Marché de l’or : Tshisekedi écarte le Qatar à cause de Kagame, vive colère à Doha, liesse à Abu Dhabi

La rencontre, finalement annulée lundi dernier à Doha, entre le Président de la République, Félix Tshisekedi, et son homologue rwandais, Paul Kagame, sous la médiation du Qatar, a jeté un doute dans les relations Kinshasa et la capitale qatarie. Et le Qatar ne cache pas sa colère face à ce désistement en dernière minute de Kinshasa. «Une attitude qui a surpris le Qatar, d’autant que c’est Tshisekedi qui avait sollicité la tenue d’une médiation», commente Africa Intelligence. Dans un contexte de relations tendues entre Kinshasa et Kigali, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a donc réservé une fin de non-recevoir à la démarche du Qatar. Quoi qu’irrité par cette volte-face de Tshisekedi, «le Qatar est optimiste que la réunion aura lieu à un moment à déterminer», a indiqué l’AFP, citant des diplomates qataris. Quoi qu’il en soit, le fond du problème demeure le marché de l’or congolais, confié depuis lors aux Emirats Arabes Unis. Kinshasa a donc débouté le Qatar – une façon de le punir en raison de sa proximité avec le Rwanda. En mettant de côté le Qatar dans ce deal de l’or, Kinshasa confirme son ancrage vers Abu Dhabi. A tout prendre, Kinshasa vient d’ouvrir un nouveau front entre les pays du Golfe. A la base, le marché de l’or.
La rencontre projetée le lundi 23 janvier à Doha entre les présidents rwandais et congolais sous la médiation du Qatar n’a pas eu lieu. Pour la simple raison que le président Tshisekedi a boycotté la rencontre, alors que la délégation rwandaise arrivée pour préparer l’arrivée de Paul Kagamé était bel et bien sur place. Le chef de l’Etat congolais exprimait ainsi la position tranchée de son pays face à «la mauvaise foi» du Rwanda resté sourd aux appels de la communauté internationale l’invitant à retirer ses troupes présentes sur le sol congolais en appui à la «rébellion » du M23.
Des sources autorisées indiquent que l’échec de la médiation qatarie a laissé les autorités de ce pays du Golfe dans une grande déception. Et en diplomatie, c’est un euphémisme chargé de lourdes conséquences. Et pour cause. La rupture des contrats conclus entre Félix Tshisekedi et Paul Kagamé, concernant notamment le raffinage au Rwanda de l’or de l’entreprise congolaise Sakima a d’importantes répercussions à Doha, dans la mesure où l’usine, financée par des fonds qataris, était quasiment opérationnelle.

Tout ce qui vient de Kigali est à proscrire
Des partenaires sont avertis que rien ne se fera contre la République Démocratique du Congo, particulièrement dans le secteur des ressources naturelles, tant que le Rwanda en fera partie.
Se faisant le porteur des produits extraits du sous-sol congolais, Kigali avait noué un partenariat profitable au Qatar, contre les intérêts de la RDC. D’abord, au nom des ressources naturelles congolaise, le Qatar a accepté de se mettre ensemble avec le Rwanda pour créer la compagnie aérienne Rwand’air. Ainsi que tout le monde le sait, cette compagnie aérienne a réalisé ses performances grâce aux juteux escales du marché congolais, avec des fréquences en flèche de Rwand’Air sur les aéroports de la RDC.
Plus encore, le Qatar est associé au Rwanda à la mise en place, sur le sol rwandais, d’une raffinerie d’or qui devait recevoir l’or extrait en RDC. Malgré le tollé sur le rapprochement entre Kinshasa et Kigali, sanctionné particulièrement par une série d’accords de coopération, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a tenu bon contre son opinion interne afin de garantir la paix dans la région des Grands lacs. Avant que tout ne s’écroule…
Au lieu de privilégier la paix, Paul Kagame a préféré cracher sur la main qui voulait le nourrir. En fait, Kigali a porté par son désir permanent de pérenniser la prédation des ressources naturelles de la RDC.
Le marché de l’or congolais étant dès lors compromis, le Rwanda voyait très mal que son usine de raffinage soit condamnée à l’arrêt. Au-delà de cet accord inévitable, Kigali se sentait embarrassé face à son grand partenaire financier, le Qatar, qui, faudrait-il le rappeler, a financé en grande la raffinerie rwandaise. A Kigali, tout comme à Doha, il était important d’harmoniser les relations avec Kinshasa pour éviter l’arrêt de la raffinerie rwandaise. Ce qui justifie l’activisme de Doha pour rapprocher par tous les moyens les deux « frères » ennemis, à savoir Kinshasa et Kigali.

