Comparution de Joseph Kabila dans le procès Chebeya : mission impossible !

L’ancien président de la République, Joseph Kabila Kabange, ne comparaîtra pas dans le procès en appel de Floribert Chebeya, cet activiste des droits de l’Homme tué en 2010. Ainsi en a décidé mercredi le président de la Haute Cour militaire de Kinshasa. Une décision sage qui évite au pays de basculer dans un cycle d’incertitude aux conséquences imprévisibles.

Pas possible de faire comparaître l’ancien président de la République, Joseph Kabila Kabange, dans le procès en appel de Floribert Chebeya, cet activiste des droits de l’Homme, assassiné en juin 2010. Deux verrous protègent encore Joseph Kabila, notamment son statut de sénateur à vie qui le couvre des immunités et la « la loi du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués», dite loi Mutinga, qui le protège de bout en bout.

Devant ces évidences, le président de la Haute Cour militaire de Kinshasa a rejeté la demande de la partie civile exigeant la comparution de Joseph Kabila.

La sagesse de la Haute Cour

Joseph Kabila Kabange devant la Haute Cour militaire ! La scène paraît plus que jamais surréaliste. Pourtant, c’est ce que la partie civile a sollicité de la Haute Cour militaire de Kinshasa dans le procès Chebeya, se fondant sur les témoignages du policier Mwilambwe, l’un des prévenus, membres du commando qui a exécuté en 2010 cet activiste des droits de l’homme, alors directeur exécutif de l’ONG «La Voix des Sans Voix» (VSV).

«Nous sommes très déçus par cette position », a confié à l’AFP Rostin Manketa, directeur exécutif de la VSV, à laquelle appartenait Floribert Chebeya et qui s’est constituée partie civile au procès de l’assassinat de ce dernier.

Cette organisation, figure parmi les 50 entités non gouvernementales qui, avec les parties civiles, réclamaient la comparution de plusieurs personnes citées dans l’affaire par l’un des prévenus. Parmi ces personnes figure l’ex-président de la République et sénateur à vie Joseph Kabila.

A son verdict du mercredi 19 janvier 2022, le président de la Haute Cour militaire a choisi la voie du pragmatisme, faisant prévaloir le « pouvoir discrétionnaire » que lui reconnaît l’article 249 du Code judiciaire militaire. Au finish, Joseph Kabila ne comparaîtra sous aucun prétexte devant la Justice militaire.

La Haute Cour militaire a donc refusé d’entendre Joseph Kabila. A cet effet, son président, manipulant subtilement le droit, n’a pas fait dans la dentelle : «En vertu de mon pouvoir discrétionnaire, le président que je suis estime qu’il ne peut faire droit à cette demande».

A cet effet, le président de la chambre a demandé aux parties de «se conformer aux dispositions de l’article 74 du code de procédure pénale ».

Ce qui n’est pas de l’avis de la partie civile qui minimise la décision du président de la Haute Cour, estimant que « ce n’est pas un arrêt », supposé inattaquable.

« La Cour n’a pas encore rejeté notre demande », a dit Me Richard Bondo de la partie civile, cité par la radio Top Congo Fm. Et d’ajouter : « Le président a donné sa position discrétionnaire, c’est un avis personnel ».

En réalité, la Haute Cour militaire a fait preuve d’une sagesse qui a épargné le pays d’une crise indescriptible. Imaginez Joseph Kabila devant la Justice militaire ! Qu’en sera-t-il de l’équilibre des institutions, alors que la République Démocratique du Congo traverse une crise politique aigue qui couve au sein de la majorité parlementaire.

La sagesse voudrait qu’on ne jette pas de l’huile sur le feu qui est sur le point de s’éteindre. En tout cas, c’est l’option levée par la Haute Cour militaire qui a refusé de porter la responsabilité d’une crise qui allait embraser tout le pays.

Bien plus, les témoignages, truffés de contrevérités, selon les experts, du policier Mwilambwe, ne pouvaient être prises en compte comme pièce à conviction pour interpeller l’ancien président de la République.

A tout prendre, la République Démocratique du Congo a frôlé une catastrophe. Par sa sagesse, le président de la Haute Cour militaire a épargné le pays d’une crise politique aux conséquences imprévisibles. Et personne n’allait en sortir gagnant.

A la Haute Cour militaire, le pragmatisme l’a emporté sur le droit.

Hugo Tamusa