On sait finalement ce que le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque métropolitain de Kinshasa, est allé chercher, le 29 octobre 2021, auprès du président Denis Sassou Nguesso du Congo/Brazzaville. L’Eglise catholique qui, à l’instar de l’Eglise du Christ au Congo, ne se retrouvent dans la nomination de Denis Kadima à la tête de la Céni (Commission électorale nationale indépendante) et préfèrent se mettre à l’écart du processus électoral, sans en être partie prenante. Une situation qui embarrasse autant le pouvoir en place à Kinshasa que les partenaires extérieurs. A Brazzaville, le président Sassou semble s’être invité dans ce débat pour parvenir finalement à un compromis. Un schéma est en gestation, sans remettre en cause le choix de Denis Kadima. Pour équilibrer les forces au sein de la Centrale électorale, une option est à l’étude : confier l’administration électorale, c’est-à-dire le très stratégique poste de secrétaire exécutif national de la Céni à un délégué de l’Eglise catholique au Congo. Sassou y travaille. Il ne reste plus qu’à convaincre le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi. Objectif : impliquer l’Eglise catholique dans le processus électoral en la plaçant au cœur des opérations.
Il faut sortir de la crise provoquée par la désignation de Denis Kadima comme président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Dans un langage direct et sans ambages, le Cardinal Fridolin Ambongo a accusé le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, d’avoir nommé son proche en la personne de Denis Kadima.
Pour le prélat catholique, il s’agit d’un crime dans la mesure où M. Kadima n’incarnerait plus l’indépendance attendue d’un président de la Céni. L’histoire donne raison à Fridolin Ambongo, lorsque l’on sait que le pasteur Daniel Ngoy Mulunda Nyanga a étalé des années après, qu’il était Kabiliste, donnant raison à ceux qui ne voulaient pas de lui comme organisateur des scrutins.
Selon des sources du palais à Brazzaville, ces accusations ont été prises en compte. Lors d’un tête-à-tête à Glasgow, en marge de la COP26 de Glasgow, le président Sassou Nguesso a fait part à son « fils » d’un schéma de sortie de crise qui pourrait contenter tout le monde. D’ailleurs, pour rassurer le président doyen de la sous-région, Félix-Antoine Tshisekedi a réitéré qu’il voulait des élections apaisées et inclusives dans une déclaration à la presse.
En fait, Sassou Nguesso, bien qu’il ne s’accommode pas du droit de regard de l’Eglise catholique dans l’organisation des élections dans son propre pays, a néanmoins proposé un schéma pouvant rassurer tout le monde, à commencer par les Églises catholique et protestante.
En réalité, à Brazzaville, on joue à l’anticipation, craignant que des tensions pré ou postélectorales à Kinshasa n’affectent finalement son équilibre interne.
Le secrétariat exécutif de la Céni à la Cenco
Étant attendu que toutes les instances décisionnelles échappent complètement à ces deux Églises qui ne font pas confiance au président de la centrale électorale, le schéma consiste à nommer le candidat de la Cénco (Conférence épiscopale nationale du Congo) au secrétariat exécutif national de la Céni. Cet organe technique est au cœur du processus électoral. Rien ne peut se faire sans la participation de cet organe technique.
Dans sa stratégie, le vieux président serait allé jusqu’à proposer un nom : Cyrille Ebotoko. Le «Monsieur élection» de la Cenco est réputé très proche du Cardinal Fridolin Ambongo.
En obligeant le président Denis Kadima à le nommer à ce poste, la finalité vise, en réalité, l’implication directe des Catholiques dans l’organisation des scrutins. Ce faisant, on offre également une voie de sortie honorable à Moïse Katumbi qui fait confiance à l’église catholique. Tout compte fait, il pourrait reconsidérer sa ligne rouge dans la mesure où, l’implication à ce niveau de l’Eglise catholique, serait une garantie suffisante.
Ainsi, quitter l’Union sacrée après un tel compromis serait faire preuve de mauvaise foi et d’une volonté manifeste de blocage. Moïse Katumbi voudrait-il porter une telle responsabilité ? Sans doute que non !
Le retard pris dans la finalisation de sa décision, après des consultations à Kinshasa, démontre à suffisance qu’une oreille attentive est réservée à ce schéma salvateur et qui semble rassure tous les protagonistes.
Pourvu que Félix Tshisekedi l’accepte ! C’est la grande inconnue.
Mais, à Brazzaville, le président Sassou s’active.
Ambongo chez Sassou
On se rappelle que, le 29 octobre 2021, le cardinal Fridolin Ambongo est allé à la rencontre du président Denis Sassou Nguesso, sur place à Brazzaville. L’archevêque métropolitain de Kinshasa n’avait pas caché l’objet de sa traversée du fleuve Congo. Selon lui, il était question de recueillir les conseils du « vieux sage» de la sous-région, au regard de la crise née de la désignation controversée du nouveau président de la Commission électorale de la République démocratique du Congo.
«Notre position est très claire. Notre avis est contre le choix de celui qui a été investi par l’Assemblée nationale et confirmé par le Président de la République», avait déclaré le prélat à la presse, au sortir de son audience avec le président Sassou Nguesso. Et d’ajouter : «Nous, église catholique protestante, qui constitue quand-même plus de 90% de la population de la République Démocratique du Congo, nous avons dit au président Félix Tshisekedi que ce n’est pas un bon choix ». Avant de rappeler : «Nous tenons beaucoup à l’indépendance de la Céni. Et, il n’est pas bon que le président d’une telle institution soit trop proche de celui qui est au pouvoir (…) Il ne nous a pas écoutés et a décidé de confirmer celui-là. Mais, nous sommes préoccupés parce que ça risque de constituer une espèce de germe de contestation pour les élections de demain ».
Dans la lignée de l’Eglise catholique, les Protestants regroupés au sein de l’ECC, sont allés plus loin en décidant de quitter la place de «Confessions religieuses»; celle qui a eu la charge de proposer le candidat président de la Céni.
Pas la peine de se voiler la face. La crise de confiance entre parties prenantes au processus électoral est bien réelle. Sans compter les nombreuses réticences dans la classe politiques.
Pour le moment, il s’agit de désamorcer la crise. Et c’est de Brazzaville que pourrait venir la solution avec la nomination d’un proche de la Cénco au poste de secrétaire exécutif national de la Céni qu’occupe actuellement Ronsard Malonda, ancien candidat du FCC au poste de président de la Céni, avant d’être récusé par Félix Tshisekedi.
Chacun aura donc un proche à la Céni. Le cardinal Fridolin Ambongo et la Cénco auront Cyrille Ebotoko au secrétariat exécutif national et le chef de l’Etat aura son proche allégué Denis Kadima. Personne ne devra se plaindre parce que tout le monde serait impliqué.
Econews