Au terme des états généraux de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU), le «warrior» de l’ESU, Muhindo Nzangi, est formel : les promoteurs des facultés de médecine n’ayant pas l’autorisation seront déférés devant la justice. Sur toutes les universités de la République Démocratique du Congo, seules seize (16) ont été autorisés à fonctionner avec une faculté de médecine.
Le ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire a donc donné un coup de balai dans le secteur. C’est inconcevable que des facultés de médecine puissent fonctionner sans un personnel enseignant qualifié, sans laboratoire et sans une clinique universitaire.
Un autre son de cloche
Dr Penge Libe Benjamin, ressortissant de la faculté de médecine de l’Université de Kinshasa (UNIKIN), a un avis contraire. Dans une tribune, il voit dans la décision du ministre Muhindo Nzangi une grande part du « sensationnel ». «La décision d’interdire les inscriptions aux années de recrutement dans certaines facultés de médecine est hâtive, irrégulière et émotionnelle dénotant un populisme politique dommageable », note-t-il.
De la forme, il pense que « la théorie de l’acte contraire ou le parallélisme de forme voudrait que les facultés de médecine ayant reçu l’autorisation de fonctionner par voie d’arrêté soient fermées par la même voie. Quelle est la préséance juridique d’une circulaire sur un arrêté ? »
Quant au fond, il soulève douze préoccupations qui remettent en cause, selon lui, la décision du ministre de l’ESU.
«1. Je ne pense que l’Ordre de médecins a dans sa prérogative la compétence de proposer les listes des facultés de médecine qui doivent être fermées. L’Ordre de médecin est une juridiction spécialisée de l’ordre administratif sensée réguler la profession de médecin, autrement dit veiller au respect de l’éthique médicale (déontologie médicale)
2. Le sort réservé des étudiants en cours de cursus académique des facultés de médecine fermées n’est pas bien explicité.
3. La RDC à moins de 5% des médecins par rapport aux 100% attendus selon l’OMS (démographie et son étendue de la RDC). S’il prétend résoudre le problème de qualité des médecins, quelle est la reponse réservée à la problématique de la quantité des médecins en RDC ? En République Démocratique du Congo, un médecin est pour plus de 10 000 habitants, tandis que dans certains pays d’Afrique 1 pour 50 habitants déjà.
4. En voulant résoudre le problème de la qualité de l’exercice médical, quelle est la réponse réservée aux tra-dipraticiens qui exercent la fonction médicale (chirurgie, les prescriptions médicales…) en violation flagrante de règles de l’art, et le plus dramatique ils utilisent par voie médiatique leur médecine moderne tradi-praticienne
5. De l’objectivité, nous vivons le siècle de lumière, quels sont les critères objectifs de cotation qui ont permis la sélection des universités viables ? Je ne pense pas que les enseignements qui se donnent à l’Université Simon Kimbangu et Université Technologique Bel Campus, lesquels pour la plupart animés par les mêmes professeurs de l’Unikin soient moins meilleurs que ceux de l’Université de Mbuji-Mayi ou l’Université de Tshumbe. Autant pour l’infrastructure, le nombre d’étudiants et le CHU. Certains aînés qui nous ont formé au stage académique de 4eme doctorat aux Cliniques universitaires de Kinshasa sont ressortissants de l’Usk et Bel campus, ont prouvé de quoi ils étaient capables. Je n’ai jamais entendu le nom d’un médecin de l’Université de Tshumbe.
6. Le problème n’est pas seulement la faculté de médecine, mais l’enseignement supérieur dans son ensemble. Quelle est la réponse réservée pour les facultés de Droit, Sciences politiques, économies, Relations internationales qui souffrent tous de mêmes maux ?
7. Si aujourd’hui la portée téléologique du métier médical est de s’occuper de la santé d’un être humain, pour les juristes et autres de sciences sociales, c’est pour la santé et la vie de la société. Voudrions-nous sous-estimer la qualité de ceux qui sont appelés à réguler la santé et le fonctionnement de la société (juriste, politologue, psychologue…) au profit de ceux qui régulent la santé d’individus (médecin)?
8. Le corps humain est régi par des lois physico-biologiques qui assurent l’homéostasie du milieu intérieur sans régulation externe, impossible d’une telle simulation pour la société.
9. Une décision ayant des préjudices pareils venant de l’État devrait à priori avoir l’approbation du conseil des ministres. Pour justifier d’une part son opposabilité et d’autres part l’objectivité dans la sélection des facultés à fermer.
10. La dégradation de la qualité de l’enseignement supérieur et universitaire en RDC est due à la modicité de salaire des enseignants, les conditions de travail précaires et l’absence de politiques appropriées. La plupart des enseignants qualifiés ont opté pour la politique en remerciant la science et la noble profession d’enseignants. Quelle est la réponse réservée à ce boulon ?
11. Si la viabilité dont est question est basée sur le nombre de professeurs requis pour son fonctionnement, quelle est la politique mise en place pour rehausser le nombre de professeurs au-jourd’hui, dont la plupart les anciens boursiers ?
12. La Constitution du 18 février 2006 de la République Démocratique du Congo telle que modifiée à ce jour par la loi numéro 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la constitution, nous garantit de nous opposer à une décision illégale, arbitraire qui relève de l’abus du pouvoir ».
Quoi qu’il en soit, l’opinion publique juge cette décision salvatrice parce que, dans les conditions de fonctionnement de certaines facultés de médecine dans certaines universités, il est inquiétant de constater que on forme des charlatans au lieu de former des vrais professionnels de la médecine. Cet assainissement est à saluer.
Par contre, il faut également tenir compte des étudiants victimes involontaires de chefs d’établissements véreux. L’Etat doit prendre ses responsabilités dans le processus de regroupement des étudiants dont les facultés ont été fermées. Il ne faut pas les laisser dans la rue.
Econews