« La voix de la nationaliste » parlera aujourd’hui de Sele Yalaghuli, cet ancien argentier de la République qui tire aujourd’hui la sonnette alarme sur la gestion des finances publiques en RDC, marquée par la reprise vertigineuse de l’endettement. Mais quel est donc le parcours professionnel de cet homme politique qui nous parle aujourd’hui de l’endettement du pays ? De 2002 à 2007, M. Yalaghuli a travaillé au sein du Bureau central de coordination (BCECO) où il était économiste et chef de division. De février 2010 à mai 2012, il a travaillé comme le directeur de cabinet du ministre des finances, Matata Ponyo Mapon. De mai 2012 à novembre 2016, il était directeur de cabinet du Premier ministre, Matata Ponyo Mapon. De novembre 2016 au mois d’août 2019, il fut Directeur général des impôts, DGI en cible. De 2019 à 2021, il fut donc ministre des Finances de la République démocratique du Congo. Il est actuellement chercheur au Centre de diplomatie et d’hiérarchie de l’université de Johannesburg. Alors, avec pareil parcours, on sait voir que c’est un érudit des finances publiques. Il a donc droit au chapitre et peut nous parler avec aise des questions de finances publiques. Entretien.
Comment comprendre le développement économique de la RDC ?
Tout l’arsenal dédié au développement de tout pays repose sur deux piliers majeurs. D’abord, une vision politique claire et nette, cristallisée dans un programme gouvernemental.
Ensuite, les moyens financiers, matériels, institutionnels et j’en passe, pour donner corps aux options stratégiques retenues dans la vision.
Quid de la RDC ?
La République Démocratique du Congo n’échappe pas à cette approche qui est méthodologique. Aussi, tout gouvernement qui se veut sérieux et développementiste est censé s’inscrire dans cette logique.
Comment fonctionnent les finances publiques ?
L’élément clé des finances publiques est constitué par le budget de l’Etat, appelé à juste titre « Loi des finances ». La Loi des finances, loi votée par le Parlement dans ses deux chambres, est l’une des lois les plus violées au Congo et c’est là, sans conséquence aucune. Mais posons-nous d’abord la question essentielle. Pourquoi les budgets s’érigent-ils en loi ? La réponse est simple et la voici.
D’abord, les recettes publiques sont une ponction sur la richesse nationale au travers des impôts, taxes, droits des douanes. Prenons l’exemple d’un impôt particulier, l’IPR, l’impôt professionnel sur la rémunération. Il s’agit là du prélèvement d’autorité que l’Etat fait sur les salaires de tout citoyen congolais exerçant une activité et gagnant une rémunération.
Et il en est de même pour tous les autres prélèvements. Ensuite, les dépenses publiques sont faites sur base des recettes ainsi collectées par le gouvernement au travers de différentes régies financières. Soit sur base des dettes contractées localement, dettes intérieures, ou à l’étranger, dettes extérieures. Mais lesquelles, naturellement, devront être remboursées sur base des ressources nationales prélevées par le même mécanisme décrit ci-dessus.
Ainsi, avant de prélever les ressources des citoyens et d’effectuer des dépenses sur base desdites ressources, le Gouvernement est censé requérir l’autorisation préalable de la population. Ladite autorisation passe par le Parlement au travers de ces deux chambres car il s’agit des élus du peuple votés par celui-ci pour garantir sa volonté et surveiller les usages qu’est l’exécutif, donc le Gouvernement, fait de ses ressources.
Ainsi, le budget élaboré par le Gouvernement, après débat au sein des deux chambres, est voté et s’érige alors en une loi dite, Loi des finances.
Bien que loi périodique car couvrant un exercice annuel, elle spécifie, à l’instar de toute autre loi, les acteurs, les bénéficiaires, les mécanismes d’opérationnalité, son étendue, les exceptions autorisées, etc. C’est ainsi, par exemple, qu’en matière de dépenses publiques, votées par le Parlement, il existe un dispositif pour effectuer une dépense sur les ressources publiques. C’est ce qu’on appelle la chaîne de la dépense qui comprend d’abord l’engagement budgétaire par les services bénéficiaires qui lui aussi est assujetti à des préalables et le principal en la disponibilité des ressources est le marché public. Ainsi, aucun engagement budgétaire n’est possible si un marché public n’a pas été organisé en bonne et due forme. Ensuite, il y a la liquidation par le ministère ayant en charge le Budget dans ses attributions.
Il est fait dès lors qu’il existe, en faveur du service ayant sollicité la dépense, une disponibilité des ressources votées. En plus, il contrôle la régularité du marché public dans le cadre de la dépense sollicitée. C’est d’ailleurs l’une des raisons majeures justifiant l’attachement du service de contrôle des marchés publics au ministère du Budget.
