Parfum de soft power et de business à l’italienne : la République Démocratique du Congo vient de franchir un pas inédit dans sa stratégie diplomatique en s’associant au prestigieux club de football AC Milan.
Présenté en grande pompe comme un outil de rayonnement international et de promotion touristique, ce partenariat suscite déjà des interrogations, voire une certaine perplexité dans l’opinion publique. Entre vitrine marketing et opacité budgétaire, l’opération pose une question centrale : à quel prix, et pour quels résultats tangibles ?
Une vitrine séduisante…
Le gouvernement, par le biais du ministère du Tourisme, a annoncé ce partenariat comme une avancée stratégique. La RDC devient ainsi partenaire premium du club lombard, avec le slogan «Explorez la RDC, cœur de l’Afrique» bientôt visible sur certains supports du Milan AC.
À travers cette opération, Kinshasa espère repositionner le pays dans le concert des nations et attirer investisseurs et touristes. Le ministre Didier M’Pambia Musanga évoque même la création d’une Commission nationale pour le Soft Power, preuve que l’initiative s’inscrit dans une logique de diplomatie d’influence.
Le président du club italien, Paolo Scaroni, ne tarit pas d’éloges : ce partenariat contribuerait au «développement économique et social du Congo ». Une délégation milanaise est attendue à Kinshasa pour lancer cette «plateforme internationale de coopération». Sur le papier, la démarche semble alléchante, portée par des ambitions modernistes et une volonté d’ouverture au monde.
… mais des zones d’ombre préoccupantes
Mais derrière le vernis diplomatique, les critiques fusent. Et pour cause : dans un contexte marqué par une crise sociale persistante, écoles délabrées, routes en ruine, hôpitaux à l’abandon, insécurité alimentaire, l’annonce passe mal. Beaucoup s’interrogent sur l’opportunité d’un tel investissement dans la communication et le prestige, alors que le quotidien de millions de Congolais reste dominé par la précarité.
Sur le plan financier, le flou demeure. Aucun chiffre officiel n’a été communiqué sur le coût réel de ce partenariat pour le Trésor public. Or, on sait que la Fondation Milan a déjà injecté plus de 12 millions d’euros dans des projets similaires ailleurs, et que la RDC s’est engagée à cofinancer la construction d’une école à Boma ainsi que la rénovation d’infrastructures sportives. Pour l’instant, aucune ventilation budgétaire précise n’a été rendue publique. Une opacité qui alimente le soupçon.
Soft power ou poudre aux yeux ?
Le cœur du débat réside là : cette opération de diplomatie sportive et touristique est-elle une stratégie bien pensée de rayonnement à long terme ou un coup de com’ déconnecté des urgences sociales ? Car si l’image internationale est un enjeu important, elle ne peut à elle seule répondre aux attentes d’une population qui réclame, avant tout, des services de base efficaces.
À l’heure où les priorités semblent devoir être l’éducation, la santé, les routes ou la sécurité alimentaire, investir dans le football européen comme outil de politique extérieure relève pour beaucoup d’un décalage flagrant avec la réalité du terrain. Et tant qu’aucune transparence n’est faite sur les engagements financiers, le partenariat entre le Milan AC et la RDC risque bien de rester, pour l’opinion, une opération aux contours flous… sinon suspects.
Conclusion :
Faire rêver par le ballon rond et les spots publicitaires est une chose. Redonner confiance au citoyen congolais par des actes concrets et des comptes clairs en est une autre. Entre l’image et la réalité, la RDC devra prouver que ce partenariat n’est pas une diversion, mais bien un levier de développement crédible et mesurable.
Tighana M.

