La non-participation du Maroc au vote à l’Assemblée générale de l’ONU au sujet de la crise russo-ukrainienne est une décision «responsable qui puise dans une pratique diplomatique tournée vers la paix, le respect de la souveraineté des États et la préservation des droits humains», a affirmé le politologue Abdelkader Filali, président de l’institut Polisens à Ottawa.
«Une telle décision permettrait d’aller dans le sens de l’apaisement des tensions et la contribution à amorcer la désescalade », a indiqué M. Filali dans une déclaration à la MAP.
Il a relevé que la position du Maroc favorise ces stratégies de « désamorçage » dont l’objectif est de réduire justement le risque de violence et renouer les canaux de communication entre les belligérants.
«Grâce à une telle position, il est possible d’éviter une escalade et rétablir le lien entre les parties concernées sans recours à des mesures de contention ou grave dégâts », a expliqué l’expert, ajoutant que l’objectif de la position marocaine doit être perçu comme un outil de détente.
La capacité d’être dans cette phase de désamorçage est un facteur de désescalade, a-t-il dit, notant l’importance pour les parties au conflit de trouver des alternatives à la violence et de restaurer le dialogue.
«Autant d’éléments qui ne peuvent être analysés qu’à la lumière de la prévoyance et de l’équilibre diplomatique », a conclu le politologue basé au Canada.
«Une position sage et pondérée»
La décision du Maroc de ne pas prendre part au vote à l’Assemblée générale de l’ONU, au sujet de la crise russo-ukrainienne, se distingue par sa sagesse et sa pondération, a relevé, pour sa part, le professeur universitaire et expert en géopolitique, M. Roudani Cherkaoui.
«Dans les temps de la guerre, le monde a besoin de retenue et de sagesse afin d’enraciner la paix et la sécurité comme une finalité dans toutes les approches qui pourraient être prises par les Nations», a souligné M. Cherkaoui dans une déclaration à la MAP.
Le Maroc a toujours prôné le dialogue et la diplomatie comme seule voie pour solutionner les conflits et c’est sous ce prisme là qu’il a toujours œuvré pour la paix et la sécurité notamment dans le continent africain et dans le conflit israélo-palestinien, deux espaces d’influence stratégique pour l’Europe et le Proche-Orient, a tenu à préciser M. Cherkaoui.
«C’est dans cette perception que la position du Maroc ne change en rien à la solidité de ses alliances stratégiques avec l’UE et les USA», a-t-il dit, rappelant que Rabat, fort de son expérience dans la gestion des conflits, a toujours mis l’accent sur l’impératif du règlement pacifique des différends, de non-ingérence et de l’interdiction de la menace dans les relations internationales.
Le professeur universitaire a cité, à cet égard, plus particulièrement la position du Maroc sur la question libyenne, l’illustration parfaite de sa façon de concevoir la résolution des conflits et la participation du Royaume à la coalition internationale de la lutte contre Daech en Syrie et en Irak, piloté par les États-Unis et qui a connu une participation des pays européens.
Ce rôle de premier plan du Maroc au niveau régional et international dans la lutte contre le terrorisme et le soutien à la paix, la sécurité et la stabilité africaine et mondiale lui a permis d’être choisi en tant que co-président du nouveau mécanisme anti-terroriste Africa Focus Group, a-t-il souligné.
La non-participation du Maroc au vote à l’Assemblée général de l’ONU ne veut aucunement signifier que le Maroc s’oppose au droit international ou à l’intégrité territoriale des États, a-t-il ajouté.
Au contraire, le combat diplomatique qu’il mène pour son intégrité territoriale élucide la philosophie diplomatique de Rabat, qui n’encourage point le recours à la force pour les règlements des différends entre les nations, a souligné le géopo-litologue marocain.
Pour M. Cherkaoui, la position du Maroc sur ce conflit russo-ukrainien a été clair et exprimé sans ambiguïté et ne laissant aucune trace grise dans son repositionnement stratégique. Cette position doit être appréhendée sur la base des deux communiqués du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger (26 février et 2 mars).
Dans ces deux communiqués, le ministère souligne que le Maroc suit avec inquiétude l’évolution de la situation entre la Russie et l’Ukraine, réitère son soutien à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de tous les États membres de l’ONU, rappelle l’attachement du Maroc au principe de non recours à la force pour le règlement des différends entre États et encourage toutes les initiatives et actions favorisant un règlement pacifique des conflits.
Pour M. Cherkaoui, la crise russo-ukrainienne n’est pas européenne, elle est mondiale et ses répercussions ne se limiteront guère à un conflit entre deux États souverains, leurs ondes de chocs impacteront plusieurs espaces géopolitiques.
Nul doute, le monde arabe, le continent africain et l’Amérique Latine, les trois maillons faibles dans cette équation géostratégique entre l’Occident et la Russie, restent les trois pôles à l’échelle internationale qui seront influencés par le tremblement géo-relationnel que pourrait déclencher ce conflit, a-t-il estimé.
A cet égard, le rétablissement d’un dialogue politique et diplomatique est l’unique voie pour reconstruire la paix et la sécurité mondiale, a conclu M. Roudani Cherkaoui.
Econews avec MAP