Révision de la Constitution : l’UDPS tombe le masque !

Dans un contexte politique déjà tendu, l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social) a récemment franchi un cap décisif en annonçant son intention de réviser ou de remplacer la Constitution du 18 février 2006, héritée de l’ancien président Joseph Kabila. Cette déclaration a été faite lors d’un rassemblement animé de militants, où Augustin Kabuya, secrétaire général du parti, a exprimé le désir ardent de faire table rase de ce texte constitutionnel, qu’il qualifie de «Constitution des étrangers». Cette initiative fait suite à une première tentative d’une mystérieuse organisation de la Société civile, qui avait lancé un ballon d’essai pour une campagne de sensibilisation en faveur d’une révision constitutionnelle. L’UDPS, en prenant la parole de manière aussi franche, joue le va-tout pour conserver le plus longtemps possible le pouvoir acquis au terme de l’alternance de janvier 2019.

Le projet était dans le pipe- line depuis l’accession de Félix Tshisekedi à la Présidence de la République en janvier 2019. Dans les milieux de l’UDPS, son parti politique, il était question de réviser la Constitution du 18 février 2006. D’abord en lançant des ballons d’essai tendant à faire croire à l’opinion que le texte fondamental promulgué par Joseph Kabila, et révisé en 2010  était le fait de l’étranger, ayant été conçu dans de mystérieuses officines en Afrique du Sud dans la foulée du Dialogue intercongolais. Les plus radicaux parmi les tenants de la révision, – dont l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito –  allant jusqu’à soutenir sa caducité par le fait que cette Constitution avait été adoubée par des parlementaires nommés par un Président tout aussi illégitime. Cependant, les uns et les autres ne se donnent pas la peine de préciser les dispositions constitutionnelles qui prêtent à controverse.

Mais la simple lecture de l’évolution politique dans un régime qui tend de plus en plus vers un totalitarisme qui ne se voile plus la face est patente : il s’agirait de faire abstraction des dispositions « verrouillées » dont la durée du mandat présidentiel et la forme de l’Etat. Après des semaines de tergiversations, le Secrétaire général de l’UDPS Augustin Kabuya vient de sauter carrément le ruisseau : le référendum constitutionnel aura bel et lieu avant l’échéance du second et dernier mandat de Félix Tshisekedi en 2028. Comme cela s’est fait ailleurs en Afrique, avec les conséquences que nul n’ignore.

Lors d’une matinée politique, ce dimanche 31 septembre 2024 au siège du parti, le secrétaire général de l’UDPS/Tshisekedi, Augustin Kabuya, n’y est pas allé par quatre chemins. Devant des centaines de partisans du parti présidentiel, Augustin Kabuya a confirmé ce qui n’est déjà plus un secret

«La révision de la Constitution n’est pas quelque chose de mauvais. Qu’on ne dénature pas cette hypothèse. J’étais informateur et je connais les lacunes que comporte la Constitution simplement sur la formation du gouvernement. Vous avez appris qu’au Sénégal, où le président aussitôt élu, a directement nommé son Premier ministre», a-t-il déclaré d’emblée.

Selon Kabuya, le temps jugé long par lui a été un frein pour la formation du gouvernement, en amorce du mandat présidentiel. Il considère que le mandat présidentiel de cinq ans n’est que théorique. Alors que dans les faits, ce mandat est réduit à trois ans.

«J’ai parlé avec des gens intelligents, des scientifiques qui ont de grands diplômes. On s’est dit que la révision constitutionnelle n’est pas une mauvaise chose. Il faut changer toutes ces dispositions là. Le Président est bloqué par cette Constitution, une Constitution des étrangers», a-t-il soutenu sur son compte X.

Et d’ajouter : «Sur les cinq ans du Président de la République, ce sont six mois qui sont consommés gratuitement. Avec le temps, le mandat de cinq ans dont on vous parle n’en est pas un. Puisque la cinquième année est une année électorale où tout le monde est en ébullition. Est-ce qu’on peut accepter une telle Constitution ?»

