Jour 4. Les combats se poursuivent en Ukraine, alors que les dirigeants mondiaux se renvoient l’échec d’un éventuel cessez-le-feu. Les Occidentaux accentuent encore la pression sur Vladimir Poutine, en s’engageant à exclure «dans les jours qui viennent» de nombreuses banques russes de la plateforme interbancaire internationale Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) et en commençant de premières livraisons d’armes et d’équipements aux forces ukrainiennes. La liste des banques concernée par la mesure Swift n’a pas encore été révélée, mais cette dernière a souvent été décrite comme une arme fatale contre le pouvoir russe.
Les pays occidentaux ont adopté de nouvelles sanctions contre Moscou après l’invasion de l’Ukraine, en décidant notamment d’exclure de nombreuses banques russes de la plateforme interbancaire Swift, rouage essentiel de la finance mondiale, a annoncé le gouvernement allemand. Bruxelles va proposer aux pays de l’Union Européenne de «paralyser les actifs de la Banque centrale russe» afin d’empêcher Moscou d’y recourir pour financer le conflit en Ukraine, a annoncé samedi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
C’est une avancée cruciale dans les sanctions financières contre la Russie que vient de décider, samedi dans la soirée, les puissances occidentales. Une annonce qui constitue aujourd’hui la sanction la plus importante prise par les pays occidentaux à l’encontre de Moscou, à l’exception bien sûr d’une confrontation militaire. A savoir couper la Russie du réseau de messagerie bancaire et financière Swift, ce rouage discret mais essentiel des échanges bancaires internationaux puisqu’il permet notamment le transit des ordres de paiement entre banques, les ordres de transferts de fonds de la clientèle des banques, les ordres d’achat et de vente de valeurs mobilières. Une mesure souvent qualifiée d’«arme nucléaire économique» au regard de l’ampleur de son impact sur les relations économiques du pays puni avec le reste du monde.
En effet, les puissances occidentales ont annoncé samedi l’exclusion de plusieurs banques russes du réseau interbancaire Swift ainsi que des sanctions ciblant les réserves en devises de la banque centrale de Russie. Sont concernées «toutes les banques russes déjà sanctionnées par la communauté internationale, ainsi si nécessaire que d’autres instituts», a précisé le porte-parole du gouvernement allemand, dont le pays préside actuellement le forum du G7
Le communiqué dévoilant ces nouvelles sanctions a été endossé par les Etats-Unis, le Canada, la Commission européenne, la France, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Ces sanctions seront appliquées dans les prochains jours, ont déclaré les signataires. Elles prévoient également la fin des «passeports dorés» délivrés aux riches ressortissants russes et à leurs familles.
«Nous paralyserons les avoirs de la Banque centrale de Russie, cela gèlera ses transactions et il lui sera impossible de liquider ses avoirs», a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Ces mesures devraient affecter sensiblement les capacités de financement de la Russie à financer sa guerre contre l’Ukraine, a-t-elle dit.
Cette décision a pu être prise grâce au ralliement des pays européens, hostiles jusqu’ici à déclencher cette mesure maximaliste. Alors qu’elle était jusqu’ici réticente à appuyer cette solution par crainte pour ses approvisionnements en gaz et de charbon russes dont elle est dépendante, l’Allemagne s’est dit prête, ce samedi, à accepter une «restriction ciblée» de l’accès à la Russie à Swift, tout en voulant «limiter les dommages collatéraux» d’une telle sanction.
«Nous travaillons à la manière de limiter les dommages collatéraux d’une déconnexion de Swift (…) Ce dont nous avons besoin, c’est d’une restriction ciblée et fonctionnelle», ont indiqué dans un communiqué samedi les ministres des Affaires étrangères, Annalena Barbock, et de l’Economie, Robert Habeck.
La position de Berlin devenait en effet difficilement tenable, alors qu’elle pensait avoir éteint les polémiques autour de sa dépendance envers la Russie et sa trop grande complaisance à l’égard du Kremlin en suspendant le gazoduc germano-russe Nord Stream II, dans le collimateur de Kiev, des Etats-Unis et des partenaires d’Europe de l’Est.
Alors que d’autres pays présentés comme réticents à cette mesure maximaliste (comme l’Italie, la Hongrie ou l’Autriche) ont sauté le pas, l’Allemagne n’était plus que le seul pays européen à hésiter à prendre cette mesure radicale en représailles de l’invasion de l’Ukraine, malgré les demandes incessantes du président ukrainien Volodimir Zelensky, mais aussi d’autres pays européens comme la Pologne, très inquiète de l’offensive russe.
