En 2008, Joseph Kabila, alors président de la République, a conclu un partenariat « mines contre infrastructures » avec un consortium d’entreprises chinoises, loin des regards de la Chine officielle. Au crépuscule de son mandat, le régime Tshisekedi est sur les traces de Kabila en signant un contrat de construction des routes en République Démocratique du Congo (RDC) avec GED (Groupe européen de développement). Curieusement, pour des raisons qu’elle est la seule à connaître, la Délégation de l’Union européenne en RDC se dit non concernée, jetant l’opprobre sur le contrat signé par le Gouvernement.
Cérémonie grandiose, samedi dernier, au Fleuve Congo Hôtel marquant la signature de contrat de construction des routes en République Démocratique du Congo entre le Gouvernement et le Groupe européen de développement (GED). Dans sa mise en œuvre, la première étape porte sur le contrat de concession de la route Kasomeno-Kasenga-Chalwe. La RDC s’est engagée via le ministre d’Etat aux Infrastructures et Travaux Publics, Alexis Gisaro.
Premier à prendre la parole, le directeur financier du GED a remercié le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, le Premier ministre et le ministre d’Etat des ITP pour leur volonté de doter la RDC d’infrastructures de qualité.
Il n’a pas oublié ses collègues du groupe DUNA basé en Hongrie qui ont travaillé pour que la signature de ce contrat se concrétise.
«Nous sommes tous convaincus que ce projet est très important et nous sommes très engagés pour la signature de ce contrat » a dit le co-directeur de GED, se déclarant convaincu que le développement de la RDC sera davantage renforcé avec la construction de cette infrastructure.
Pour sa part, le ministre d’Etat des ITP croit que la signature de ce contrat vient résoudre un véritable problème en termes de trafic en ce qui concerne le transport et le minerais du Grand Katanga.
« Pour notre pays, avoir une autre porte de sortie pour ses trafics miniers constitue également une solution à ce problème de congestionnement qui entraîne des files d’attente à la frontière. Voilà pourquoi, la RDC accueille avec beaucoup de joie et beaucoup d’optimisme la signature de ce contrat », a déclaré le ministre d’Etat. Et d’ajouter : «La construction de cette route permettra des économies réelles pour tous les opérateurs du secteur minier dans cette partie de notre pays. En cela, en termes de réduction de délai de transport, du temps de parcours, voire de longueur du trajet ».
L’entrée en jeu du Premier ministre…
Après la cérémonie du Fleuve Congo Hôtel, le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, a reçu en audience, le samedi 9 avril 2022 à la Primature, le staff dirigeant du Groupe européen de Développement (GED AFRICA Ltd), pour lui permettre de comprendre les termes du contrat de concession du projet routier Kasuomeno-Kasenga-Mwenda le liant avec le Gouvernement. La délégation de GED AFRICA Ltd était conduite auprès du Premier ministre par son partenaire régional, Eddy Ngarambe.
Interrogé par la presse au sortir de ces échanges, Eddy Ngarambe s’est expliqué en ces termes : «L’objet de notre visite auprès du Premier ministre était articulé sur deux points : lui annoncer la signature, en ce jour, d’un contrat de concession du projet routier Kasuomeno-Kasenga-Mwenda jusqu’à Nshwale en Zambie pour un coût total de 750 millions de dollars américains, mais également lui présenter nos remerciements au Gouvernement ainsi qu’au Chef de l’État pour l’appui et l’accompagnement que nous avons reçus sur ce projet depuis l’avènement du Président de la République au pouvoir, mais également de l’actuel gouvernement».
Ressortissant de Kasenga, le Premier ministre a mis un accent particulier sur les aspects sociaux du projet.
«La deuxième raison de notre visite, c’était de profiter du fait que le Premier ministre, lui-même, est un enfant de Kasenga où notre projet va se développer, pour s’enquérir de son expertise, son expérience, mais aussi de discuter sur certains aspects, notamment ceux liés au social. Parce que vous savez que ce projet n’est pas simplement un projet des infrastructures, il est aussi un projet qui amène le développement et l’amélioration des conditions de vie sur le plan social », a-t-il renchéri.
… avant que l’UE ne désiste
Si GED se présente comme une structure ayant un quelconque lien avec l’Union européenne, à Kinshasa, la Délégation de l’UE en RDC ne se sent pas lier à ce consortium.
C’est le Premier conseiller de la Délégation de l’UE en RDC, Guillaume Chartrain, qui s’est chargé de dissiper tout malentendu.
«Je tiens à préciser que ces gens et cette compagnie ne sont liés, ni de près ni de loin, à l’Union européenne », a-t-il écrit sur son compte twitter, comme pour se désolidariser de toute activité du GED en RDC.
Sur son compte twitter, l’ambassadeur Jean-Marc Châtaigner, chef de la Délégation de l’UE en RDC, en a ajouté une couche : «Précision : comme l’a rappelé mon adjoint, cette société privée «Groupe Européen de Développement » n’a aucun lien avec le Fonds Européen de Développement (FED) ni avec les projets routiers financés par l’UE en RDC (comme la RN1). Ce contrat n’engage pas l’UE ».
Le Premier ministre Sama Lukonde aurait-il été induit en erreur par le ministre d’Etat des ITP ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce contrat qui rappelle celui signé en 2008, dans les mêmes conditions, par Pierre Lumbi, alors ministre des ITPR sous Joseph Kabila, avec un consortium d’entreprises chinoises ? Qu’est-ce qui explique cette volte-face de l’UE, alors que des indiscrétions rapportent qu’elle a participé à toutes les phases de négociation de ce partenariat ?
Il y a donc anguille sous roche. Soit c’est Kinshasa qui est en train d’être mené en bateau, soit c’est l’Union européenne qui veut juste salir un contrat qui échapperait à son contrôle.
A la Primature, on garde encore tout son calme. Sous le sceau de l’anonymat, un membre du cabinet du Premier ministre s’en défend : «Le contrat est signé entre le ministère des ITP et le staff de GED Africa LTD, loin de la Primature. Informé, le Premier ministre a encouragé les deux parties à réaliser, dans le délai, ce projet de construction de la route Kasuomeno-Kasenga -Mwenda. Evidement pour un coût global de 750 millions de dollars américains. La signature de ce contrat permet le démarrage des travaux dans le cadre de PPP où le gouvernement congolais ne dépensera aucun rond. Par ailleurs, ceux qui doutent de l’existence de GED Africa LTD feraient mieux de s’informer ».
Le coût global de ce projet est de 750 millions de dollars américains. C’est un projet PPP (Partenariat public-privé), où le gouvernement de la RDC n’investit aucun rond. Et le projet, lui-même, dispose déjà de 250 millions de dollars américains en capitaux propres, soit 25 % du coût global. Le reste sera financé par les bailleurs. Pour GED, il était important d’avoir ce contrat de concession pour bien commencer les travaux. Selon GED, le premier coup de pioche post contrat sera donné au mois d’août prochain. Mais déjà, 11 km reliant Kasomeno à Kasenga ont été construits depuis le mois d’octobre 2021, bien avant la signature du contrat.
Francis M.