Le monde du travail congolais s’apprête à vivre une profonde mutation. Une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par le député Eric Tshikuma vise à réformer le Code du travail, avec pour objectif d’aligner le cadre légal sur la Constitution de 2006 et les standards internationaux. Ce texte ambitieux promet de renforcer les droits des travailleurs, d’éliminer les discriminations et d’assurer une meilleure cohérence juridique. Une révolution en perspective, à condition que les réformes soient appliquées à la hauteur des attentes.
Le monde professionnel congolais pourrait bientôt connaître une profonde mutation. Une proposition de loi visant à réformer le Code du travail a été déposée à l’Assemblée nationale par Eric Tshikuma, député national élu de Kinshasa/Funa. Ce texte, s’il est adopté, moderniserait le cadre légal du travail en République Démocratique du Congo (RDC), le rapprochant des principes constitutionnels de 2006 et des normes internationales en matière de droits des travailleurs.
Selon son auteur, cette réforme poursuit trois objectifs majeurs : actualiser le Code du travail pour le conformer à la Constitution de 2006 et aux conventions internationales ratifiées par la RDC ; garantir la cohérence juridique en harmonisant les dispositions du Code avec d’autres lois nationales, afin d’éviter les contradictions et d’en faciliter l’application ; renforcer l’égalité et la protection des travailleurs, en éliminant les discriminations fondées sur le sexe, l’âge ou tout autre critère arbitraire.
« Le droit du travail en RDC doit évoluer pour refléter les réalités économiques et sociales actuelles », a déclaré M. Tshikuma. Et de préciser : « Il est temps de supprimer les inégalités persistantes et d’offrir un cadre plus juste et plus efficace pour les employeurs comme pour les employés. »
Si les détails précis du texte restent à débattre au Parlement, la proposition suggère, notamment : la suppression des disparités salariales et d’accès à l’emploi entre hommes et femmes ; une meilleure protection contre les licenciements abusifs et une clarification des procédures de conflits du travail ; l’inclusion de nouvelles formes d’emploi, comme le télétravail ou les contrats flexibles, adaptées aux mutations du marché ; un renforcement des droits syndicaux et des mécanismes de dialogue social.
Un projet salué, mais des défis à relever
Plusieurs syndicats et organisations de la société civile ont accueilli favorablement l’initiative, y voyant une avancée vers un marché du travail plus équitable. Cependant, certains acteurs économiques s’interrogent sur l’impact potentiel de ces modifications sur la compétitivité des entreprises, notamment dans un contexte où le secteur informel domine encore largement l’emploi en RDC.
« Cette réforme est nécessaire, mais elle doit s’accompagner de mesures d’accompagnement pour les petites et moyennes entreprises », estime un représentant patronal sous couvert d’anonymat.
Le texte doit désormais être examiné en commission avant d’être soumis au vote de l’Assemblée nationale. Si adopté, il marquerait une étape importante dans la modernisation du droit social congolais, à condition que son application soit rigoureusement suivie.
Francis N.
Les motivations d’Eric Tshikuma
Nous venons de déposer au bureau de notre chambre une proposition de Loi portant modification du Code du Travail n° 015-2002, tel que modifié par la Loi n°16/010 du 15 juillet 2016. Cette initiative législative se positionne comme une réponse aux défis juridiques, sociaux et économiques actuels en République Démocratique du Congo.
Adoptée il y a près de huit ans, la Loi actuelle a révélé des faiblesses, notamment en raison de son incompatibilité avec des normes juridiques supérieures et avec des principes constitutionnels essentiels. Certaines dispositions entravent l’application efficace des droits des travailleurs et créent des incohérences internes.
A titre illustratif, le Code du travail actuel, dans la plus part d’articles faisant appel à des mesures d’application, demande au Président de la République d’intervenir par Décret. Or, le Décret est de la compétence du Premier Ministre en vertu de l’article 92 de la Constitution et le Président de la République, lui, n’intervient que par Ordonnance en vertu de l’article 79.
Ensuite, par rapport à l’exécution des Lois, c’est au Premier Ministre, conformément à l’article 92 alinéa 1 de la Constitution, que revient la charge d’exécuter les Lois. Ce n’est pas une prérogative du Président de la République alors que le Code du travail réduit l’Institution Président de la République en une simple Institution d’exécution des Lois en violation des articles 79 alinéa 2 qui lui donne le pouvoir de promulguer les Lois par voie d’Ordonnance.
Donc, le Code de travail en vigueur viole les articles 79 et 92 de la Constitution et le principe constitutionnel du bicéphalisme de l’exécutif consacré par la Constitution de 2006 en vigueur. En réalité, sur ce point, ce Code est anachronique et s’alimente encore aux mamelles de sa mère nourricière la Constitution de transition avant même le « 1+4 ».
Par ailleurs, quand vous lisez le champ d’application dudit Code, vous comprendrez qu’il est rendu comme si les entreprises du portefeuille de l’Etat ont un employeur. Or, ce sont des personnes morales à part entière et ce sont elles qui sont employeurs de leurs travailleurs.
D’autres part, la Loi sur la protection de l’enfant dit clairement en son article 99 : le Tribunal pour enfant est compétent pour tout problème, entre autres, de capacité de l’enfant. Mais ce Code du travail renvoie cette matière au Tribunal de paix. C’est une incompatibilité que nous avons voulu corriger.
En ce qui concerne les droits de la femme, nous avons trouvé injuste que la femme employée se voit amputée d’une partie de son revenu mensuel seulement parce qu’elle est en congé pour raison de maternité. Pour corriger cela, cette proposition suggère qu’elle ait droit à l’entièreté de sa rémunération pour nous conformer à nos propres valeurs ancestrales.
Enfin, nous nous sommes demandé comment peut-on affirmer une chose et son contraire s’agissant de la désignation dans l’administration des syndicats, pour certains faits une simple condamnation et pour d’autre une condamnation définitive comme si cette disposition était taillée sur mesure pour sauver quelqu’un et empêcher l’autre.
Nous avons considéré les principes constitutionnels de présomption d’innocence, de l’égalité des Congolais devant la Loi et de l’égal traitement ainsi que du droit au double degré de juridiction pour uniformiser cette écriture.
Raison pour laquelle, cette proposition a pour but :
- D’actualiser le Code du Travail en l’alignant sur la Constitution de 2006 et les exigences en matière de droits du travail.
- D’assurer la cohérence interne des dispositions dudit Code afin de garantir leur applicabilité et leur conformité avec d’autres Lois en vigueur dans l’ordre juridique Congolais.
- De promouvoir l’égalité devant la Loi et la protection des droits des travailleurs, tout en supprimant les discriminations basées sur le sexe, l’âge, et d’autres critères non pertinents.
Voilà en substance ce que constitue notre modeste initiative législative devant modifier le Code du travail ! Car, il est crucial d’assurer la mise en cohérence de ce texte avec d’autres lois, de renforcer les droits des travailleurs, d’assurer une meilleure protection juridique et d’encourager un climat de travail équitable et serein.
Cette initiative législative reflète notre engagement pour des conditions de travail dignes et justes pour tous les Congolais. Nous estimons que c’est urgent notamment par rapport aux autorités dont les actes sont concernés.
Kinshasa, le 28 mai 2025
Eric Tshikuma
Député national