Que s’est-il réellement passé aux petites heures de ce dimanche 19 mai 2024 ? La réponse (officielle) de l’armée ne laisse pas de place à la moindre ambigüité : il s’agissait bien d’une tentative de coup d’Etat déjouée par les forces de défense et de sécurité. Mieux, selon le porte-parole des FARDC le général Sylvain Ekenge, le coup a été étouffé dans l’œuf. Autre détail important, le groupe de la vingtaine d’assaillants était composé d’étrangers dont la nationalité n’a pas été révélée et de Congolais. La chronologie des événements laisse entrevoir sinon une tentative de déstabilisation des institutions préparée de l’extérieur du pays, théorie corroborée par le fait que les assaillants seraient venus par le fleuve, donc en provenance de Brazzaville, mais aussi par le nombre réduit du commando qui ne semble pas avoir eu de soutien à l’interne. Leur neutralisation, rapide, démontre par ailleurs une organisation hâtive qui n’a pas tenu compte de la résistance des forces de défense et de sécurité.
Kinshasa s’est réveillé ce matin du dimanche 19 mai comme d’ordinaire, du moins dans ses communes dortoirs où les populations vaquaient à la recherche de la survie au quotidien. Aucun signe visible des répercussions des événements qui se sont déroulés à l’aube à l’extrême nord de la ville, dans les quartier où sont situés le gros des sièges des institutions dont le Palais de la Nation, la Banque centrale et une série d’hôtels de luxe. Ici, le long du fleuve, sont également domiciliées des ambassades, le ministère des Affaires étrangères et le palais de justice.
Le communiqué des Forces de défense et de sécurité lu en fin de matinée par le porte-parole des FARDC le général Sylvain Ekenge détaille le déroulé de l’attaque qui aurait eu lieu vers quatre heures du matin.
Le premier objectif, la résidence de l’ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Economie, Vital Kamerhe de surcroît prochain président de l’Assemblée nationale. Deux policiers de sa garde sont tués, ainsi que l’un des assaillants. Des sources indiquent que l’intéressé se trouvait bien dans sa maison, mais qu’il aurait eu le temps de se mettre à l’abri.
Devant la fusillade déclenchée par les militaires arrivés sur les lieux, les assaillants se sont alors dirigés vers le Palais de la Nation dont ils ont forcé l’entrée, utilisant un véhicule de la police dérobé. Dans la cour d’honneur, ils ont descendu le drapeau national qu’ils ont remplacé par les couleurs de l’ex-Zaïre.
Des riverains rapportent que la fusillade aura duré près d’une demi-heure au terme de laquelle tous les assaillants parmi lesquels des étrangers auraient été neutralisés. Des images aussitôt publiés sur les réseaux sociaux montrent en effet un corps présentés comme celui de Christian Malanga, ancien officier devenu homme d’affaires et opposant congolais résidant aux Etats-Unis qui, de son vivant, aurait lutté pour la restauration d’une nouvelle République du Zaïre.
DES INTERROGATIONS
Dès la mi-journée, la nouvelle s’est répandue et atteint enfin les quatre coins de la ville. La partie de la commune de la Gombe où se sont déroulés les événements est bouclée. Il faut montrer patte blanche pour y circuler. Le camp militaire Kokolo, la plus grande caserne du pays et sa base logistique sont sécurisés; un dispositif sécuritaire se met peu à peu en place aux carrefours stratégiques de la ville.
Malgré tout, on ne peut manquer de soulever quelques interrogations. D’abord, en quoi, en cas de coup d’Etat, Vital Kamerhe bien que proche allié du président de la République aurait-il été concerné au premier chef ? L’emplacement de sa résidence avant d’atteindre le Palais de la Nation à proximité ne faisant pas de lui la cible prioritaire d’un commando déstabilisateur.
Ensuite, le Palais de la Nation ne sert plus que de lieu d’apparat où le chef de l’Etat reçoit ses visiteurs de marque, l’essentiel des affaires d’Etat se déroulant à la Cité de l’Union africaine fortement protégée par les soldats d’élite de la garde républicaine.
Dans ces conditions, le simple fait de hisser le drapeau de la République du Zaïre n’aurait pas suffi à concrétiser le renversement radical des institutions du pays, en dépit de la relative facilité avec laquelle les assaillants auraient accédé à ce symbole important des édifices publics.
