Le samedi 15 mars 2025 s’est ouverte à Kinshasa une session parlementaire qui, plus que toute autre, placera la République Démocratique du Congo face à ses contradictions et à ses défis.
Pour trois mois, députés et sénateurs devront conjuguer urgence sécuritaire, impératifs diplomatiques et attentes citoyennes, dans un contexte où l’Est du pays vit au rythme anxiogène de l’occupation rebelle. Goma et Bukavu, deux villes symboles de la résilience congolaise, sont aujourd’hui sous le joug de la coalition AFC-M23. Un drame humain et territorial qui résonne comme un rappel brutal : le temps des décisions courageuses est venu.
L’occupation de Goma et Bukavu par les rebelles n’est pas qu’une humiliation stratégique. C’est un électrochoc qui expose les failles d’un système de défense fragmenté et les limites des réponses passées. La session parlementaire devra trancher un dilemme cornélien : allouer des ressources colossales à une escalade militaire ou privilégier une issue négociée, sans pourtant céder à l’illusion d’une paix fragile.
Les discussions d’ores et déjà engagées à Luanda entre Kinshasa et l’AFC-M23 ajoutent une pression supplémentaire. Les parlementaires auront à contrôler l’exécutif, mais aussi à légiférer dans l’urgence : révision du budget de la défense, soutien aux populations déplacées, cadre légal pour des éventuels accord de paix.
Mais au-delà des textes, c’est l’unité nationale qui se joue dans l’hémicycle. Les divisions politiques, les calculs partisans et les lenteurs bureaucratiques ne peuvent plus être des options. Les villes de l’Est, écrémées par des décennies de conflits, observent Kinshasa avec une lassitude mêlée d’espoir. Le Parlement incarne ici la voix d’une nation qui exige de ses élus qu’ils transcendent les clivages pour dessiner une feuille de route commune.
Les négociations de Luanda, bien qu’extérieures au cadre parlementaire, ne peuvent être dissociées des débats à venir. Chaque déclaration, chaque avancée ou blocage à la table des discussions angolaises résonnera dans les couloirs de l’Assemblée nationale. Les parlementaires devront naviguer entre soutien aux négociateurs gouvernementaux et exigence de transparence, notamment sur les concessions possibles. La question est brûlante : comment concilier souveraineté territoriale et compromis politiques sans trahir les millions de Congolais attachés à l’intégrité du pays ?
Par ailleurs, cette session doit être l’occasion de repenser l’approche humanitaire. Les comptes rendus alarmants en provenance des zones occupées – pénuries, exactions, exodes – appellent des mesures immédiates. Le vote de crédits exceptionnels pour l’aide d’urgence et la protection des civils n’est pas seulement un acte de solidarité : c’est un devoir constitutionnel.
Si l’histoire retient souvent les noms des chefs d’État ou des chefs de guerre, c’est parfois dans l’ombre des législateurs que se bâtissent les tournants décisifs. La session qui s’est ouverte est un test de maturité démocratique pour la RDC. Les élus devront incarner une République à la fois ferme sur ses principes et ouverte à la réconciliation, capable de défendre ses frontières sans renoncer à ses aspirations de paix.
La nation congolaise est résiliente. À ses représentants de le lui prouver.
Econews