C’est en l’absence des Etats-Unis que des représentants de la Chine, de l’Iran, du Pakistan et de l’Inde ont participé mardi à Moscou (Russie) à une réunion de la «Troïka élargie sur le règlement pacifique en Afghanistan». Une délégation des nouveaux maîtres de Kaboul a été conviée à la rencontre. Objectif : arriver à une position commune sur le dossier afghan.
La Russie a accueilli, mardi 19 octobre, à Moscou une délégation des talibans pour des réunions diplomatiques auxquelles doivent notamment participer la Chine et le Pakistan. Les Etats-Unis ont refusé l’invitation, invoquant des «raisons logistiques».
«Nous essayerons d’aboutir à une position commune concernant la situation changeante en Afghanistan», a expliqué l’émissaire du Kremlin pour ce dossier, Zamir Kaboulov. Ce dernier n’attend aucune «percée» à l’issue de la rencontre avec les talibans, mais la Russie va «exposer clairement ses requêtes à la délégation afghane».
Les Russes souhaitent évoquer l’ouverture du gouvernement à d’autres forces pour faciliter la réconciliation, la lutte contre les groupes djihadistes, le respect des droits humains ou encore l’aide humanitaire.
Washington décline l’invitation
Les Etats-Unis ont annoncé lundi qu’ils ne participeraient pas aux pourparlers sur l’Afghanistan prévus mardi à Moscou et auxquels doivent prendre part la Russie, la Chine et le Pakistan. «Nous serons heureux de participer à ce forum à l’avenir, mais nous ne pouvons y prendre part cette semaine», a déclaré à la presse le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price.
Ces rencontres «ont été efficaces dans le passé. Il nous est simplement difficile d’un point de vue logistique d’y prendre part cette semaine», a-t-il noté sans plus de précisions. La Russie accueillera ce mercredi 20 octobre à Moscou une délégation des talibans. La veille, elle souhaitait arriver à une position commune sur le dossier afghan avec la Chine, le Pakistan et les Etats-Unis.
L’émissaire américain pour l’Afghanistan, Zalmay Kha-lilzad, symbole de l’échec cuisant des Etats-Unis face aux talibans, quitte ses fonctions, a annoncé lundi le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken. Il est remplacé par son adjoint Thomas West, qui fut un conseiller de la Maison-Blanche quand Joe Biden était vice-président.
Diplomate de carrière, Zalmay Khalilzad a été le représentant de Washington dans les pourparlers avec les talibans à Doha, qui ont débouché sur l’accord de février 2020 prévoyant le retrait des forces américaines et étrangères de ce pays.
Poutine inquiet
Le président russe Vladimir Poutine s’est inquiété vendredi des ambitions et des forces du groupe djihadiste État islamique en Afghanistan, à quelques jours de réunions diplomatiques à Moscou sur l’état du pays, notamment avec les talibans.
M. Poutine a relevé qu’une multitude de groupes «extrémistes et terroristes» étaient actifs dans le Nord afghan, y compris l’EI, Al-Qaïda et le Mouvement islamique d’Ouzbékistan.
«Selon nos informations, le nombre de combattants de l’EI est d’environ 2000. Leurs chefs préparent des plans pour étendre leur influence dans les pays d’Asie centrale et des régions russes en attisant les conflits ethno-confessionnels et la haine religieuse», a-t-il dit, lors d’un sommet virtuel des pays de la CEI, organisation de pays ex-soviétiques.
L’État islamique au Khorasan (EI-K), le groupe islamiste armé le plus radical d’Afghanistan, a revendiqué une série d’attentats destinés à déstabiliser «l’émirat» proclamé par les talibans.
La Russie s’inquiète de l’escalade des attaques, craignant que toute la zone située sur son flanc sud puisse être déstabilisée.
M. Poutine a exprimé sa préoccupation une première fois cette semaine, relevant que des djihadistes endurcis arrivaient de Syrie et d’Irak. Puis, la diplomatie russe s’est interrogée sur la capacité des talibans à vaincre ces groupes armés.
Moscou considère les talibans comme une organisation extrémiste, mais entretient des relations avec eux depuis de longues années.
Vingt ans après avoir été chassés par les États-Unis, les talibans ont fait un retour spectaculaire aux commandes du pays en août, dans la foulée du retrait militaire américain.
L’URSS a occupé l’Afghanistan pendant 10 ans jusqu’à son retrait en 1989, au terme d’une guerre sanglante.
L’UE débloque un milliard d’euros d’aide
Tout récemment, les talibans ont eu leurs premiers entretiens avec une délégation conjointe des États-Unis et de l’Union européenne au Qatar. Les islamistes radicaux poursuivent leurs efforts diplomatiques pour obtenir un soutien international après leur arrivée au pouvoir à Kaboul en août et, depuis, confrontés à la paralysie de l’économie et à l’imminence d’une grave crise humanitaire.
Bien avant, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, avait exhorté le monde à faire des dons à l’Afghanistan pour éviter l’effondrement économique du pays, mais également critiqué les promesses «non tenues» des talibans envers les femmes et les filles afghanes.
Un appel qui a eu un écho favorable à l’Union européenne. A ce propos, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé un programme d’aide de l’UE d’un (1) milliard d’euros destiné à «éviter un effondrement humanitaire et socio-économique majeur », lors d’un sommet virtuel du G20 organisé par l’Italie.
«Le peuple afghan ne doit pas payer le prix des actions des talibans. C’est pourquoi le programme d’aide est destiné au peuple afghan et aux voisins du pays qui ont été les premiers à leur apporter de l’aide», a précisé Mme von der Leyen dans un communiqué.
«Le paquet comprend les 300 millions d’euros à des fins humanitaires déjà convenus. Cette aide humanitaire s’accompagne d’une aide supplémentaire spécialisée pour les vaccinations, l’hébergement, ainsi que la protection des civils et des droits de l’homme», a précisé la Commission.
Les États-Unis ont envahi l’Afghanistan en 2001 et fait chuter le régime des talibans, en réponse aux attentats du 11 septembre planifiés par Al-Qaïda depuis l’Afghanistan, alors contrôlé par les talibans. Les troupes américaines se sont retirées fin août dernier, au terme d’un accord avec les talibans.
La prise de pouvoir des talibans a entraîné l’évacuation d’Afghanistan de plus de 100.000 personnes qui redoutaient des exactions ou des actes de vengeance de la part des nouveaux maîtres du pays.
Econews avec AFP