Constitution du 18 février 2006 : professeurs et praticiens du droit de l’UNIKIN appellent à une adaptation aux mutations de la société

Réunis le mercredi 4 décembre 2024 dans la salle Monekoso de la faculté de médecine, des professeurs, praticiens et enseignants de droit de l’Université de Kinshasa (UNIKIN) ont organisé une conférence-débat sur le thème «L’ordre constitutionnel face aux mutations de la société : du populisme au discours académique». Au cœur des échanges, la nécessité d’une révision urgente de la Constitution du 18 février 2006 pour l’adapter aux réalités contemporaines. Identifiant des lacunes et insuffisances, les intervenants ont insisté sur l’importance d’une relecture approfondie pour répondre aux défis actuels de la société congolaise.

Avec comme thème «L’ordre constitutionnel face aux mutations  de la société : du populisme au discours académique ». C’est la thèse développée, mercredi 4 décembre à la salle Monekoso de l’UNIKIN par un collectif d’éminents professeurs du droit, notamment Félicien Tshibangu Kalala, Christian Kabange, Grâce Muwawa, Camille Ngoma et Patrice Ntumba.

A l’unanimité, ils ont mis en avant l’importance cruciale d’un rééquilibrage nécessaire sur cette question de la révision constitutionnelle, «complexe et fondamentale », qui touche à la loi suprême.

Ils sont d’avis que les récents bouleversements sociopolitiques exigent une révision de certains articles et un dialogue approfondi sur la façon dont la loi peut s’adapter aux nouvelles réalités, tout en préservant ses valeurs fondamentales.

Lors de leur intervention, ils ont fait part de plusieurs failles dans la Constitution actuelle. Ce qui, selon eux, nécessite une réflexion approfondie sur les différents aspects du texte constitutionnel. A cet effet, ils plaident en faveur d’une réforme substantielle qui prend en compte les réalités actuelles, soulignant l’importance d’une adaptation de la Constitution aux différentes attentes de la population et aux  enjeux mondiaux.

LE FOND DU PROBLEME

Initiateur de ce débat citoyen, le professeur Félicien Tshibangu Kalala a exprimé, lors de sa prise de parole, son point de vue selon lequel la Constitution du 18 février 2006 représente une sorte de «greffe importée». «Cette Constitution est déconnectée des réalités culturelle et socio-politique qui caractérisent notre pays», soutient-il.

Il a ainsi souligné la nécessité d’une révision significative de cette Constitution afin qu’elle puisse «non seulement tenir compte des spécificités de notre contexte local, mais aussi répondre de manière efficace aux défis contemporains auxquels nous faisons face».

«L’ordre constitutionnel repose sur la création d’une Constitution, qui structure les règles et principes fondamentaux d’une société. Mais celle-ci doit évoluer avec le temps, à mesure que les réalités sociopolitiques et économiques se transforment », a-t-il rappelé.

Plus explicite, le professeur Félicien Kalala a présenté plusieurs exemples significatifs, parmi lesquels on retrouve l’évolution des droits associés à la parité entre les sexes qui illustre, note-t-il, bien les progrès réalisés en matière d’égalité. De plus, il a évoqué l’impact que peut avoir la ratification d’accords internationaux en prenant notamment comme référence l’accord de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) qui a contribué à unifier et à moderniser les règles du droit des affaires en Afrique.

«Ces dynamiques exigent une relecture et une mise à jour constante de la Constitution pour qu’elle reste pertinente et adaptée aux engagements internationaux et aux valeurs contemporaines », a-t-il fait savoir.

Concernant l’article 217 de la Constitution actuelle qui crée une controverse dans l’opinion publique, le professeur Félicien Kalala a mis en lumière le principe fondamental de juxtaposition de différentes souverainetés.

Cet article, a-t-il dit, a soulevé «un débat passionnant et pertinent concernant les interactions complexes qui existent entre la souveraineté nationale, la souveraineté régionale ainsi que la souveraineté internationale». Une raison de plus qui motive, pense-t-il, sa relecture.

LES ARTICLES A PROBLEME

Prenant la parole, le professeur Grâce Muwawa s’est, pour sa part, concentré de manière approfondie sur les différentes dispositions constitutionnelles qui pourraient potentiellement faire l’objet d’une révision ou d’une modification, notamment l’article 220 qui constitue, note-t-il, «un point focal dans le débat actuel sur les réformes constitutionnelles».

Dans le lot d’articles à problème, il répertorie l’article 2, l’article 10, l’article 13, l’article 68, l’article 77, l’article 81 et l’article 217 qui nécessitent une refonte afin «d’améliorer leur clarté et leur application».

Pour sa part, le professeur Christian Kapange a abordé plusieurs axes importants, en particulier ceux liés à l’ordre constitutionnel.

Selon lui, «l’ordre constitutionnel trouve sa véritable origine dans la création même de la Constitution» Aussi, pense-t-il qu’«il est essentiel d’adopter une approche évolutive dans notre compréhension de ce cadre juridique. En effet, lorsque des changements significatifs ou des mutations s’opèrent au sein de l’ordre social, il devient impératif de se référer aux textes constitutionnels en vigueur. Cela permet non seulement de s’adapter aux évolutions sociétales, mais aussi de faciliter la transition en termes de changements nécessaires».

Il fonde sa théorie sur une évidence selon laquelle «il existe divers facteurs déclenchant, dont la révolution n’est pas le seul. On peut envisager des moyens plus pacifiques de modifier la constitution. Il est important de différencier l’ordre constitutionnel de la transition constitutionnelle et démocratique. Prenons l’exemple de la constitution française, avec le passage de celle de 1946 à celle de 1958 ».

RATIONALISER LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS

Intervenant lors de ce débat, le professeur Camille Ngoma est revenu la nécessité de réviser certaines dispositions de la Constitution pour rationaliser le fonctionnement des institutions et moraliser la vie publique en RDC. Il estime qu’ «un engagement ferme des dirigeants à rendre des comptes et à respecter leurs engagements envers la population est essentiel pour cette moralisation». Et d’ajouter : «Cette démarche vise à améliorer les processus administratifs tout en promouvant des valeurs éthiques et transparentes au sein des structures de gouvernance».

Il y a lieu de préciser que cette conférence-débat a également fait l’objet d’un échange interactif, suscitant un vif intérêt de part et d’autre.

Que retenir finalement de ces discussions ? Le plus important est que les uns et les autres ont exprimé l’urgence de concevoir une Constitution qui soit «véritablement évolutive» qui concilie de manière harmonieuse les aspirations légitimes des citoyens, tout en répondant efficacement aux défis significatifs qui se posent à la République Démocratique du Congo.

Econews (Benny Lutaladio)