En visite samedi à Berlin, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a qualifié «d’égoïsme en béton» l’attitude de l’Allemagne concernant Swift. «Je suis venu ici, chez le chancelier Olaf Scholz, pour ébranler les consciences, ébranler la conscience de l’Allemagne», a-t-il asséné.
Les réticences allemandes étaient triples : crainte de se voir couper les robinets du gaz et d’autres matières russes (le gaz russe représente 55% de ses importations); crainte aussi, en cas de maintien des échanges, de ne plus pouvoir régler ses paiements d’énergie (concrètement, ce système permet à l’Allemagne de régler électroniquement ses achats de gaz russe, sans avoir à payer en liquide à Gazprom); crainte encore qu’une telle mesure soit inefficace dans la mesure où Moscou a tissé en parallèle des liens étroits avec la Chine notamment.
De nombreuses voix se sont élevées pour exclure la Russie de Swift afin de faire pression sur la Russie en la touchant en portefeuille. C’est «une option», selon Joe Biden, mais que le président américain s’est pour l’instant refusé à prendre, soulignant que certains pays européens s’y opposaient pour le moment.
Selon le site de l’association nationale russe Rosswift, la Russie est le deuxième pays après les Etats-Unis en nombre d’utilisateurs de ce système, avec quelque 300 banques et institutions russes membres. Plus de la moitié des organismes de crédit russes sont représentés dans Swift, est-il précisé par cette source. Moscou met cependant en place ses propres infrastructures financières, que ce soit pour les paiements (cartes «Mir», voulues comme l’équivalent de Visa et Mastercard), la notation (agence Akra) ou les transferts, via un système baptisé SPFS.
Toucher la Russie au portefeuille
Jusqu’ici, les pays occidentaux avaient décidé de frapper au portefeuille en gelant les avoirs du président russe Vladimir Poutine et de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et sanctionné le secteur financier de la Russie. Tous les membres de la Douma, la chambre basse du Parlement, figurent désormais sur liste noire de l’UE, ainsi que vingt-six personnalités du monde des affaires. Les banques de l’UE auront interdiction d’accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100.000 euros et plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l’accès aux financements européens. Le Canada va sanctionner «58 personnes et entités» russes dont des «membres de l’élite russe», des «grandes banques russes» et des «membres du Conseil de sécurité russe», ainsi que MM. Poutine et Lavrov. Tokyo a annoncé le «gel des actifs et la suspension de la délivrance de visas à des personnes et organisations russes», et le gel des actifs des institutions financières russes.
L’Australie cible notamment des oligarques et tous les membres de la Douma, et se prépare à sanctionner, elle aussi, MM. Poutine et Lavrov. Londres et Washington notamment ont ciblé un certain nombre de banques russes, dont VTB Bank. Cette dernière a d’ailleurs annoncé que l’utilisation de ses cartes bancaires de types Visa et Mastercard à l’étranger était désormais «impossible».
La Russie dispose par ailleurs de réserves de change qui atteignaient quelque 640 milliards de dollars américains au 18 février 2022 (soit environ le double du montant constaté en 2014, selon une note de Natixis) et d’un fonds souverain évalué à 175 milliards de dollars us. De quoi potentiellement aider à financer des entreprises stratégiques en grande partie publiques, malgré les sanctions financières.
Vladimir Poutine met en alerte la « force de dissuasion » russe
Au même moment, le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé dimanche mettre en alerte la «force de dissuasion» de l’armée russe, qui peut comprendre une composante nucléaire, au quatrième jour de l’invasion de l’Ukraine par Moscou.
«J’ordonne au ministre de la Défense et au chef d’état-major de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat», a déclaré Vladimir Poutine lors d’un entretien avec ses chefs militaires retransmis à la télévision.
Vladimir Poutine a justifié cette décision par les «déclarations belliqueuses de l’Otan» envers la Russie. Il a également critiqué les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie pour son invasion de l’Ukraine, selon lui «illégitimes».
Les forces de dissuasion russes sont un ensemble d’unités dont le but est de décourager une attaque contre la Russie, «y compris en cas de guerre impliquant l’utilisation d’armes nucléaires», selon le ministère russe de la Défense.
Econews avec Latribune.fr