Pas de langue de bois à Kinshasa. Alors que les Forces armées de la RDC font face aux rebelles du M23 dans les collines de la province du Nord-Kivu, le Gouvernement, réuni mercredi autour du Premier ministre, n’a pas hésité à accuser le Rwanda d’apporter tout son appui militaire au M23. Parallèlement, le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula, en mission de travail à Malabo (Guinée équatoriale), n’a pas non plus épargné le Rwanda qu’il pointe du doigt derrière l’activisme du M23. Sans surprise, Kigali s’est rabattu sur sa vieille rhétorique, niant toute implication dans l’action menée par les rebelles du M23. Plus loin, Kigali, qui promet de saisir le mécanisme conjoint de vérification aux frontières, pense que Kinshasa combat avec le soutien des FDLR, ces rebelles rwandais qui écument la partie Est de la RDC. Pendant ce temps, sur le terrain des opérations, les FARDC semblent avoir pris le dessus sur le M23.
En République Démocratique du Congo, sur l’axe Goma – Rutshuru, les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) font toujours face aux rebelles du M23.
Si Kinshasa s’est toujours refusé à citer nommément le Rwanda, comme principal tireur de ficelles de l’activisme des rebelles du M23, pour cette énième agression, le Gouvernement national est allé droit au but en pointant du doigt Kigali.
Depuis Goma, c’est le général Ekenge, porte-parole des FARDC dans la zone opérationnelle du Nord-Kivu, qui a été le premier à éventrer le boa en donnant de sérieux indices qui accablent Kigali.
Sans citer le Rwanda, le général Ekenge a, dans un communiqué diffusé mercredi, indiqué que, dans leur débandade, les rebelles du M23 ont abandonnés des effets militaires « non utilisés ni par les FARDC, ni par les terroristes du M23 ».
A l’issue d’une réunion sécuritaire sur le Grand Kivu, tenue mercredi autour du Premier ministre, le porte-parole du Gouvernement congolais, Patrick Muyaya Katembwe, a enfoncé le clou, chargeant davantage Kigali sur la résurgence du M23.
Faisant la restitution de cette réunion devant la presse, Patrick Muyaya a clairement évoqué le soutien que le Rwanda apporte au M-23 en violation de la frontière ainsi que les accords signés avec la RDC.
«Il est établi suivant les éléments que nous avons reçus du terrain, qu’en tout cas des soupçons se cristallisent sur un soutien qu’aurait reçu le M-23 de la part du Rwanda », a-t-il affirmé, soulignant que Kinshasa a, à ce propos, « activé le mécanisme de suivi » en dépêchant le chef de ce mécanisme à Kigali pour « attester ces faits ».
Plus explicite, le porte-parole du Gouvernement a fait remarquer que « ce qui s’est produit à côté du M-23 serait une réaction de la part du Rwanda. Mais pour cela, nous serons fixés bientôt lorsque le rapport du mécanisme conjoint de suivi sera fait ». Avant de renchérir : « Nous pensons que le M-23 ne peut pas disposer de l’arsenal militaire comme celui qu’on trouve chez lui sur le terrain des opérations. D’où, la cristallisation de nos soupçons sur le Rwanda ».
Kigali rejette les accusations et se couvre derrière les FDLR
Sans surprise, le Rwanda a rejeté en bloc les accusations de Kinshasa.
Mis en cause par Kinshasa pour son probable soutien logistique aux rebelles du M23, Kigali s’est dit « aucunement impliqué » dans les combats qui opposent les FARDC aux rebelles du M23, a indiqué Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais, citée par le media en ligne, mnctvcongo.net.
Se rabattant sur la vieille rhétorique qu’il affectionne chaque fois que la RDC le pointe du doigt dans la déstabilisation récurrente de sa partie Est, le gouvernement rwandais estime plutôt que «les combats entre les FARDC et le M23 sont un conflit intra-congolais. Le Mae (Ndlr : ministre des Affaires étrangères) de la RDC devrait expliquer pourquoi les FARDC, combattant aux côtés des FDLR/Interahamwe dans leurs rangs, ont bombardé le territoire rwandais le 19 mars et à nouveau le 23 mai ». Elle va plus loin : «Alors qu’il serait légitime que le Rwanda réponde aux attaques répétitives des FARDC sur notre territoire, le Rwanda n’est pas impliqué dans les combats en cours dans l’Est de la RDC et n’a pas l’intention d’être entraîné dans une affaire interne de la RDC ».
Se tournant vers les pays de la sous-région des Grands Lacs, la porte-parole du gouvernement rwandais rappelle « le Rwanda veut collaborer avec les pays voisins pour une solution durable à l’insécurité dans notre région. C’est pourquoi les RFD (Ndlr : armée rwandaise) ont demandé une enquête urgente du Mécanisme régional de vérification conjoint élargi sur le bombardement transfrontalier de cette semaine».
Pendant ce temps, sur le terrain des opérations, on est encore loin de l’accalmie dans les affrontements entre les FARDC et le M23, présenté désormais à Kinshasa comme un groupe « terroriste ».
Hugo Tamusa