Processus de Luanda : alors que les perspectives d’un dialogue s’éloignent ; faut-il encore y croire ?

Le processus de paix de Luanda, visant à établir, sous l’égide du président angolais João Lourenço, un dialogue constructif entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda est au point mort. Les résultats tangibles se font attendre. Les rencontres entre les représentants congolais et rwandais, bien que régulières, n’ont pas permis d’atteindre des accords durables. Via son compte X, le chef de la diplomatie rwandaise a répondu sèchement au porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya Katembwe, semant le doute sur la prochaine réunion interministérielle de Luanda, prévue ce samedi 12 octobre 2024.

À quelques heures de l’ouverture du cinquième round des négociations tripartites Angola-RDC-Rwanda dans le cadre du Processus de Luanda, l’incertitude règne non seulement dans les coulisses de la diplomatie congolaise à Kinshasa, mais aussi dans les cercles des observateurs à la suite des positions exprimées lors de la 79ème session de l’Assemblée générale des Nations-Unies, mais aussi du sommet de la l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Dans l’un et l’autre cas, Kinshasa a été soumis à de fortes pressions tranchées  exprimées par les uns et les autres. Par leurs ministres des Affaires étrangères interposé.e, Kinshasa et Kigali font monter les enchères, une posture ancrée sur les derniers développements dictés par les retombées de la 79ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, et par le 19ème sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie.

Dans un autre registre, le gouvernement congolais a été instamment prié de négocier avec le M23. Il va de soi, dans ces conditions, que le Rwanda multiplie des subterfuges et tire en longueur le processus de négociation, se croyant en position de force. D’où la réunion prévue à Luanda supposément ce samedi 12 octobre ne comporte pas les mêmes enjeux que les rounds précédents.

LOURENÇO Y CROIT, MAIS… 

S’exprimant le mardi 8 octobre devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, la ministre congolaise des affaires étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner a exposé les obstacles majeurs à la mise en œuvre du Processus de Luanda qui devrait, à terme, aboutir à la cessation des hostilités dans l’Est de la RDC, et par conséquent au rétablissement de la paix.

Elle a notamment expliqué pourquoi, selon elle, les négociations bloquent avec le Rwanda. Elle est revenue sur la question de la neutralisation des FDLR (Forces démocratiques de Libération du Rwanda) souvent brandie par le Rwanda, la nécessité d’un mécanisme de justice régional, et le rejet par ce pays de toute clause de responsabilité dans un éventuel accord de paix.

«Pour que ce processus ait du sens », a-t-elle déclaré, « il est impératif que les deux volets soient mis en œuvre de manière concomitante […] Seule cette simultanéité peut assurer la crédibilité et l’efficacité d’un plan qui aspire à restaurer la paix dans la région».

ÉCHANGES ACIDES PAR RÉSEAUX SOCIAUX

Une prise de position dont la fermeté a suscité une réaction enthousiaste du Ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya : «En quelques minutes, ma collègue a détricoté plusieurs mensonges et a mis fin à la propagation d’une fausse version de la vérité sur ce qui bloque réellement à Luanda. La diplomatie, la vraie, n’est pas toujours compatible avec l’agitation, la manipulation et le recours intempestif aux réseaux sociaux. Cette posture devrait inspirer…», a-t-il aussitôt écrit sur son compte X.

De son côté, le Ministre rwandais des affaires étrangères Olivier Nduhungirehe a réagi sur le même média social en précisant que la ministre congolaise des Affaires étrangères ne donnait par les véritables raisons du blocage.

A l’en croire, c’est Thérèse Kayikwamba Wagner qui aurait bloqué la dernière réunion ministérielle de Luanda.

Selon le diplomate rwandais, l’ordre du jour de cette réunion du 14 septembre était : adopter le plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de levée des mesures rwandaises de défense, tel qu’adopté par les experts rwandais, angolais et congolais le 30 aout à Rubavu.

«Ce compte-rendu ne mentionne nulle part une «clause de responsabilité» ou «un mécanisme de justice régionale» comme causes du blocage du processus. En revanche, il mentionne comme cause du blocage, l’opposition de la RDC au plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de levée des mesures rwandaises de défense, tel qu’adopté par les experts angolais, congolais et rwandais le 30 août 2024 à Rubavu», fait remarquer Olivier Nduhungirehe.

DIALOGUE DES SOURDS

Comme on peut le constater, les ingrédients pour un dialogue des sourds sont d’ores et déjà réunis. Ainsi, au point III du compte-rendu de la réunion du 14 septembre, alinéa a, il est mentionné : «Le Rwanda  a approuvé  le Rapport des Experts et le Plan de neutralisation des FDLR et du Désengagement des Forces /Levée des mesures de défense du Rwanda».

A l’alinéa suivant (b), il est écrit : «La RDC s’est opposée au rapport susmentionné. Néanmoins, elle a formulé des recommandations visant à garantir l’exécution simultanée et concomitante de la neutralisation des FRDLR d’une part, et du désengagement des Forces, d’autre part».

Chose remarquable et qui laisse dubitatif, le Rapport de la 4ème Réunion interministérielle du 14 septembre à Luanda et qui n’a jamais été rendue publique par le gouvernement congolais (et on comprend pourquoi) ne mentionne nulle part le M23, tout comme la présence rwandaise en appui à la rébellion dans le Nord-Kivu se traduit par l’expression «les mesures de défense du Rwanda».

Tous ces facteurs réunis, la 5ème Réunion interministérielle de Luanda ne sera pas une partie de plaisir; elle devrait s’apparenter plus à une partie de cache diplomatique à défaut d’un simple… jeu de dupes.

(Lire ci-dessous le compte-rendu de la 4ème Réunion interministérielle du 14 septembre 2024 à Luanda) .

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