Évoquant un «projet dangereux», Mgr Donation Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), appelle à une «mobilisation générale» pour s’opposer au changement de Constitution en République Démocratique du Congo (RDC). Annoncée par le camp du Président Félix Tshisekedi, cette révision viserait à lui permettre de rester au pouvoir au-delà de son mandat actuel, accusent ses opposants. Il a appelé à une « mobilisation générale» pour s’opposer à un tel projet de changement constitutionnel. Interview avec le journal catholique La Croix.
Le Président Félix Tshisekedi a annoncé sa volonté de réviser la Constitution en vigueur en RDC. Pourquoi l’épiscopat s’oppose-t-il à cette révision ?
Mgr Donatien Nshole : L’actuelle Constitution représente un pacte républicain qui, appliquée correctement, pourrait éviter au pays une situation chaotique. Il serait irresponsable d’aller dans le sens du changement de la Constitution qui implique l’organisation d’un référendum. La situation socio-économique des Congolais est tellement déplorable qu’elle devrait être la priorité des gouvernants plutôt que de penser à changer les textes fondamentaux.
L’intention – dévoilée par certains ténors de la majorité présidentielle – est de toucher aux articles verrouillés ou de les contourner par le changement de la Constitution qui permettrait au chef de l’État d’aller au-delà de son deuxième et dernier mandat. Outre mettre en jeu la cohésion nationale, cela pourrait conduire à une dégradation supplémentaire de la situation sécuritaire, déjà préoccupante. Un nouveau front de tensions pourrait apparaître dans notre pays déjà fragilisé.
Enfin, élections et référendums nécessitent des ressources financières conséquentes. Celles-ci devraient plutôt être allouées au bénéfice des enseignants, infirmiers, policiers et autres fonctionnaires essentiels au bien-être de la population.
Que fera l’Église du Congo si le gouvernement décide finalement de modifier la Constitution ?
La CENCO fera le maximum de ce qu’elle peut pour faire comprendre aux dirigeants et à la population le danger auquel expose ce projet. Si elle n’est pas écoutée, chaque partie assumera ses responsabilités par rapport à ce qui arrivera, que nous ne pouvons pas prédire.
L’Église du Congo appelle à une mobilisation générale pour décourager ce projet dangereux de changement de la constitution actuelle. Comme « pacte républicain », cette constitution a su instaurer une stabilité sécuritaire dans le pays. Les problèmes actuels de la RDC ne relèvent pas tant du texte constitutionnel que de son application. Si les textes dont on dispose aujourd’hui étaient appliqués, le pays ne serait pas dans cette situation. L’Église catholique ne cherche pas à s’opposer aux dirigeants, mais à les accompagner pour une gouvernance centrée sur le bien-être du peuple.
Comment analysez-vous la situation sociopolitique actuelle ?
Mgr Donatien Nshole : Depuis l’annonce de l’éventualité d’une révision ou d’un changement de la Constitution, la situation politique en RDC se tend chaque jour davantage. La situation sociale est également préoccupante, marquée par des grèves répétées et un climat d’incertitude. Les grèves passent d’un secteur à un autre, du jour au lendemain, sans voir de solution dans un avenir proche. La situation sociale demeure fragile et est loin de s’améliorer. Cela rend toute tentative de modification de la Constitution encore plus risquée.
La CENCO (conférence des évêques, ndlr) demande depuis plusieurs mois l’organisation de concertations inclusives des forces vives du pays pour créer une dynamique nationale afin de faire face aux défis majeurs, notamment les défis sécuritaires.
Avec le journal catholique La Croix