Une partie d’échecs imprévisible
Qatar, qui a accompagné Kigali dans sa démarche, paie depuis les frais de ses choix contre les intérêts de la RDC en se rangeant derrière l’agenda de Kagame.
Tirant les conséquences de cette situation, le Président Félix Tshisekedi a suspendu tous les accords liant la RDC au Rwanda. La compagnie aérienne Rwand’Air est interdite de survol du ciel congolais. Bref, Tshisekedi a frappé Kigali dans le porte-monnaie de la prédation. Les montages financiers lucratifs de Kigali et le Qatar ont perdu de leurs saveur et éclats.
Tous les collaborateurs qui connaissaient ce plan diabolique, qui tenait à la pérennisation des violences pour poursuivre la prédation par le Rwanda, ont été virés du cabinet présidentiel.
Attendu à Dubaï, où un piège lui avait été tendu par Kigali, c’est avec les Emirats arabes Unis que le Président Tshisekedi s’affiche. Un colis d’or a été envoyé à Abu Dhabi.
En réalité, Kinshasa est venu s’immiscer dans un conflit géopolitique opposant les pays du Golfe Persique. En effet, le Qatar et les Emirats Arabes Unis sont en conflit ouvert. Une guerre de leadership qui oppose les deux riches Etats gaziers du Golfe. En se faisant l’allié des Emirats Arabes Unis au détriment du Qatar, Félix Tshisekedi a son choix dans la région. On comprend aisément pourquoi il est en froid avec le Qatar, très proche de son ennemi, le Rwandais Paul Kagame.
On comprend tout aussi les raisons pour lesquelles le Président de la République a écarté de son cabinet des conseillers de haut rang, très proche de Kigali et de Doha, respectivement son ex-conseiller spécial Fortunat Biselele et celui en charge des investissements, Jean-Claude Kabongo.

Kinshasa déroule le tapis rouge pour Abu Dhabi
La création par Kinshasa et des investissements privés émiratis de la holding PRIMERA GOLD SA ayant la primauté de l’exportation de l’or congolais au départ de la capitale congolaise rend obsolète les installations de traitement installées à grands frais au Rwanda.
Pour consolider ce nouveau partenariat, le Président Félix Tshisekedi avait assisté, le 13 janvier 2023, à la cité de l’Union Africaine, à la première expédition d’or équitable, par la RDC vers les Emirats Arabes Unis par le biais de sa nouvelle société de droit congolais.
La nécessité pour Kinshasa de couper à couper l’herbe sous les pieds de Kigali, désormais privée d’exportations de l’or congolais, revêt un revers de la médaille auquel les experts congolais ne semblent pas avoir pris en compte. Elle a éloigné Kinshasa du Qatar avec qui la RDC était très avancé pour la modernisation de certains aéroports congolais.
Le Qatar avait dès lors tout intérêt à réconcilier les deux gouvernements – congolais et rwandais – lui permettant de faire d’une pierre deux coups. D’une part, le raffinage de l’or congolais au Rwanda permettait d’engranger des royalties conséquentes; et d’autre part, la mise en œuvre dans le secteur aéroportuaire congolais.
Vu de Kinshasa comme de Kigali, en boycottant la médiation qatarie, la RDC hypothèque la matérialisation de l’arrivée du Qatar en RDC. Kigali n’y gagne pas non plus, l’or congolais prenant désormais un chemin légal et davantage transparent. L’on comprend dès lors la raison pour laquelle le Rwanda maintient et renforce son occupation des riches régions aurifères du Sud-Kivu.
Doha reste optimiste
A Doha, on n’a pas perdu espoir. On accorde encore une chance à la désescalade entre la RDC et le Rwanda.« Le Qatar est optimiste que la réunion aura lieu à un moment à déterminer », a indiqué l’AFP, citant une source du ministère des Affaires étrangères du Qatar.
Les efforts du Qatar pour organiser la réunion ont commencé pendant la Coupe du monde de football, qu’il a accueillie. Paul Kagame était présent à la finale le 18 décembre 2022.
Une rencontre « de haut niveau » entre la RDC et des responsables rwandais a eu lieu pendant le tournoi, selon une source qatarie, au courant des pourparlers, qui s’était confiée à l’AFP.
Un diplomate africain suivant les efforts de paix a cependant déclaré que Tshisekedi avait refusé d’assister à la cérémonie de signature de Doha cette semaine en raison de « doutes » sur l’accord. Le diplomate n’a donné aucun détail.
Les relations entre le géant de la République démocratique du Congo et son voisin beaucoup plus petit sont mauvaises depuis des décennies. Mais ils ont fortement éclaté l’année dernière après qu’un groupe rebelle longtemps endormi, le M23, a relancé les opérations dans l’Est troublé de la RD Congo et capturé des pans de territoire. Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir les rebelles.
Le dernier incident d’avion de chasse n’a fait qu’accroître les inquiétudes. Kinshasa l’a qualifié «d’acte de guerre ».
Des diplomates contactés par l’AFP ont déclaré que les États-Unis soutenaient les efforts de médiation du Qatar, qui a joué le rôle d’intermédiaire dans plusieurs conflits ces dernières années.
«En tant que facilitateur de l’accord, le Qatar ne ménagera aucun effort » pour aider le Rwanda et la RDC à atteindre « la stabilité et la prospérité », a indiqué la source.
La porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, dans un message texte à l’AFP, a déclaré: «Le Rwanda est toujours prêt à contribuer à la paix et à la sécurité dans notre région ». Et d’ajouter : «Nous attendons avec impatience la réunion de Doha afin de renforcer les processus de Nairobi et de Luanda ».

Econews