KABUYA SIMPLE PORTE-VOIX

En réalité, le secrétaire général de l’UDPS est venu raviver un débat amorcé par le président de la République en personne il y a cinq mois. En mai 20124 en effet, devant la diaspora congolaise à Bruxelles, Félix Tshisekedi  s’était déjà exprimé sur la question. Il avait alors indiqué qu’il mettrait en place une commission nationale multidisciplinaire appelée à réfléchir sur la manière de doter le pays d’une constitution digne.

«Comme vous le savez», avait-il déclaré, «je suis un fervent partisan de la mise à jour de notre Constitution. Je pense que celle-ci est obsolète. C’est une Constitution qui a été conçue après un conflit, et elle avait fait la part belle à tous ceux qui avaient été des belligérants et même dans le système électoral que nous avons à la proportionnelle ce n’est pas un système propice pour un pays aussi grand que la RDC. On ne devrait pas avoir un système pareil pour composer notre classe politique. Je crois que tout ça va faire l’objet des réflexions…».

En réaction, l’Organisation non gouvernementale JUSTITIA ASBL estime qu’Augustin Kabuya a délibérément entretenu la confusion entre la révision de la constitution et son changement, en arguant que «la Constitution avait bloqué le chef de l’Etat dans la mise en place du gouvernement après son élection et que le mandat du chef de l’Etat sur papier est de cinq ans, alors qu’en réalité il n’est que de trois ans».

L’ONG rappelle que «depuis 2016, l’UDPS et d’autres forces politiques et sociales avaient coalisé contre toute tentative de révision de la constitution, chose qui avait abouti à l’organisation des élections en 2018 ainsi qu’une passation de pouvoir entre le président sortant ayant consommé ses deux mandats et le président en exercice dont le second et dernier mandat arrive à terme en décembre 2028».

LE COUP DE GUEULE DU PROF MBATA

La décision du chef de l’Etat portée par le secrétaire général de son parti ne semble pas faire l’unanimité au sein même de l’UDPS. Le professeur André Mbata, l’un de ses cadres supérieurs et ancien 1er vice-président de l’Assemblée nationale, est catégoriquement opposé au changement ou à la révision constitutionnelle.

Selon lui, la Constitution de 2006 est la meilleure dont le pays n’ait jamais disposé depuis son accession à l’indépendance en 1960. Il s’étonne qu’aujourd’hui, l’UDPS prétende que cette loi fondamentale «bloque» le chef de l’Etat !

Dans l’opinion, le projet est pris avec un humour noir. Il n’est pas rare  de lire sur les réseaux sociaux des interrogations sur le rôle néfaste prêté à la Constitution de 2006. Les uns s’interrogent en quoi ce texte occasionnerait des détournements massifs de deniers publics, ou bloquerait des enlèvements des montagnes d’immondices qui rendent la ville-capitale méconnaissable; ou si c’est la Constitution qui fait perdurer le conflit dans le Kivu en dépit de la «montée en puissance» tant vantée des forces de sécurité et de défense !

Econews

Les déclarations d’Augustin Kabuya secouent la toile 

Omer Nsongo Die Lema, analyste politique : «Indexant la Constitution, Augustin Kabuya plaide pour un mandat de 7 ans renouvelable une fois, soit 14 ans !

Si on y ajoute les 10 ans des mandats 2018-2028, c’est parti pour 24 ans…

Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS/Tshisekedi – le parti au pouvoir – a repris avec des fameuses matinées politiques. Première sortie le 30 septembre 2024 : première gaffe avec son argument pour la révision de la Constitution. Il s’appuie sur les six mois que le Président de la République élu aurait, selon ses termes, perdu et la dernière année qu’il va devoir également perdre du fait d’être une année électorale !

Dans son enterrement, si le mandat est de cinq ans sur papier, il est en réalité de 3 ans seulement dans la gouvernance institutionnelle.

A propos des 6 premiers mois, il s’appuie sur sa propre expérience avec pour mission d’identifier la Majorité parlementaire.

Pour peu qu’il ait vraiment l’esprit rationnel, Augustin Kabuya aurait dû comprendre que le problème d’identification de cette majorité n’aurait pas dû se poser pour une raison simple : l’Union sacrée de la nation se savait vainqueur à la présidentielle et aux législatives de 2023.

