Le procès de l’ancien président Joseph Kabila, accusé de crimes contre l’humanité et de collaboration avec le groupe armé AFC-M23, prend une tournure rocambolesque. Alors que la partie civile, censée prouver ses allégations, avait demandé la réouverture des débats pour faire entendre des témoins clés, ceux-ci n’ont finalement pas comparu. Invoquant des menaces, la défense a fait volte-face, laissant le procès en délibéré sans les témoignages promis. Même Jean-Pierre Bemba, qui se vantait de détenir des preuves de la nationalité rwandaise de Kabila, n’a pu apporter son soutien à l’accusation. Le dossier, jugé vide par la défense, s’appuie désormais sur des déclarations médiatiques pour étayer ses accusations.
À la Haute Cour Militaire, le procès contre l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila, tourne au cirque, ou presque. L’on se rappelle qu’au moment de rendre son verdict, la partie civile a sollicité de la Haute Cour la réouverture des débats. L’objectif, selon Me Richard Bondo, l’un des membres du collectif des avocats de la République, était de faire comparaître trois témoins et d’obtenir des informations sur les personnes et les comptes bancaires par lesquels transitaient les financements du mouvement rebelle AFC-M23.
Vendredi dernier, les avocats de la République ont finalement renoncé à faire comparaître ces témoins, invoquant des contraintes de sécurité qui empêcheraient leur audition. Ils ont également plaidé pour que la peine de mort soit écartée au profit d’une condamnation à perpétuité et ont proposé de réévaluer les dommages et intérêts à 30 milliards USD.
«Il doit être condamné à la prison à vie, parce que notre pays a ratifié le statut de la Cour pénale internationale qui a éliminé, dans la nomenclature des peines applicables, la peine de mort. Ayant ratifié cet instrument juridique, il n’y a pas lieu pour la République Démocratique du Congo d’appliquer la peine de mort », a expliqué l’un des avocats.
Quant au vice-Premier ministre Jean-Pierre Bemba, qui prétendait, lors d’un meeting, disposer de preuves non seulement sur la filiation entre Kabila et le M23, mais aussi sur sa nationalité rwandaise, il n’a pas non plus pu aider la partie civile à étayer sa thèse.
Parallèlement, Me Jean-Marie Kabengele, un des avocats de la République, a expliqué que lui-même et ses confrères faisaient l’objet de menaces de mort et que, par conséquent, les garanties de sécurité des témoins n’étaient pas assurées.
Une nationalité qui poserait problème
Faute de témoins, le représentant de l’Auditeur général des FARDC a réitéré son réquisitoire. L’affaire est désormais en délibéré, pour un verdict attendu dans le délai légal.
Un autre point central de ce procès abordé par les avocats de la République est la nationalité de Joseph Kabila. Ils ont à nouveau plaidé pour une requalification de l’infraction de trahison en espionnage, sur la base de la prétendue nationalité rwandaise de l’ancien président.
Pour étayer leurs propos, ils se sont appuyés sur des déclarations faites dans les médias par Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, et Vital Kamerhe, ainsi que sur l’ouvrage «Un pion du Rwanda » de feu Honoré Ngwanda(+).
Ces propos ont été réfutés par Ferdinand Kambere, cadre et secrétaire permanent du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Pour lui, le procès en soi n’existe pas, car l’auditeur général des FARDC n’a jamais entendu Joseph Kabila. «C’est un procès politique mené par le pouvoir », a-t-il estimé.
«Ici, nous revenons encore sur des déclarations faites au niveau des médias, au niveau des meetings publics, pendant la campagne électorale, et même sur le livre d’Honoré Ngwanda. Est-ce que c’est une preuve ? C’est un procès qui n’a d’autre objectif que de vouloir persécuter un opposant et on veut le faire par toutes les manières, en fabriquant un dossier qui est vide », a-t-il déclaré.
Les avocats de la République estiment pour leur part avoir effectué un travail qui offre des données chiffrées justifiant de revoir à la hausse les montants des dommages-intérêts pour les victimes de Joseph Kabila.
Joseph Kabila est poursuivi pour crimes contre l’humanité : tortures, viols, déportations, et collaboration présumée avec des groupes armés, dont l’AFC-M23, lors de la prise de la ville de Goma. Un autre responsable de l’AFC-M23, l’ancien président de la Commission électorale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, avait lui, été condamné à mort par contumace en août 2024.
Francis N.

