En difficulté chronique, la compagnie nationale a jusqu’à début mars pour trouver des appareils, au risque de perdre son certificat de transporteur aérien. Les contrats de location des avions dont elle dispose arrivent à terme.
La direction de Congo Airways attend avec inquiétude la date du 2 mars. Si, d’ici là, la compagnie aérienne nationale congolaise ne parvient pas à acquérir des avions actifs, en propre, et dûment immatriculés dans le registre congolais, elle risque de se voir retirer son certificat de transporteur aérien (CTA) par l’Autorité de l’aviation civile en RDC (AAC). L’alerte a été lancée par le ministre des transports, Marc Ekila Likombio, dans une note de travail datée du 25 janvier, et adressée au président congolais, Félix Tshisekedi.
Selon le document, consulté par Africa Intelligence, la matérialisation de la relance est étroitement liée au déblocage de 33,8 millions de dollars par le chef de l’État. Or, pour le moment, cette dotation de relance n’est toujours pas disponible malgré l’émission du droit de tirage opérationnel acté l’an dernier.
Remplacement coûteux
Sans cette ligne de crédit, impossible de remettre en état l’actuelle flotte, qui comprend deux Airbus A320 et deux Bombardier Dash8-Q400. Les deux premiers, âgés de seize ans, sont cloués au sol depuis le second semestre 2023, en raison de moteurs ayant atteint leur durée de vie maximale et nécessitant un remplacement coûteux. Selon le ministre des Transports, le coût estimé pour l’acquisition des quatre moteurs nécessaires s’élève à 21,4 millions de dollars. Quant aux deux turbopropulseurs Q400, âgés de treize ans, l’un est en maintenance à Malte depuis juillet 2023, tandis que l’autre est stocké à l’aéroport de Kinshasa dans un état qualifié d’»irrécupérable».
La survie de la compagnie repose, à ce jour, entièrement sur la location de trois Boeing 737-800 (MSN 29932, 34905 et 28241) depuis novembre 2023 – date de la reprise des activités de Congo Airways après deux mois de suspension, faute d’avion. Cette transaction avait révélé des tensions entre Marc Ekila Likombio et le patron de Congo Airways, José Dubier Lueya. Âgés d’une vingtaine d’années, ces avions ont été loués, avec leurs équipages, auprès de deux compagnies affiliées au groupe Avia Solutions Group, un acteur majeur dans le domaine de l’affrètement aérien : la lituanienne KlasJet et la slovaque AirExplore.
Infrastructures insuffisantes
Pour faire face à ces contrats de location, un prêt de 15 millions de dollars a été contracté auprès de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), actionnaire de Congo Airways. L’emprunt, assorti d’un taux d’intérêt de 9 %, doit être remboursé sur une période de vingt-quatre mois, selon Marc Ekila Likombio. Une dette importante, qui met une pression supplémentaire sur les épaules, déjà fragiles, de la compagnie aérienne, déficitaire depuis son lancement, en 2015.
Là encore, le temps presse. Les contrats de location courent sur une période de quatre mois et les avions «très bientôt feront l’objet d’un rapatriement», urge le ministre. Les chances de prolongation sont minces : ces compagnies spécialisées dans l’affrètement préfèrent, à l’approche de la saison estivale, placer leurs avions auprès d’opérateurs générant un volume horaire de vols plus important.
Or, chez Congo Airways, ce volume sera limité. Les appareils volent uniquement de jour, du fait d’infrastructures insuffisantes (pas de balisage de nuit, pistes courtes, etc.) dans plusieurs aéroports du pays. Depuis la mise en service des trois aéronefs, Congo Airways n’a pu relancer que six destinations sur les quinze habituellement desservies. Il est peu probable que KlasJet et AirExplore choisissent de prolonger leur contrat avec le transporteur, à moins que ce dernier n’accepte la hausse des termes du bail, aggravant davantage ses problèmes financiers.
Importante créance
Pour se maintenir dans les airs, les autorités congolaises explorent désormais la voie des locations longue durée avec option d’achat, ce qui permettrait à Congo Airways d’immatriculer localement ces appareils. Selon la note du ministre des transports, deux Embraer E190 sont en cours de négociation avec la société sud-africaine Innovative Transport Solutions. Leur entrée en service est prévue dans les prochains jours.
Si l’entreprise sud-africaine est inconnue dans le monde du leasing, les Embraer E190 ne sont pas étrangers pour Congo Airways. La compagnie en avait déjà exploité deux, pris en location chez Kenya Airways, entre septembre 2021 et mars 2022. Cette collaboration, nouée en marge de la visite d’État de l’ex-président Uhuru Kenyatta à Kinshasa en avril 2021, s’était néanmoins soldée par une importante créance que la partie kényane réclame encore à ce jour. Parallèlement, la compagnie s’était engagée pour l’acquisition des versions plus évoluées, commandant deux Embraer E190-E2 et deux E195-E2. Au moins 14 millions de dollars, représentant l’acompte sur le premier appareil, avaient été versés par le gouvernement congolais, avant de surseoir le projet au motif « d’aléas administratifs de la chaîne de dépenses publiques » liés à la crise sanitaire.
La note de travail de Likombio révèle par ailleurs que Congo Airways est aussi en pourparlers, moins avancés, avec une discrète compagnie britannique, New Capital UK, pour l’acquisition en location-achat de trois appareils de type Airbus A320-200, ainsi que d’un Boeing 777-200ER pour le long-courrier. Ces derniers permettraient «le lancement urgent de l’exploitation domestique des escales des provinces non desservies actuellement, en vue du désenclavement par voie aérienne du pays et de l’ouverture de l’exploitation régionale et internationale ».
Avec Africa Intelligence