopératives, allant jusqu’à manipuler des gens contre toutes les autorités qui viennent de Kinshasa pour enquêter ou mettre de l’ordre dans le secteur.
Face au Ministre des Mines, il n’a pas dans la dentelle : «Vous êtes le père des artisanaux miniers qui sont obligés de vous protéger et travailler avec vous aux solutions en leur faveur parce qu’ils vous connaissent depuis Kamoa et savent que vous n’avez pas des intérêts dans l’artisanat bien que vous étiez autrefois du côté des industriels. Soyez l’église au milieu du village, ne nous sacrifiez pas pour les intérêts des industriels qui sont venus nous trouver sur différents sites obtenus par eux après à Kinshasa sans nous informer ni nous délocaliser comme l’obligent le Code et le Règlement miniers depuis celui de 2002 jusqu’à celui révisé en 2018. Nous avons refusé de marcher contre vous hier la nuit comme nous le demandaient certains politiciens, nous n’avons rien contre vous et sommes derrière vous même s’ils peuvent venir nous faire du mal après votre départ…’’
Apres leur avoir accordé tout le temps pour s’exprimer et les avoir remerciés pour «avoir parlé sincèrement avec leur cœur afin de trouver des solutions ensemble», le Ministre Watum a répondu à chacune de leurs préoccupations basées sur la création des ZEA viables et la superposition des opérations industrielles et artisanales minières (dont parle l’Article 30, litera e du Code minier révisé en 2018) en les invitant à plus de sagesse et de patriotisme, d’intégrité, de pragmatisme et de méritocratie en valorisant les intelligences de beaucoup d’entre eux qui font l’artisanat pour survivre.
Sa ligne de conduite est bien précise : «Je suis contre l’artisanat tel qu’il se fait, je veux que vous travailliez avec moi pour voir comment passer à la petite mine pour ceux dont la vocation est l’artisanat ; et pour la reconversion des autres grâce à des formations avec le ministère de la Formation professionnelle pour que deveniez des vrais entrepreneurs, travailleurs dans des entreprises et donneurs des solutions aux problèmes du secteur minier et du pays. Pour le moment, la situation reste telle qu’elle est mais à court terme parce qu’avec vous, les industriels et la société civile devons trouver des solutions durables comme les minerais ne sont pas renouvelables mais les gisements s’épuisent. J’ai dit aux industriels la même chose comme ils ont mis en l’air 120 millions de dollars (chez KCC et TFM) pour construire des murs ne servant pas à vous bloquer aujourd’hui, alors que cet argent pouvait servir à mieux faire dans le cadre des solutions durables si tout le monde avait dialogué. Faisons un pacte que vous allez tous respecter sans le violer pour dialoguer, collaborer, avancer tous ensemble à la recherche des solutions dans le respect des lois, sans se faire la guerre qui ne servira à rien. Ne servez pas les intérêts des étrangers qui contrôlent votre secteur, travaillez avec votre gouvernement aux solutions afin que vous contrôliez votre secteur et passez de l’artisanat à la mine à petite échelle grâce a l’encadrement des services de mon ministère.’’
C’est par ces mots du Ministre Watum, sous une forte ovation des délégués du syndicat des coopératives minières et de tous les chefs des corps du Ministère des Mines et de la presse locale, que la réunion s’est clôturée en toute sérénité dans la soirée du 19 septembre 2025, avant que la patron national des Mines n’enchaine une réunion avec Mme Fifi Masuka, Gouverneur du Lualaba, ponctuée plus tard par une série d’audiences dans son hôtel de résidence.
Ayant accompli sa première mission d’écouter, d’interpeller, de conscientiser et e passer le message du Chef de l’Etat à propos de l’artisanat minier dans le Lualaba, le ministère des Mines a quitté Kolwezi, le samedi 20 septembre 2025, pour répondre à Kinshasa à d’autres devoirs d’Etat, promettant de revenir au Lualaba en vue des solutions durables ; le temps n’étant plus, selon lui, « aux discours et réunions interminables sans avancées ni améliorations sur terrain ».
Avec FKF SOFTPRESS