Après une longue période de tensions diplomatiques et militaires, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a lancé un appel franc et solennel à son homologue rwandais, Paul Kagame, depuis Bruxelles. Estimant que le temps des flèches empoisonnées est révolu, Tshisekedi exhorte à l’établissement d’une paix des braves, claire et sincère, visant à rétablir les ponts entre Kinshasa et Kigali. Ce vœu audacieux, marquant une volonté historique de décrispation, est désormais suspendu à un élément crucial : la réponse de Paul Kagame.
De Bruxelles, capitale européenne, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a lancé un message qui, s’il est suivi d’effets, pourrait redessiner la carte géopolitique de l’Afrique des Grands Lacs. Après des années d’accusations, de tensions et d’une guerre larvée dont la population congolaise paie le prix le plus lourd, le Chef de l’État congolais tend la main à son homologue rwandais, Paul Kagame. L’initiative est audacieuse, elle est nécessaire, mais elle est aussi périlleuse.
«Aujourd’hui, nous vivons cette situation et nous sommes les deux seuls capables d’arrêter cette escalade, a-t-il lancé à son homologue rwandais. Je le dis en prenant à témoin le président Joao Lourenço, notre président actuel de l’Union africaine, auquel je rends d’ailleurs un hommage particulier pour son implication dans cette crise [à travers le processus de Luanda, entre Congolais et Rwandais, NDLR] et qui, comme vous le savez, était à quelques encablures de la régler définitivement. Mais malheureusement, sans aucune raison – en tout cas, je n’en ai jamais entendu jusqu’à ce jour – vous avez boycotté cette cérémonie alors que nous étions à 98 % déjà de recouvrer une paix durable ».
Lors de son allocution, Félix Tshisekedi a également fait mention des combats qui ont repris ces dernières semaines dans l’Est de son pays entre forces congolaises et la coalition rebelle AFC/M23.
Aussi, a-t-il invité Paul Kagame à s’inscrire dans la voie de la paix en coupant les liens avec la rébellion qu’il finance dans l’Est de la RDC : «Que vous donniez l’ordre aux troupes du M23 d’arrêter cette escalade». Et d’ajouter : «Mais il n’est pas trop tard pour bien faire et c’est pour cela que je prends à témoin ce forum et, à travers lui, le monde entier, pour vous tendre la main, Monsieur le président, pour que nous fassions la paix des braves. Et cela demande que vous donniez l’ordre aux troupes du M23 qui sont soutenues par votre pays, d’arrêter cette escalade qui a fait suffisamment de morts comme cela. Nous les comptons par millions. Il est temps d’arrêter et de nous tourner vers la paix et le développement.»
UNE MAIN TENDUE LANCEE AU CŒUR DE L’EUROPE
Le timing et le lieu de cette annonce ne sont pas anodins. Bruxelles, siège des grandes institutions européennes, est une tribune stratégique. En choisissant cette scène, le président Tshisekedi place la relation conflictuelle entre la RDC et le Rwanda sous le regard de la communauté internationale. Il endosse le rôle du leader apaisé, prêt à jeter de nouveaux ponts et à refermer un chapitre marqué par les flèches empoisonnées. C’est une offre de dialogue qui se veut sans conditions, mais qui n’est pas sans arrière-pensées. Il s’agit aussi, et peut-être surtout, d’une manœuvre politique visant à isoler diplomatiquement un Rwanda souvent perçu comme l’agresseur.
L’appel à une « paix des braves » est un concept fort. Il sous-entend que la réconciliation est possible sans humiliation pour aucune des parties, sur la base d’un réalisme lucide. C’est reconnaître que ces deux géants de la région sont condamnés à s’entendre, liés par une géographie implacable et une interdépendance économique qu’aucun blocus ni rébellion ne peut indéfiniment nier. La RDC, avec ses immenses ressources et son marché potentiel, et le Rwanda, avec son modèle de développement et son efficacité administrative, ont tout à gagner d’une coexistence pacifique et d’une coopération structurée.
KAGAME, L’IMPREVISIBLE
Cependant, le chemin vers cette paix est semé d’embûches, et la plus grande d’entre elles se nomme Paul Kagame. Le président rwandais, stratège redoutable et habitué des guerres par procuration, restera-t-il sourd à cet appel ? Y verra-t-il une sincère ouverture ou, au contraire, un signe de faiblesse à exploiter ? L’histoire récente des relations entre les deux pays est un cimetière d’accords de paix mort-nés et de cessez-le-feu violés. La confiance est une denrée rare, et le fossé est abyssal entre les déclarations de bonnes intentions et la réalité sanglante du terrain, où les groupes armés continuent leurs exactions.
L’offre de Tshisekedi est donc un pari. Un pari sur la raison, sur la lassitude des populations et sur la pression de la communauté internationale. Mais pour que cette paix cesse d’être un vœu pieux pour devenir une réalité, elle devra s’incarner dans des actes concrets, vérifiables et réciproques. Elle devra aborder frontalement les dossiers qui fâchent : l’exploitation illégale des ressources, le désarmement des groupes rebelles et la souveraineté de la RDC sur l’ensemble de son territoire.
Le temps est venu, c’est certain. Mais l’histoire jugera si les deux hommes ont eu le courage de saisir cette occasion, ou si elle les jugera pour l’avoir laissée passer. La balle est désormais dans le camp de Kigali. La région retient son souffle.
Econews

