Tel un ballon d’essai…

La phrase est quasiment passée inaperçue. Et pourtant. A décortiquer froidement le communiqué du gouvernement consécutif à l’attaque du chasseur Sukhoi 25 des Forces armées de la République Démocratique du Congo par la défense anti-aérienne rwandaise le 24 janvier, une interrogation s’impose. En effet, le porte-parole du gouvernement note qu’«à quelques jours du démarrage des opérations d’enrôlement des électeurs au centre et à l’Est du pays, le Gouvernement appelle l’attention de la communauté internationale sur la nécessité et l’urgence de maintenir la pression sur le Rwanda et le mouvement terroriste M23 pour qu’ils cessent la violence qui risque d’hypothéquer ces opérations en cette année électorale ».
En d’autres termes, si la violence venait à persister, l’enrôlement des électeurs ne saurait se faire dans les zones actuellement occupées par les forces régulières rwandaises et leurs supplétifs terroristes du M23, entraînant ipso facto l’exclusion de ces compatriotes du fichier électoral. Car on voit mal les forces d’occupation laisser le libre passage aux équipes de la CENI sur un territoire disputé sans que des avancées ne soient enregistrées sur le plan des négociations de paix. Surtout que les relations se détériorent au jour le jour entre Kinshasa et Kigali, et que les processus dits de Luanda et de Nairobi sont au point mort.
Alors le gouvernement lâche un semblant de ballon d’essai qui vient rappeler à l’attention des esprits perspicaces qui gardent encore en mémoire que la présidentielle de 2018 n’avait pas été organisée dans la circonscription de Beni-Territoire en raison des tueries attribuées aux rebelles ougandais des ADF. Cinq ans plus tard, il n’est plus question qu’une partie de la population congolaise soit laissée sur le bord de la route. Ou l’on vote en bloc, ou alors, personne n’ira aux urnes. Solidarité et cohésion nationales obligent !
Moralité : le report des élections s’imposerait tout naturellement. Un mécanisme à ne pas confondre avec le fameux «glissement» dont se gargarisent toutes les oppositions, et qui n’a rien de commun avec un report patriotique en signe de solidarité avec les populations qui vivent sous occupation.
Les territoires de Rutshuru et de Masisi étant parmi les zones à densité démographique élevée, la légitimité du futur président de la République en dépend au plus haut point. Alors, un petit report, le temps de laver le linge sale avec le voisin, «frère et ami» rwandais, ne ferait de mal à personne !

Econews