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Qui ira éteindre le feu à Uvira ?

L’urgence a enfin forcé les portes des palais de la République. Uvira brûle, et Kinshasa, après avoir longtemps regardé la fumée monter, semble se décider à agir. La réunion interinstitutionnelle de lundi autour du Chef de l’État a acté l’envoi d’une équipe mixte pour éteindre le feu qui consume cette ville du Sud-Kivu, déchirée par des dissensions meurtrières entre les forces loyalistes et les Wazalendo, ces miliciens qu’on a armés hier et qu’on ne contrôle plus aujourd’hui.

La décision est juste. Elle était nécessaire. Mais elle soulève une interrogation aussi simple qu’effrayante : Qui ira là-bas ?

Qui aura l’autorité, le courage et la légitimité pour s’immiscer dans ce conflit où la ligne de front est devenue floue, où l’allié d’hier est l’ennemi d’aujourd’hui, où l’uniforme de l’État affronte ceux qui se réclamaient de sa défense ? Uvira n’est plus une simple crise sécuritaire ; c’est le symptôme d’une faillite stratégique, l’illustration tragique des dangers à créer des forces parallèles qui, un jour, échappent à tout contrôle.

Envoyer une délégation est une chose. Lui assurer un accueil, une écoute et une efficacité en est une autre. Il ne s’agit pas simplement de porter un message de paix, mais de négocier dans un champ de tensions où les armes parlent plus fort que les discours. Les Wazalendo, se sentant trahis ou marginalisés, n’accepteront pas facilement la parole d’un émissaire perçu comme l’homme de Kinshasa. Les FARDC, de leur côté, pourraient mal vivre une médiation qui pourrait sembler leur imposer un compromis avec ceux qui les ont affrontés.

Cette mission devra donc être incarnée par des figures incontestables, dotées d’une crédibilité à toute épreuve. Des personnalités capables de comprendre les ressentiments de tous, de parler le langage de la raison sans occulter celui de la fermeté, et surtout, d’offrir des garanties concrètes. Car à Uvira, on ne croit plus aux promettes. On croit aux actes.

Au-delà de l’extinction de l’incendie immédiat, cette mission devra aussi ouvrir un débat plus large : celui du désarmement et de la réintégration de ces combattants, de la clarification de leur statut, et de la restauration de l’autorité exclusive de l’État sur son territoire et sur la violence légitime.

Si Kinshasa échoue à envoyer les bons interlocuteurs, ou si cette mission n’est perçue que comme un artifice pour gagner du temps, le feu couvera encore. Et d’autres Uvira renaîtront ailleurs, tant le problème des Wazalendo dépasse les seules frontières de cette ville.

La question n’est donc plus de savoir si il faut éteindre le feu, mais qui peut y parvenir. La réponse déterminera non seulement le sort d’Uvira, mais aussi la crédibilité de l’État à reprendre en main sa sécurité et son destin.

FK

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