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Ministère des Finances : Fwamba contre Kazadi, deux ministres UDPS qui s’affrontent sur la place publique

Le climat est électrique au sommet des finances congolaises. Entre Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, l’actuel ministre des Finances, et Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, son prédécesseur au même poste, une véritable guerre de tranchées s’est déclarée, s’étalant désormais sur la place publique. Loin d’une simple passation de dossiers, cette rivalité oppose deux membres éminents de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social) et révèle des tensions profondes sur la gestion de l’État.

Une tempête politique d’une rare violence secoue les fondations du ministère des Finances, révélant une fracture profonde entre deux poids lourds de l’UDPS, le parti au pouvoir. Ce qui n’était au départ que des tensions feutrées s’est transformé en une guerre ouverte, médiatique et sans concession que se livrent Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, l’actuel argentier du gouvernement, et son prédécesseur Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji.

La chronique d’un règlement de comptes annoncé

Depuis son entrée en fonction, le ministre Fwamba a érigé en stratégie de communication la dénonciation systématique de l’héritage de son prédécesseur. À chaque sortie médiatique, l’actuel ministre des Finances brandit le spectre des «cadavres dans les tiroirs» que Nicolas Kazadi lui aurait légués. Une expression choc pour décrire une réalité, selon lui, bien plus dramatique : des finances publiques exsangues, des contrats «léonins» défavorables à l’État, et une multitude de projets inachevés.

«Je passe le plus clair de mon temps, non seulement à boucher les trous laissés par mon prédécesseur, mais aussi à revoir des engagements contractuels généralement léonins qu’il a légués à la République », ne cesse de répéter Doudou Fwamba, dessinant le portrait d’une administration des Finances laissée en lambeaux.

L’escalade médiatique

Le passage récent de Doudou Fwamba sur les ondes de la radio Top Congo FM a marqué un point de non-retour dans cette confrontation. Loin de se contenter de généralités, l’actuel ministre a sorti l’artillerie lourde en égrenant une liste précise de dossiers qu’il impute directement à la gestion Kazadi.

Parmi les cibles privilégiées : le chantier à l’arrêt de Kinshasa, présenté comme le symbole des malversations passées; les atermoiements autour de l’Hôtel Marriott qui devait être logé dans la concession du Centre financier de Kinshasa; et une myriade d’autres projets inachevés initiés sous le mandat de Nicolas Kazadi.

Le ministre Fwamba n’a pas mâché ses mots, accusant son prédécesseur d’un laxisme qui aurait saigné à blanc les finances de l’État. Des accusations d’une gravité exceptionnelle dans le langage normalement feutré de la diplomatie gouvernementale.

La contre-offensive Kazadi

Face à cette offensive frontale, le camp de Nicolas Kazadi, désormais élu national de Miabi dans le Kasaï Oriental, n’a pas tardé à répliquer. Loin de se contenter d’une simple défense, les proches de l’ancien ministre ont monté une contre-attaque cinglante.

Son entourage accuse ouvertement l’actuel argentier de « cacher son incompétence » derrière les fausses accusations portées contre l’élu national de Miabi. Pour les supporters de Kazadi, Doudou Fwamba chercherait simplement un bouc émissaire pour masquer son incapacité à gérer les dossiers en cours et à impulser une dynamique nouvelle au ministère.

Cette guerre intestine dépasse largement le cadre d’une simple rivalité personnelle. Elle révèle plusieurs fractures préoccupantes :

La division au sein de l’UDPS : Le fait que les deux protagonistes soient issus du même parti au pouvoir jette une lumière crue sur les divisions internes et les luttes d’influence qui traversent la formation présidentielle. Cette guéguerre risque de fragiliser la cohésion du gouvernement et d’affaiblir la position du parti face à l’opposition.

La crédibilité des institutions : Un tel conflit public entre un ministre en exercice et son prédécesseur sape la crédibilité du ministère des Finances, pourtant pilier de la stabilité économique du pays. Les partenaires techniques et financiers pourraient s’inquiéter de cette instabilité à la tête d’une institution aussi sensible.

L’image de marque du pays : Ces accusations mutuelles, portant sur la gestion des deniers publics et la signature de contrats désavantageux pour l’État, n’améliorent pas l’attractivité du pays auprès des investisseurs étrangers.

Les questions en suspens

Cette crise soulève plusieurs interrogations fondamentales. Pourquoi le ministre Fwamba a-t-il choisi la place publique plutôt que les canaux internes du parti ou du gouvernement pour exposer ses griefs ? Le Président de la République, Chef de l’État et haute autorité de référence de l’UDPS, compte-t-il intervenir pour apaiser les tensions entre ses deux ministres ? Des investigations seront-elles ouvertes pour vérifier la véracité des accusations portées par l’actuel ministre des Finances ?

Alors que le pays fait face à d’immenses défis économiques et sociaux, cette guerre ouverte entre les deux argentiers de la République ne fait que distraire l’attention des urgences nationales. Elle consume une énergie précieuse dans des règlements de comptes stériles au détriment de la gestion des dossiers prioritaires.

La balle est désormais dans le camp de la présidence de la République et des instances dirigeantes de l’UDPS. Soit elles parviennent à étouffer cette crise et à imposer une trêve entre les deux camps, soit elles laissent la situation se dégrader davantage, au risque de voir éclater au grand jour d’autres scandales qui pourraient ébranler les fondations mêmes du gouvernement.

Une chose est certaine : le ministère des Finances, censé être le gardien vigilant de la stabilité économique, est devenu le théâtre d’une guerre fratricide dont l’issue pourrait bien redéfinir les équilibres politiques au sein de la majorité présidentielle.

Hugo Tamusa

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