Dans notre précédente tribune du 22 mai 2023, nous dénoncions l’alignement de la CENCO, du moins de quelques prélats bien identifiés de cette instance religieuse sur les thèses de l’opposition en République Démocratique du Congo. Nous indiquions également que sa posture manichéenne, financièrement motivée, consistait à épingler le mal exclusivement dans le chef de gouvernants. Aussi, nous notions que cette attitude de la CENCO n’était que la contrepartie des prébendes financières, pudiquement qualifiées de donations, que la hiérarchie de l’Eglise catholique recevait d’un des membres de l’opposition, par ailleurs candidat déclaré à la présidence de la République.
Le temps étant l’allié de la vérité, il nous est aujourd’hui donné l’occasion de conforter notre thèse au regard du message « Pour des élections crédibles, Peuple Congolais, réveille-toi de ton sommeil », publié à Lubumbashi, Province du Haut-Katanga, à la clôture de la 60ème Assemblée Plénière de la CENCO.
Pour d’aucuns, ce message, mieux ce pamphlet au vitriol contre les gouvernants congolais actuels constitue une indication révélatrice de ce que la CENCO a définitivement cessé d’être l’église au milieu du village, au service de la vérité, de la justice, de la rationalité et de la paix sociale.
Missions essentielles de l’église
En effet, dans son propos introductif à ladite session, le Nonce Apostolique, représentant du Souverain Pontife, a dégagé des lignes directrices pertinentes quant aux missions essentielles de l’église dans une société. Il a en substance indiqué que « …si nous voulons que notre vie soit fructueuse, si nous voulons que notre ministère puisse avoir des fruits, nous ne devons pas nous préoccuper quelles sont les routes que je dois tout de suite construire, quelles sont les maisons que je dois faire, quel est le changement dans le pays que je dois obtenir. Parce qu’en réalité le changement dans le pays ne dépendra pas directement de l’église. Ce ne sera pas nous les évêques, pas nous les prêtres à changer le pays. Nous devons donner les principes pour que le pays puisse changer. Nous devons amener et porter Dieu à ce pays. Et seul Dieu délivrera ce pays et le pays va changer. Mais si nous sommes très préoccupés de faire ce qui ne relève pas de nous et nous n’avons pas le souci de faire vraiment ce qui relève directement de nous, il n’y aura personne qui fera ce que nous faisons et nous ne serons jamais capables de faire ce que les autres rêvent de faire, et nous perdrons beaucoup de temps et d’énergie et nous nous éloignons de la perspective qui nous vient de Dieu : mettre Dieu au centre. Ça c’est ce que l’église est appelée à faire dans tout le monde et bien sûr en RDC… »
Paradoxalement, en décidant de faire fi de ces sages recommandations valant rappel à l’ordre, un conglomérat d’hommes en soutane aurait décidé délibérément de s’éloigner de sa mission spirituelle et pastorale pour une mission temporelle revenant à l’autorité politique établie. Et pour cause, leur agenda ne prévoyait pas dès le départ aucune concession au régime en place. Il leur fallait absolument dégainer de missiles non conventionnels vers leur « peste désignée », à savoir le pouvoir politique en place et la CENI. Cette attitude sans discernement minimal jette un discrédit retentissant sur l’objectivité et la crédibilité de leur Déclaration. Et cette dernière révèle la partialité ainsi qu’une prise de position non ambiguë en faveur du camp politique de l’opposition, particulièrement de M. Moïse Katumbi Chapwe. Ces faits sont corroborés par des visites régulières et intéressées rendues à ce dernier respectivement à Lubumbashi et Kashobwe. La démarche de la CENCO aurait été dénuée de tout subjectivisme si les autres candidats déclarés à la Présidence de la République bénéficiaient de la même attention.
Le lucre ayant peut-être pris le pas sur le spirituel, le Cardinal n’a pas hésité à se transformer en propagandiste politique de M. Moïse Katumbi Chapwe. C’était au cours d’une récente célébration eucharistique à la paroisse Saint Raphaël de Limeté.
Ce qui constitue du jamais vu au sein de l’église catholique, selon plusieurs chrétiens catholiques contactés par notre rédaction. On dirait que les autres chrétiens catholiques non-membres de l’opposition sont devenus des pestiférés, mieux des excommuniés !
Dans le même ordre d’idées, il est constaté une convergence de discours entre les prélats catholiques et quelques acteurs politiques et civils. C’est au travers cette collusion que la CENCO déploie un activisme politico-diplomatique visant à encourager, susciter et soutenir la violence par un appel non équivoque à des schémas que d’aucuns qualifient d’insurrectionnels et qui sont enclins à remettre en cause l’indépendance, la légalité et la légitimité des Institutions de la République Démocratique du Congo. Et cela sans en mesurer les graves conséquences qui pourraient en découler.
Tout congolais averti se pose la question de savoir quelles sont les règles du droit canon qui fondent la CENCO à interférer de manière si récurrente, arrogante et visiblement nuisible dans des questions dont la prise en charge relève exclusivement de la société politique.
Tenez, lorsque le Cardinal AMBONGO fait jeter en prison, dans des conditions inhumaines, deux prêtres dont le péché est de lui avoir tenu tête dans un conflit sur la gestion opaque du patrimoine foncier et immobilier de l’église ou lorsque des dignitaires du régime se trouvent en délicatesse avec la justice, les Cours et Tribunaux méritent des fleurs de la CENCO.