La désignation des animateurs de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Premier ministre devrait être opérée en interne au mois de janvier 2024, avant ou peu après l’investiture de Félix Tshisekedi pour son second et dernier mandat.

Or, on a précipité la désignation du facilitateur en sachant qu’elle n’aurait pas dû se faire avant mais après la plénière consacrée à la Déclaration d’Appartenance à la Majorité ou à l’Opposition parlementaire.

On l’a anticipée comme pour retarder l’installation des institutions politiques ‘Assemblée nationale’, ‘Sénat’ et ‘Gouvernement’.

Le cas le plus flagrant est celui du Sénat. Les élections provinciales ont été organisées concomitamment avec la présidentielle, législatives, provinciales et les communales.

Par quoi peut-on expliquer la mise en place du Bureau du Sénat en août 2024, soit 8 mois après les provinciales ? Plus d’une fois, les sénatoriales ont été reportées faute de financement !

Déjà, lui-même Augustin Kabuya s’est révélé incapable de se déterminer : tantôt candidat député national visant la première vice-présidence du Bureau de la chambre basse, tantôt candidat sénateur visant la première vice-présidence de la chambre haute, tantôt redevenant d

puté national sans participer à l’équipe dirigeante. Là aussi, serait-ce la faute à la Constitution ?

Comme on peut s’en rendre compte, le retard enregistré dans la mise en place des institutions politiques autres que le Président de la République a été bel et bien planifié par la hiérarchie de l’USN pour justifier la révision ou le changement la Constitution qui, pourtant, a d’autres raisons pour ce faire.

Pendant qu’on en parle, on pratique l’amnésie sur une promesse faite par Félix Tshisekedi dans son premier discours sur l’état de la Nation en décembre 2019 : celle de rétablir le second tour.

En attendant, il est indiqué de rappeler à Augustin Kabuya que année électorale ne veut nullement dire année sabbatique ! Pendant l’année électorale, le régime en place exerce les prérogatives constitutionnelles.

Aux États-Unis où le mandat est de 4 ans, on ne peut pas le réduire à 3  ans pour cause d’année électorale. Ou en France où il est de 5 ans le réduire à 3 ans pour la même raison.

Présenter les choses de cette façon laisse supposer l’intention d’instaurer un septennat. Soit, en cas de double mandat, 14 ans !

En faisant sauter le verrou du nombre de mandats, aux 10 ans des deux premiers mandats quinquennaux, il faut envisager les deux prochains mandats septennaux (14 ans).  Au total 24 ans !

Serait-ce vraiment dans l’intérêt du pays ou plutôt pour se rapprocher des 32 ans de Mobutu ou dépasser les 22 ans des Kabila, sous prétexte que les 10 ans de Félix Tshisekedi seraient insignifiants comparés aux 37 de lutte politique pour l’instauration de la Démocratie, des Droits de l’homme et de l’État de droit.»

Jean-Claude Katende, président de l’ASADHO : «Malgré les tergiversations et les mensonges, l’Udps a fini par cracher le morceau en rapport avec la révision de la constitution. Ils ont dit clairement qu’ils veulent toucher aux articles verrouillés (la durée du mandat du Président de la République. Ils disaient que la révision ne va toucher à  ce type de dispositions.  Mr Augustin Kabuya a été clair.  Aujourd’hui, ils veulent remettre les compteurs à zéro.

Comment est-ce que nous  congolais pouvons accepter qu’on change la constitution pour donner un pouvoir des longues années à des personnes qui gèrent le pays avec des tâtonnements et qui ne sont pas encore arrivés à convaincre après plus de 5 ans de gouvernance. Accepter pareille chose, c’est sacrifier l’avenir du pays et des congolais. Les dirigeants actuels n’ont pas de profil pour faire face aux défis que le Congo rencontre.

Je sens que ce que nous avons vécu avant le dernier mandat du président Kabila, nous allons le revivre avec le Président Tshisekedi. Qui vivra, verra! »