RDC : une économie sous emprise étrangère ?

La République Démocratique du Congo serait-elle en passe de devenir « le pays des autres » ? La question résonne avec une amertume certaine. Tandis que les investisseurs étrangers – Libanais, Indo-Pakistanais, Chinois – prennent progressivement les rênes de l’économie congolaise, les Congolais eux-mêmes semblent largement absents des débats économiques. Absorbés par la politique, peu s’inquiètent de voir des voisins comme l’Ouganda et la Tanzanie prendre des initiatives stratégiques pour relier leurs infrastructures aux régions congolaises. Ce manque d’implication nationale soulève de sérieuses questions sur la souveraineté économique de la RDC et l’avenir du développement local.

Au cours d’une séance plénière tenue récemment au parlement tanzanien, une députée a soulevé une importante question dont la teneur est passée sous les radars des analystes et experts en économie en République Démocratique du Congo. L’élue exhortait avec force détails le gouvernement de son pays à obtenir de l’Etat congolais les autorisations nécessaires à la construction de la route Kalemie-Moba-Lubumbashi. Une artère de plus de 700 kilomètres, vitale pour l’économie tanzanienne des commerçants tanzaniens.

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Dans un discours extraordinairement documenté, et faisant preuve d’une solide connaissance de la région, l’élue tanzanienne a laissé entendre que jusqu’à ce jour, les transporteurs routiers à destination de la RDC devaient transiter par la Zambie avant d’atteindre Lubumbashi en passant par Kasumbalesa. D’où l’importance, selon elle, de réhabiliter le long tronçon Kalemie-Moba-Lubumbashi.

Le choix de Kalemie pour porte d’entrée s’explique par le fait que la ville congolaise sur le lac Tanganyika fait face à Kigoma, terminus de la voie ferrée qui relie ce port à Dar es-Salaam.

Le projet tanzanien dont la matérialisation ne fait aucun doute au regard d’excellentes relations entre les deux pays, et vient s’ajouter aux conclusions du tête-à-tête entre le président Tshisekedi et son homologue ougandais Yoweri Museveni le 30 octobre à Kampala.

A l’issue de l’entretien, le dirigeant ougandais avait révélé l’accord intervenu, mais qui en réalité date des premiers mois de l’accession de Tshisekedi au pouvoir, la construction d’une route transfrontalière qui, dans sa partie congolaise, relierait la cité de Kasindi à Butembo, en passant par Beni.

Une voie d’une grande importance, considérant que les importations à destination de l’Est du Congo sont déchargées dans les ports kényan de Mombasa et tanzanien de Dar es Salaam.

LA RDC PERD SON INDEPENDANCE ECONOMIQUE

Mais une opinion nationale n’a pas manqué de marquer son étonnement de voir le gouvernement sous-traiter ses infrastructures par des pays voisins aux économies aussi mal loties que celles de la  RDC. On rappelle dans la même veine le projet mort-né conclu à l’époque entre Tshisekedi et le Rwandais Paul Kagamé, qui aurait consisté en l’exploitation commune du gisement aurifère de Sakima dans la province du Maniema. La résurgence de la rébellion du M23 étant venue mettre fin aux discussions qui étaient en cours.

Il n’y a rien d’étonnant dans la ruée des Etats voisins vers la RDC. L’envahissante présence des compagnies chinoises qui exercent un quasi monopole dans le secteur minier, mais aussi des clandestins de l’Empire du Milieu protégés par des hauts dignitaires du régime ont fini par donner de la RDC l’image d’un pays de non-droit où les passe-droits en tous genres rongent une économie entièrement extravertie, où la production locale accuse un recul significatif.

Pour s’en convaincre un survol des acteurs majeurs de l’activité économique en RDC sont dans la plus grande majorité des expatriés.

Au cours des deux dernières décennies, l’économie congolaise a opéré et continue d’opérer une métamorphose qui remet en question le discours officiel. De profondes mutations  aux antipodes des postures ultranationalistes teintées d’un ardent chauvinisme que la réalité dément sur le terrain.

Les seuls qui font mine de ne pas voir que le pays, la République Démocratique du Congo, ne dispose d’aucune banque commerciale à capitaux entièrement détenus par des natifs depuis la vente de la BIAC de Pascal Kinduelo. Le secteur bancaire est désormais sous le contrôle des Nigérians, Camerounais, Gambiens et… Indiens. Pratiquant des taux d’intérêts prohibitifs, elles rendent impossible tout crédit aux nationaux, accordant en revanche des facilités à leurs compatriotes respectifs dont les capitaux aux origines suspectent gonflent leurs actifs.

Deux acteurs de taille sont cependant venus bousculer le statu quo. Le rachat de la BCDC par le Kenyan EQUITY, suivi de la reprise de la TMB par une autre Kenyane, Kenya Commercial Bank Group (KCB), a préfiguré l’importance qu’accordent Dodoma et Nairobi au vaste marché qu’offrent la centaine de million de Congolais.

L’immobilier est devenu l’apanage des Libanais et Chinois. En attestent des tours d’habitation aux dizaines de niveaux qui hérissent les quartiers pavillonnaires hérités de la colonisation.

La restauration, la grande distribution et les jeux d’argent sont aux mains des Indo-pakistanais. Des chaînes de «supermarchés» essaiment dans la capitale et les grandes villes du sud pratiquant des prix hors de tout contrôle.

Le secteur des véhicules neufs appartient aux mêmes Orientaux malgré la résistance timide de quelques téméraires Occidentaux qui tentent tant bien que mal d’écouler des véhicules de marques…japonaises, chinoises ou coréennes.

Le secteur vital de l’agro-alimentaire où prédominent les produits surgelés du riz thaïlandais ou vietnamien, de la farine de maïs zambienne ou importée en contrebande d’Angola, et jusqu’aux produits de toilette corporelle (savons, lessives, shampoings).

DISCOURS TROMPEURS

Conscientes ou non de la réalité qui fait de leur pays un territoire où tout le monde vient se servir sans crainte des rigueurs légales plombées par ne corruption à tous les échelles, les dirigeants congolais regardent ailleurs et nourrissent leur peuple de discours trompeurs.

Au mieux, ils lui font miroiter les performances mirifiques d’un budget annuel en constante augmentation et au pire, ils attribuent les contre-performances à la guerre d’agression qu’impose le Rwanda au pays, à travers ses proxys du M23. De plus en plus de voix s’élèvent et estiment qu’à tout prendre, le Congo n’appartient plus à ses citoyens. Il est devenu le pays des autres ou bien plus, celui de tout le monde.

Econews

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