Le Maroc a plaidé, lundi, pour un nouveau partenariat gagnant-gagnant entre l’Union européenne (UE) et le continent africain, au moment où la France prend pour six mois la présidence tournante du Conseil de l’UE.
«Il est nécessaire de définir ensemble un pacte commercial et industriel commun basé sur les atouts de l’Europe en tant que puissance industrielle renouvelée et innovante et l’Afrique qui offre des relais de compétitivité décarbonnée en termes de production, d’innovation et de services », a affirmé le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, dans une intervention par vidéo, à l’ouverture d’une conférence internationale sur le thème « Relations commerciales Union européenne-Afrique : vers de nouveaux partenariats », tenue lundi sous format hybride à Paris et qui a donné le coup d’envoi de la présidence française du Conseil de l’UE.
Organisée par la Direction générale du Trésor rattachée à Bercy, et le Quai d’Orsay, cette conférence internationale vise à mettre en valeur le partenariat européen avec l’Afrique en matière de commerce et d’investissement, à quelques semaines du sommet UA-UE voulu par le Président Emmanuel Macron dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’UE.
Rappelant que les relations commerciales entre l’Europe et l’Afrique ne datent pas d’hier et que les accords d’association conclus entre l’UE et les pays du sud de la Méditerranée ont plus de 25 ans, le ministre a affirmé que «certes cela représente un gage de pérennité, mais cela indique surtout qu’il est temps de les revisiter, de définir un nouvel équilibre».
Selon M. Mezzour, il est indéniable que ces accords ont favorisé l’accroissement des relations commerciales et les investissements entre l’Afrique et l’Europe, comme il est indéniable que l’UE est un partenaire majeur du développement du continent. « Cependant, nous constatons aujourd’hui une accélération de la tectonique mondiale industrielle et commerciale, accompagnée du resserrement des chaines de valeur, de nouveaux enjeux de souveraineté ou encore de la mise en application de mesures visant à atteindre la neutralité carbone ».
Il a relevé dans ce contexte que dans le cadre de l’agenda 2063, la zone de libre-échange continentale (AZLECAF), illustre la volonté du continent à promouvoir les relations commerciales intercontinentales et à stimuler son développement industriel.
Mais, «pour réussir à décarboner, renforcer le tissu industriel, améliorer la compétitivité des entreprises africaines et créer des emplois de part et d’autre de la Méditerranée, nous devons construire un nouveau partenariat gagnant-gagnant », a estimé le ministre marocain pour qui «la coopération Nord-Sud-Sud se doit d’être plus ambitieuse».
Ecrire une nouvelle page de coopération
Cette coopération Nord-Sud-Sud, a souligné M. Mezzour, doit aussi s’inscrire dans une approche conjointe et complémentaire avec notamment le maintien et le développement des industries européennes installées en Afrique, une relocalisation des chaines de valeur asiatiques dans l’espace euro-méditerranéen -Afrique capitalisant sur la proximité géographique, les coûts logistiques réduits, un gain en compétitivité, ainsi que la réduction de l’empreinte environnementale.
Toujours dans le cadre de cette coopération Nord-Sud-Sud, il faudra aussi veiller à la mise en place de filières industrielles innovantes conjointes favorisant notamment l’industrie 4.0, la mobilité durable et la transition énergétique et à assurer un meilleur accès au marché européen pour les produits africains à travers une harmonie entre les cadres juridiques régissant les échanges commerciaux, une intégration verticale Europe-Afrique et un accompagnement pour la mise en conformité des produits africains aux réglementations techniques.
Le ministre n’a pas manqué de plaider pour la formation et la fixation des talents en Afrique, à travers le renforcement et la multiplication des partenariats institutionnels, académiques, financiers et la mise en place de mécanismes de soutien communs et de co-développement technologiques.
Selon M. Mezzour, l’économie mondiale connait une reprise vigoureuse mais inégale. L’émergence de grands blocs économiques n’est pas sans impact sur les règles commerciales mondiales, la crise sanitaire ayant montré que l’organisation des chaines de valeur est aussi du ressort des États qui doivent protéger leurs citoyens et renforcer la résilience de leur économie. Cependant, a-t-il dit, « il s’agira d’éviter les écueils et les pièges auxquels pourraient mener les relocalisations imposées qui non seulement fragiliseraient la compétitivité de certains pavillons industriels européens, mais affaibliraient aussi la profondeur de la coopération euro-africaine ».
