«L’engagement de tous nos États à la formation d’un ordre mondial multipolaire juste et démocratique a été réaffirmé», a déclaré le président Vladimir Poutine lors d’un discours de clôture, évoquant une «détermination commune à lutter contre le néocolonialisme» et les sanctions «illégitimes».
Isolé sur la scène internationale depuis le lancement de son offensive militaire en Ukraine en 2022, Moscou a organisé jeudi et vendredi son deuxième sommet Russie-Afrique, réunissant cette année les délégations de 49 pays africains, dont 17 chefs d’État.
Adoption d’une déclaration commune
Une déclaration commune a été adoptée à l’issue de cette rencontre, prévoyant une coopération accrue dans les domaines de l’approvisionnement alimentaire, l’énergie et l’aide au développement. Elle appelle à «créer un ordre mondial multipolaire plus juste, équilibré et durable, s’opposant fermement à toute forme de confrontation internationale sur le continent africain», selon le texte publié sur le site du Kremlin. Le texte prévoit aussi que Moscou aidera les pays africains à «obtenir réparation pour les dégâts économiques et humanitaires causés par les politiques coloniales occidentales», y compris «la restitution des biens culturels pillés». M. Poutine a précisé qu’il devait encore discuter dans la soirée de la situation en Ukraine avec «les pays africains intéressés». «Les représentants des États africains ont fait preuve de volonté politique, ont démontré leur indépendance et leur réel intérêt à développer la coopération avec notre pays», s’est-il félicité.
Selon lui, un sommet Russie-Afrique se tiendra désormais tous les trois ans et un «mécanisme de partenariat et de dialogue» sera créé pour les «questions de sécurité», y compris pour la lutte contre le terrorisme, la sécurité alimentaire et le changement climatique. «Il est également question de passer systématiquement aux monnaies nationales, y compris le rouble, dans les règlements financiers des transactions commerciales » entre la Russie et l’Afrique, a-t-il ajouté.
La question des céréales toujours brûlante
Pour ce qui est des céréales, M. Poutine a promis à six pays africains la livraison gratuite dans les prochains mois de céréales, sur fond d’inquiétudes après l’abandon par Moscou de l’accord sur les exportations de produits agricoles ukrainiens. « Car les pays occidentaux font obstacle aux livraisons d’engrais et de céréales russes», a précisé Vladimir Poutine.
Moscou pourra «dans les mois qui viennent» livrer gratuitement jusqu’à 50 000 tonnes de céréales à six pays : le Zimbabwe, la Somalie et l’Érythrée et trois pays s’étant rapprochés de Moscou ces dernières années : le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso. «Notre pays peut remplacer les céréales ukrainiennes sur le plan commercial mais aussi sur celui (des livraisons humanitaires) à titre gracieux», a-t-il déclaré, en affirmant que la Russie était un producteur «solide et responsable».
Auparavant, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a appelé vendredi Moscou et Kiev à trouver «des solutions urgentes» sur l’exportation des céréales ukrainiennes vers l’Afrique, sur fond d’inquiétudes liées à la fin d’un important accord. « Je souligne l’importance de trouver des solutions urgentes pour fournir de la nourriture et des engrais, à des prix qui aideront l’Afrique à surmonter cette crise», a déclaré le dirigeant égyptien lors de ce Sommet Russie-Afrique. «J’aspire à parvenir à une solution consensuelle sur l’accord d’exportation de céréales, en tenant compte des demandes et des intérêts de toutes les parties, pour mettre fin à la flambée des prix », a-t-il réclamé, plus d’une semaine après l’abandon par Moscou de ce texte crucial pour les pays africains.
Pour rappel, la Russie est sortie de cet accord, qui permettait à l’Ukraine d’exporter des millions de tonnes de grain malgré le conflit, en se plaignant d’entraves à ses propres livraisons de produits agricoles. En un an, cet accord avait permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, contribuant à stabiliser les prix alimentaires mondiaux et à écarter les risques de pénurie.
La question sécuritaire en toile de fond
Autre point important : le groupe paramilitaire Wagner. Il concrétise la volonté de la Russie d’entamer ou de poursuivre un rapprochement avec l’Afrique, y compris via les services du groupe paramilitaire Wagner, se présentant comme un rempart contre «l’impérialisme et le néocolonialisme occidental ». Un signe qui n’aura pas échappé aux observateurs : la photo de Prigojine avec une personnalité africaine.
Publiée sur Facebook par DmitriSytyi, bras droit d’Evgueni Prigojine en Centrafrique, elle est supposée être datée du jeudi 27 juillet. On y voit Evgueni Prigojine en civil, souriant, serrer la main d’un homme que le Financial Times identifie comme étant Freddy Mapouka, chef du protocole du président de la République centrafricaine (RCA). D’après le commentaire de DmitriSytyi, la photo aurait été prise en marge du sommet Russie-Afrique. Une manière de faire comprendre que sur le volet sécuritaire en Afrique, il fallait continuer à compter avec les paramilitaires de Wagner.
Avec Le Point Afrique