A contrario, quand les mêmes Cours et Tribunaux s’intéressent aux personnes ayant trouvé refuge dans l’opposition, la CENCO y voit immédiatement, soit un acharnement politique, soit une dangereuse instrumentalisation de la justice ayant pour finalité la neutralisation de tel ou tel autre acteur politique et/ou civil évoluant sous son couvert.
Non, Messieurs de la CENCO (particulièrement le Cardinal Fridolin AMBONGO, Monseigneur Donatien NSHOLE et Archevêque Fulgence MUTEBA), vos desseins sont désormais à découvert. Vous semblez chercher coûte que coûte à créer un chaos politique et social en RDC aux fins de justifier son ingouvernabilité et, in fine, matérialiser le plan de sa balkanisation qui serait profitable à votre protégé et bienfaiteur dont les moyens financiers proviennent notamment des ressources naturelles maculées du sang des congolais quotidiennement massacrés pour leur farouche opposition à l’extraction illicite de leurs ressources naturelles exportées vers des usines des multinationales occidentales implantées au Rwanda et en Ouganda.
Le revers de la médaille
L’histoire notera qu’au lieu de mobiliser le peuple congolais contre l’agression et l’insécurité dont le pays est victime, vous avez cependant opté d’inviter le peuple à s’engager dans une voie insurrectionnelle contre les Institutions légalement établies, tout simplement parce qu’elles ne sont pas compatibles avec vos intérêts égoïstes.
Pour ce qui est du processus électoral, la CENCO déclare avoir noté les efforts du Gouvernement et de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Mais elle professe ex cathedra que les avancées relevées ne suffisent pas en raison de l’inexistence d’un cadre de concertation tripartite et de l’absence d’une contre-expertise crédible du fichier électoral par un organisme international spécialisé.
Il est curieux que des «hommes de Dieu» désertent sciemment la maison de la raison et de la vérité pour celle des contre-vérités éhontées.
En effet, il nous revient que le cadre de concertation existe bel et bien. Pour preuve, la CENI a récemment organisé avec succès des séances d’échanges sur l’évolution du processus électoral avec toutes les parties-prenantes aux fins de requérir leurs observations et, le cas échéant, envisager des ajustements nécessaires. Ce cadre est tout indiqué pour examiner toutes les questions relatives notamment aux supposés détournement, par des privés, du matériel électoral et de l’existence présumée de centres d’inscriptions fictifs.
Nous notons malheureusement, d’une part que ces graves accusations n’ont pas été présentées au cadre de concertation et, d’autre part n’ont pas fait l’objet de vérification idoine par la CENCO auprès de la CENI, ni des Cours et Tribunaux attitrés. En lieu et place, le message de la CENCO reprend en chœur les termes du Communiqué publié il y’a quelques semaines par elle et l’ECC ayant refusé, en violation de règles basiques d’objectivité et de neutralité, de considérer les éléments de réponse fournis par la CENI.
Pour ce qui est de l’audit du fichier électoral, il appert de rappeler que la CENI est une institution d’appui à la démocratie jouissant d’une indépendance dans l’accomplissement de sa mission. Cette indépendance l’amène à définir le format de l’audit du fichier électoral sans que cela ne lui soit dicté par qui que ce soit. Au lieu de se focaliser sur la surveillance citoyenne du processus électoral par le déploiement des observateurs électoraux à toutes les étapes, les «ministres de dieu», droits dans leurs bottes, préfèrent endosser et s’offrir le rôle de tremplin à des revendications politiciennes.
La demande d’une contre-expertise crédible du fichier électoral par un organisme international spécialisé tourne en dérision la CENCO. Celle-ci ne cesse de critiquer le Gouvernement sur un bradage de la souveraineté du fait d’avoir recouru aux forces armées étrangères pour faire face à l’agression rwandaise.
Paradoxalement, la même CENCO réclame bruyamment l’audit du fichier électoral par un organisme international ; oubliant en cela que ce fichier constitue un élément de souveraineté nationale parce qu’appelé à déboucher sur l’identification et la délivrance de la carte d’identité à tous les congolais.
De tout ce qui précède, et quelles que soient les prébendes engrangées par quelques prélats catholiques, notre réflexion interpelle vivement la CENCO quant à son rôle crucial dans la construction d’un vouloir-vivre collectif sans lequel la RDC entant que Nation irait à vau-l’eau.
Plus généralement, le moment est grave pour que les églises, considérées comme lumière de notre société, démontrent qu’elles sont effectivement l’expression humaine du message divin fondé sur l’amour et le pardon. Une piété religieuse qui ne génère pas l’amour, la justice, la vérité, la compassion et la solidarité est un obstacle à la mission de réaliser la volonté de Dieu sur la terre.
Hélas, la puissance d’argent serait passée par là, soupçonnent d’aucuns. Elle a même réussi à inhiber la foi chrétienne de quelques prélats transformés en porte-voix invétérés de certaines causes politiques. Qu’à cela ne tienne, l’immense majorité silencieuse de chrétiens catholiques reste déterminée à barrer la route à tous ces prélats affairistes obnubilés par un enrichissement personnel effréné.
Au demeurant, nous estimons que la 60ème Assemblée Plénière de la CENCO a raté le coche historique dans la mesure où elle aurait dû avoir pour thème mobilisateur : « Pour un Congo souverain, uni et prospère, Peuple Congolais, réveille-toi de ton sommeil », surtout en ce moment trouble où la survie de l’Etat préoccupe tous les segments de la communauté nationale.
(*) Les intertitres sont de la rédaction
Daniel KABIKA YAV
Libre-penseur