«C’est pourquoi, a-t-il affirmé, aujourd’hui le partenariat Europe-Afrique soutenu sur une base mutuellement avantageuse se doit d’être une priorité des deux côtés afin de consolider une relance économique régionale durable». Et de souligner que «les pays des deux rives de la Méditerranée peuvent compter sur le soutien et la mobilisation du Maroc pour l’approfondissement et la modernisation de nos accords et de notre ambition en matière de commerce et d’investissement, permettant à nos deux rives de relever ensemble les nombreux défis auxquels nous faisons face».
«S’agissant du Maroc, grâce à la vision éclairée de SM le Roi Mohammed VI, les chantiers d’envergure structurants dans les domaines portuaire, aéroportuaire, des espaces d’accueil industriel des technologies, des énergies renouvelables ainsi qu’une industrie aujourd’hui réputée mondialement pour sa compétitivité et le savoir-faire de son capital humain ont augmenté notre attractivité vis-à-vis de nos partenaires historiques et ont en attiré de nouveaux », a dit le ministre.
Il a souligné, dans ce contexte, qu’au Maroc, la crise sanitaire a été révélatrice de la résilience et de l’ingéniosité de l’industrie locale et de son important potentiel. C’est pour cela que la relance économique y a été plus rapide qu’ailleurs grâce à la mobilisation et à l’engagement de ses opérateurs industriels.
Durant les 25 dernières années, le Maroc s’est doté d’infrastructures de classe mondiale tels que le port Tanger-Med qui est un outil industriel performant, a affirmé le ministre, faisant observer que les différents plans industriels ont permis au Maroc de devenir une puissante base industrielle des plus compétitives au monde avec l’assurance d’une décarbonisation des plus avancées et un positionnement actif à l’export.
Ainsi, à la faveur d’un ambitieux programme gouvernemental qui a pour socle les Hautes Orientations Royales notamment l’opérationnalisation d’un nouveau modèle de développement, le Maroc compte bien transformer les limites révélées par cette crise sanitaire en opportunités, a affirmé le ministre, soulignant que le Royaume consolide son positionnement aussi de 2ème investisseur africain en Afrique avec des multinationales sous pavillon marocain à fortes empreintes continentales notamment dans la finance, les télécommunications, l’industrie et les fertilisants.
Le Maroc affiche aussi grâce à l’accord d’association avec l’UE un niveau d’intégration avec l’Europe similaire à celui des pays membres tout en développant son actif communautaire et son climat des affaires attractif, s’est-il félicité.
Ouvrant l’évènement, le ministre délégué français au Commerce extérieur et à l’Attractivité, Franck Riester a affirmé que le choix de démarrer la présidence française du Conseil de l’UE avec cette conférence n’est pas «anodin», car la France place la refondation du partenariat entre l’Afrique et l’Europe au cœur de ses priorités à la tête de sa présidence de l’UE.
Selon le ministre français, l’approfondissement des relations de commerce et d’investissement entre les deux continents est «une composante importante» de cette refondation. «Notre objectif est simple, nous voulons renforcer l’intégration des chaînes de valeur entre l’Europe et l’Afrique et répondre à l’impératif de transition écologique de nos différentes économie », a-t-il dit.
Pour lui, tout porte à approfondir ces liens : la proximité géographique entre les deux continents, la proximité humaine qu’entretiennent les diasporas, et la densité actuelle des relations économiques avec l’Afrique dans l’Union européenne qui est le premier partenaire commercial, le premier investisseur étranger est le premier partenaire de développement.
Le ministre délégué français au Commerce extérieur et à l’Attractivité a également mis l’accent sur l’ambition partagée des deux côtés de la Méditerranée d’accélérer la relance ensemble, de bâtir ensemble les conditions d’une croissance plus résiliente, plus juste et plus durable, tout en relevant la conviction commune qu’il reste un immense potentiel de prospérité à développer en facilitant davantage les investissements et les échanges.
Rendez-vous en février prochain
Cette conférence internationale, marquée par la participation notamment du vice-président exécutif de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, de la ministre de l’industrialisation, du commerce et du développement de l’entreprise du Kenya, Betty Chemutai Maina et de plusieurs ambassadeurs africains et européens accrédités à Paris, vise à mettre en valeur le partenariat européen avec l’Afrique en matière de commerce et d’investissement, à quelques semaines du sommet UA-UE.
Répartie en plusieurs tables rondes, la conférence va aborder les enjeux économiques et commerciaux du partenariat UE – Afrique en partant d’un état des lieux avant d’évoquer le potentiel et les perspectives d’approfondissement des relations commerciales et d’investissement entre l’Union européenne et l’Afrique du Nord d’une part, et les pays de la zone subsaharienne d’autre part.
Les conclusions issues de cette conférence internationale seront soumises au Sommet UE-UA qui se tiendra les 17 et 18 février prochain à Bruxelles.
Econews avec MAP