DES DOMMAGES COLLATÉRAUX
Annoncé depuis plusieurs semaines, le concert du pasteur Moise Mbiye prévu ce même dimanche au stade des Martyrs et auquel devait assister la première dame a failli être annulé. Pendant que des milliers de spectateurs se pressaient déjà devant les grilles de l’enceinte, et que les plus heureux avaient franchi les portes d’entrée, une nouvelle contradictoire a circulé. Elle a failli mettre à mal l’organisation du concert et débouché sur des développements imprévisibles.
En effet, le gouverneur (sortant) de la ville aurait interdit la manifestation compte tenu de la situation sécuritaire instable, alors que le ministre de l’Intérieur aurait de son côté donné son aval. Une confusion qui, à la longue, a profité au pasteur-chanteur de l’église Cité Bethel.
En fin de journée, la ville a retrouvé une atmosphère normale, quoiqu’une sourde inquiétude soit perceptible après le caillassage de quelques véhicules de particuliers sur certaines artères attribué aux militants de l’UDPS en colère et des pneus brûlés à Lemba et à Limete.
«L’ASSAUT DU PALAIS DE LA NATION, UNE ENIGME ! »
Après le drame de la nuit du samedi au dimanche, l’opinion publique s’interroge. Au-delà du coup d’état « étouffé », selon l’armée nationale, il y a une énigme autour du mode opérationnel du commando qui s’est attaquée au quartier le plus sécurisé de la ville de Kinshasa, dans la commune administrative de la Gombe.
Un analyste indépendant pose le problème en huit points :
«1. D’où sont venus les miliciens qui ont pris d’assaut le Palais de la Nation ?
2. Où était la Garde Républicaine chargée de la protection et de la sécurité du Palais de la Nation et ses environs ?
3. Où était la Force navale chargée de la surveillance du Fleuve Congo ?
4. Comment nos services de sécurité n’étaient-ils pas au courant de la préparation de cet assaut sur les bureaux du Président de la République?
5. Comment ces miliciens n’ont pris d’assaut que le Palais de la Nation et non d’autres sites stratégiques dont la RTNC, le Beach Ngobila, l’aérodrome de Ndolo et l’aéroport de Ndjili s’il devait s’agir d’un coup d’Etat militaire ?
6. Quelle autorité militaire ou politique ces miliciens ont-ils neutralisée ?
7. Où sont-ils à l’heure actuelle, ces miliciens ? Combien ont été neutralisés et combien sont en ce moment pourchassés ?
8. Quelle mesure de sécurité aurait-elle été prise à l’aube de ces événements énigmatiques ? Le concert du Stade des martyrs serait-il maintenu avec l’afflux de la population qui s’y rendrait dans ce climat de terreur imposé par la prise d’assaut pendant quelques heures du Palais de la Nation, Kinshasa devant être considéré à cette heure comme déjà infiltré par des miliciens avec mission de déstabiliser les institutions de la République ? »
«Autant de questions, dit-il, qui ne savent trouver de réponses définitives insusceptibles de sous-questions ».
WASHINGTON DANS L’EMBARRAS
Des citoyens américains ont été impliqués dans l’attaque de la nuit du dimanche matin à Kinshasa. Apparemment désemparée, l’ambassade des Etats-Unis en RDC a promis toute sa collaboration aux autorités congolaises pour faire toute la lumière de ce que l’armée congolaise qualifie d’un «coup d’Etat étouffé dans l’œuf ».
L’ambassade des États-Unis préoccupée par l’implication de citoyens américains dans les événements de la commune de la Gombe
Dans un tweet posté sur son compte X, l’ambassade des États-Unis a exprimé sa préoccupation quant aux informations faisant état de la participation de citoyens américains dans ces actes criminels.
Les États-Unis ont affirmé leur volonté de coopérer pleinement avec les autorités congolaises dans le cadre de l’enquête sur ces événements. Ils ont également souligné qu’ils tiendront pour responsables tout citoyen américain impliqué dans de tels actes.
Par ailleurs, l’ambassade a noté que ces événements ont été accompagnés de cas de désinformation sur les réseaux sociaux, visant spécifiquement l’ambassade. Dans ce contexte, elle a encouragé la presse à faire preuve de vigilance quant à la crédibilité des sources et à vérifier toute information relative à ces événements.
Il est essentiel que la vérité soit établie et que toute personne impliquée dans ces actes criminels soit tenue pour responsable. Les États-Unis restent engagés à soutenir les autorités congolaises dans leur lutte contre la criminalité et à promouvoir la justice et la transparence dans ce pays.
En tant que nation démocratique et respectueuse de l’État de droit, les États-Unis condamnent fermement toute forme de violence et d’actes criminels. Ils continueront à œuvrer pour la promotion de la paix et de la sécurité en RDC et dans le monde entier.
Econews