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SCPT/RDC : vers un apaisement après une affaire de cyberattaque controversée

Une lumière commence à poindre dans le dossier complexe qui, depuis près de trois ans, entoure la Société Congolaise des Postes et Télécommunications (SCPT) et certains de ses ingénieurs. Accusés en 2022 d’avoir été impliqués dans une cyberattaque nationale, ces derniers ont été totalement innocentés par un audit technique. Toutefois, des inquiétudes demeurent quant à la situation humaine et juridique des agents concernés.

L’affaire remonte à plus de 30 mois, lorsque des accusations relayées par les médias et les services de sécurité de la République Démocratique du Congo affirmaient que des agents de la SCPT avaient facilité un piratage du réseau national, allant jusqu’à prétendre que certains serveurs étaient hébergés au Rwanda. Une allégation depuis qualifiée de « mensongère » par l’Intersyndicale de la SCPT, qui dénonce une campagne de désinformation aux conséquences dramatiques pour les employés visés.

Un audit technique sans équivoque

Les résultats de l’audit technique, mené par une commission conjointe SCPT/Services de sécurité avec le concours d’experts externes — notamment de la CITCC, de Huawei, et de l’équipe d’audit interne de la SCPT — sont clairs : aucun acte de piratage n’a été détecté via les équipements de la SCPT, – aucun serveur n’a été localisé à l’étranger, y compris au Rwanda, – aucun cas de cyberespionnage ni d’usurpation d’adresse IP, – aucune implication des ingénieurs dans une cyberattaque quelconque.

Ces conclusions battent en brèche les accusations initiales et révèlent, selon les experts, une profonde méconnaissance du fonctionnement des infrastructures de télécommunications du pays. Pour rappel, la RDC est connectée à l’Internet mondial via le point d’atterrissage WACS à Muanda et par une liaison fluviale Kinshasa–Brazzaville assurée par Congo Telecom et Angola Cables.

Un climat de répression qui perdure

Malgré cette vérité technique désormais établie, les ONG de défense des droits humains tirent la sonnette d’alarme. Plusieurs cas de persécutions, de détentions arbitraires, de tortures et de disparitions sont encore signalés parmi les ingénieurs de la SCPT, dans un climat d’intimidation généralisée. Certains techniciens vivent en exil forcé, et d’autres sont toujours privés de liberté sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux.

L’Intersyndicale de la SCPT, qui a adressé une lettre à la Direction Générale de l’entreprise le 28 avril dernier, dénonce également la rétention du rapport final par les services de sécurité. Elle appelle à une dépolitisation du dossier et insiste sur la nécessité de respecter l’intégrité morale et professionnelle de ses agents.

Des revendications claires

Dans sa lettre, l’Intersyndicale formule plusieurs exigences fermes, notamment la libération immédiate des ingénieurs détenus depuis juin 2022, leur réhabilitation intégrale dans leurs fonctions, la fin des arrestations arbitraires, la publication sans condition du rapport final d’audit et le respect des droits fondamentaux et la protection de l’ensemble du personnel.

Une entreprise fragilisée, une justice attendue

Pour l’Intersyndicale, cette situation porte gravement atteinte à la crédibilité de la SCPT, à son fonctionnement quotidien et aux principes élémentaires de justice dans un État de droit. Elle alerte également sur les conséquences de la politisation d’affaires techniques, dans un contexte où les tensions régionales, notamment entre la RDC et le Rwanda, alimentent soupçons et dérives.

Alors que la lumière est désormais faite sur le plan technique, c’est au plan judiciaire et humain que les attentes demeurent les plus pressantes. Reste à savoir si les autorités congolaises répondront à l’appel des ingénieurs injustement accusés et rendront justice à ceux qui ont été les victimes silencieuses d’une affaire aux ramifications encore floues.

CP