Alors que Kinshasa demandait des sanctions économiques contre le Rwanda, accusé de soutenir les rebelles de M23, Emmanuel Macron a plaidé pour une solution diplomatique à la crise et un désarmement des groupes armés…mais pas de sanctions pour Kigali.
Félix Tshisekedi était venu chercher du soutien à Paris dans la guerre qui l’oppose aux rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, et pourquoi pas des sanctions économiques contre Kigali. Le président congolais repartira, selon ses propres termes, avec «une lueur d’espoir »… mais sans la promesse de sanctions contre le Rwanda de Paul Kagame.
Si Kinshasa ne se faisait guère d’illusions sur un revirement de la France pour sanctionner économiquement Kigali, le ton d’Emmanuel Macron s’est considérablement durci. En conférence de presse, après un déjeuner de travail avec Félix Tshisekedi qui a duré plus longtemps que prévu, le président français a été sans équivoque dans sa condamnation de Kigali.
«La solution diplomatique est plus efficace à ce jour»
Emmanuel Macron a exhorté le Rwanda à «cesser tout soutien» aux rebelles et à «retirer ses forces» de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Répondant aux critiques de Kinshasa sur le «deux poids deux mesures» de la communauté internationale sur la guerre au Congo par rapport au conflit en Ukraine, le président français a estimé «qu’il ne pouvait y avoir de double standard. Nous, qui défendons l’intégrité territoriale en Europe, nous la défendons aussi en Afrique ». Et de rassurer son homologue congolais : «La France ne transigera jamais sur l’intégrité et la souveraineté de la RDC».
Mais concernant de possibles sanctions économiques sur le Rwanda, comme celles appliquées à l’encontre de la Russie, la France pense que «le dialogue et la recherche de la solution diplomatique et sécuritaire est plus efficace à ce jour», tout en précisant que «rien ne doit être exclu».
«Mettre fin aux agissements des FDLR »
Paris prône donc le retour au dialogue entre Kinshasa et Kigali. Le président français estime déjà avoir pris des sanctions individuelles, au niveau européen, contre des responsables de groupes armés du M23, des FDLR, mais aussi « contre un officier rwandais impliqué sur le terrain au Nord-Kivu ». Emmanuel Macron a expliqué que l’Union européenne «continuera à apporter des sanctions individuelles et ciblées en fonction des évolutions sur le terrain ».
Mais pas de sanctions contre l’Etat rwandais pour l’instant. Car le président français a un plan. Depuis l’Elysée, Emmanuel Macron a annoncé que Félix Tshisekedi s’était engagé à «mettre fin aux agissements des FDLR », ces rebelles hutu rwandais opposés au régime de Paul Kagame. Menace que brandit Kigali pour justifier, sans le dire, son intervention en RDC. Selon Emmanuel Macron, cette «avancée» permettrait de convaincre Paul Kagame d’un retrait des soldats rwandais, «qui n’ont rien à faire sur le sol congolais».
«Vous ne pouvez pas parler avec quelqu’un qui vous maintient le couteau sous la gorge »
Pour Paris, «un désarmement et un encadrement» des FDLR, mais aussi des autres groupes armés locaux, permettrait donc un retrait de l’armée rwandaise du Nord-Kivu, puis, enfin, «le désarmement du M23 et un processus d’accompagnement », de démobilisation et de réinsertion. Emmanuel Macron se fixe jusqu’à la fin de l’été pour que cette initiative porte ses fruits.
Quant à Félix Tshisekedi, il n’a pas réagi à la fin de non-recevoir du président français sur les sanctions contre Kigali. Mais le président congolais a exprimé son refus de rencontrer le président Kagame tant qu’il y aura des soldats rwandais sur son territoire. «Vous ne pouvez pas parler avec quelqu’un qui vous maintient le couteau sous la gorge », a estimé Félix Tshisekedi.
Un renforcement de la coopération militaire
Si Kinshasa n’a pas obtenu les avancées désirées sur de possibles sanctions contre le Rwanda, Félix Tshisekedi s’est déclaré satisfait de sa visite à Paris. «On peut compter sur la France qui sera à nos côtés pour trouver la paix» s’est félicité le chef de l’Etat congolais.
«La lueur d’espoir», Kinshasa la trouve dans l’engagement renouvelé de la France, notamment sur le plan militaire. Paris s’était déjà fortement investi dans la création de l’Ecole de guerre de Kinshasa. Le président congolais s’était entretenu dans la matinée avec le ministre de la Défense français, Sébastien Lecornu, au sujet de la formation des militaires congolais. La coopération va s’accélérer. Emmanuel Macron a d’ailleurs annoncé le déplacement de Sébastien Lecornu à Kinshasa «dans les toutes prochaines semaines». Une visite inédite pour un ministre de la Défense français en RDC. De quoi redonner un peu d’espoir à Félix Tshisekedi.
Christophe Rigaud (Afrikarabia)