Ensuite, il y a l’ordonnancement de la dépense par le ministre des Finances. A son niveau, le ministre des Finances contrôle l’existence légale de la dépense sollicitée, c’est-à-dire qu’elle a été votée par le Parlement. La régularité du marché public portant attribution aux bénéficiaires de la dépense. Et enfin, ces services procèdent à d’autres types de contrôles indispensables, relatifs notamment à la disponibilité des ressources budgétaires au compte général du Trésor. Car tout paiement sans ressources disponibles va enclencher la planche à billets, source d’inflation et de dépréciation de la monnaie nationale. Ensuite, il y a le quitus fiscal du bénéficiaire de la dépense publique.
En effet, l’État ne peut pas payer un opérateur économique qui n’est pas en règle avec le fisc, c’est-à-dire qu’il ne paie pas ses impôts. Et enfin, il y a l’existence d’un compte bancaire. Il est proscrit de faire des paiements en cash au guichet de la Banque Centrale.
Enfin, le paiement de la dépense autorisée par la Banque Centrale, en procédant au virement au compte du bénéficiaire, logé dans une banque commerciale, locale ou internationale, selon les cas, et naturellement après avoir pris des précautions d’usage.
Que veut dire reddition des comptes ?
Comme l’on peut s’en apercevoir, les dépenses en mode urgence, en dehors de la chaîne de la dépense, sans disponibilité budgétaire, pour des marchés accordés de gré à gré, en faveur de bénéficiaires ne disposant pas de quitus fiscal, sont illégales et punissables. Mieux, à la fin de chaque exercice budgétaire, le ministre des Finances est obligé, de par la loi, de présenter au deux chambres du Parlement, un rapport dit « reddition des comptes ». Ce rapport, une fois approuvé, revêt aussi la forme d’une loi, dite « Loi de reddition des comptes ».
La reddition des Comptes est le rapport portant sur, d’abord la collecte des ressources publiques, telle qu’autorisée par la loi des Finances. Ensuite, les dépenses effectuées et autorisées par le ministre des Finances, en suivant scrupuleusement les prescrits de la chaîne de la dépense.
L’exercice de la reddition des Comptes au Parlement, qui est assisté par la Cour des Comptes, est le mécanisme légal de redévabilité par essence. La Cour des Comptes, au travers de ses juges, passe en revue chaque recette, chaque dépense, afin d’en établir la sincérité et la régularité. Elle émet ses avis sur le rapport élaboré par le ministère des Finances.
Qu’en est-il de la redevabilité sur les finances publiques en RDC ?
D’emblée, il s’y est de reconnaître que le Gouvernement, en dehors du simple formalisme, ne se soumet nullement à cette obligation légale, pourtant socle de la gestion de la chose publique.
Les ressources collectées, il faut le dire, sont des prélèvements d’autorité sur la richesse nationale. En d’autres termes, et en termes vernaculaires, il s’agit de l’argent de la population sur l’effort fourni par chaque citoyen. Et ces prélèvements sont censés être affectés strictement aux dépenses en faveur de la population elle-même. Ce n’est que justice, car c’est son argent, hélas !
Les dépenses essentielles votées en faveur de la population, hôpitaux, écoles, routes, et j’en passe, ne sont quasiment pas rencontrées.
Ensuite, les dépenses politiques, émoluments des députés, voyages des officiels, dépenses de prestige, notamment les palais présidentiels, sont exécutées en surconsommation par rapport au niveau voté par le Parlement. Enfin, les dépenses sont exécutées en dehors de la chaîne de la dépense, en flagrante violation de la Loi des finances.
Les dépenses sont exécutées en faveur des opérateurs économiques et autres bénéficiaires, n’exposant pas des quitys fiscal, c’est-à-dire que le gouvernement oriente l’argent de la population vers des opérateurs qui ne payent rien à l’État. C’est ainsi que de nombreux scandales continuent et continueront de défrayer la chronique : Projet de 100 jours ayant occasionné plus de 700 millions de dollars américains sans des résultats concrets et compatibles sur le terrain ; Projet, dit Tshilejelu, sans aucun lendemain, mais qui ont consommé plusieurs millions de dollars américains ; Projet de l’université de Mbuji-Mayi avec plus de 30 millions de dollars, sans aucun bâtiment sur le terrain ; Projet des 145 territoires qui occasionnent déjà d’énormes sorties des fonds publics, mais dont les résultats ne seront jamais compatibles avec les ressources dilapidées ; Projet de Jeux de la Francophonie qui a occasionné plus de 350 millions de dollars américains, un cas patent où le dépassement n’a donné lieu à aucune forme de sanctions. Les dépenses si afférentes ont été exécutées sur toute la ligne, en violation flagrante de la chaîne de la dépense. Et j’en passe, les cas sont nombreux.
Alors que l’exercice réel et obligatoire de la redévabilité aurait permis de faire usage rationnel des ressources publiques en les investissant dans l’amélioration des conditions de vie de la population, notamment en créant des infrastructures de base indispensables à l’attractivité des investissements, tant nationaux qu’étrangers.
Donc plus de redévabilité dans les responsabilités qui incombent aux gouvernants constitue un premier pas vers la bonne gouvernance, censé se cristalliser en valeur républicaine dans la gestion de la chose publique.
Avec La voix de la Nationaliste (une chaine de la diaspora congolaise)