La Belgique est prête à examiner, de commun accord avec les autorités congolaises, la restitution de la totalité des biens et œuvres d’art issus de la colonisation de l’ex-Congo belge en possession des institutions fédérales, a indiqué mercredi le secrétaire d’Etat belge à la Politique scientifique, Thomas Dermine, en visite en République Démocratique du Congo (RDC).
Le gouvernement fédéral a lancé début juillet un vaste chantier d’étude sur la provenance des biens – spoliés ou non – issus de la colonisation du Congo ex-belge. Ce cadre a été fixé, avec une belle unanimité des sept partis formant la coalition Vivaldi, pour préparer la restitution de ces biens, qui pourrait concerner des milliers d’objets dans les prochaines années.
«Ce cadre, qui doit encore être traduit en projet de loi et approuvé, peut-être avant la fin de l’année, par la Chambre, est «précurseur» par rapport à ceux existants dans d’autres pays ayant une histoire coloniale, comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni», a assuré M. Dermine.
Il concerne «à priori 100% des œuvres» en possession des institutions fédérales, – dont le principal est l’Africa Museum de Tervuren, mais aussi le Musée des Sciences naturelles de Bruxelles, dépendant de l’Institut (IRSB) -, a expliqué le secrétaire d’Etat lors d’une rencontre à Kinshasa avec quelques journalistes.
«On reconnaît ainsi que le régime colonial (l’Etat indépendant du Congo, EIC, a été la propriété personnelle du roi Léopold II de 1885 à 1905, avant de devenir colonie belge jusqu’au 30 juin 1960, date de l’indépendance du pays) était inégalitaire», a ajouté M. Dermine à l’issue d’une visite aux réserves du Musée national de la RDC (MNRDC) au Mont-Ngaliema, en compagnie de la ministre de la Coopération au développement, Meryame Kitir.
L’adoption de cette loi sur la restitution doit ensuite permettre l’ouverture de discussions avec les autorités congolaises – les interlocuteurs restent à définir – concernant les modalités.
Une éventuelle restitution, dont l’ampleur et les modalités doivent faire l’objet d’un accord avec Kinshasa, se fera de façon concertée et sans précipitation, laissent entendre les autorités congolaises.
Selon M. Dermine, les choix seront effectués par une commission mixte belgo-congolaise, qui devra notamment faire la distinction entre la restitution matérielle (à la RDC) ou la possession juridique et physique (qui pourrait demeurer en Belgique si les conditions de conservation ne permettent pas un rapatriement dans l’immédiat, comme le soulignent certains intellectuels congolais).
L’essentiel de ces biens se trouve à l’Africa Museum de Tervuren, institution fédérale. Quelque 128.000 objets sont recensés, provenant à 85% de la RDC, en grande majorité des objets de la vie quotidienne, rassemblés depuis la création de l’EIC). Le musée évalue à 1% la part issue de pillages, à 58% la part appropriée correctement, le reste devant faire l’objet d’une étude de provenance.
Le directeur de l’Africa Museum, Guido Gryseels, a pour sa part chiffré mercredi à 2,5 millions d’euros sur quatre ans le montant de ces études.
A l’instar du Bénin
A l’instar du Bénin, qui vient d’obtenir de la France la restitution d’une partie de ses œuvres d’art, vendredi dernier en Conseil des ministres, le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, a exprimé d’engager des discussions avec la Belgique, sa puissance coloniale, pour obtenir les mêmes faveurs.
Fort du thème de son mandat à l’Union africaine intitulé «Art, culture et patrimoine : leviers pour construire l’Afrique que nous voulons», le Président de la République a souligné l’opportunité d’aborder la question du recouvrement de notre patrimoine, notamment avec le Musée royal d’Afrique centrale de Tervuren, qui regorge une grande quantité d’une valeur inestimable de nos plus belles œuvres.
Saluant la coopération des autorités belges, il a insisté sur la nécessité de voir ce processus de rapatriement se libérer de toute passion et s’inscrire sur une nouvelle politique culturelle fondée sur le respect mutuel.
Le Président de la République est d’avis que « le retour de ces œuvres redonnerait non seulement aux Congolais, mais aussi aux Africains l’affirmation de leurs identités. Il encouragera la compréhension mutuelle et permettra d’animer un dialogue interculturel et intergénérationnel ».
Pour y parvenir, le Président de la République a demandé au Premier ministre de créer une Commission nationale de politique commune sur le rapatriement du patrimoine culturel congolais. Cette Commission devrait inclure toutes les parties prenantes, notamment les ministères impliqués, des experts, des scientifiques, des chefs coutumiers, des autorités traditionnelles, monarques, etc., avec l’objectif de «mener des discussions approfondies sur la mise en œuvre d’une politique nationale cohérente sur la stratégie du rapatriement et les préalables requis pour la réussite d’une réappropriation et valorisation de notre patrimoine».
Econews avec La Libre Belgique Afrique