Que reste-t-il encore au droit quand on l’enseigne sans devoir le défendre ? Quel honneur y a-t-il à se prétendre professeur de droit à l’université lorsqu’il y a un grand fossé entre ce que vous enseignez et les actes que vous posez dans la pratique ? Pendant la 2ème République, on a connu cette polémique lors de la Conférence nationale souveraine qui a pratiquement mis en déroute certains pseudo-professeurs de droit constitutionnelle. Et comme l’histoire devait se répéter, on assiste, depuis un temps, à une négation de droit autour de l’affaire Bukanga-Lonzo, depuis la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire congolais.
Plombé dans une logique politique qui l’éloigne du droit qu’ils sont censés défendre, les neuf juges constitutionnels ont commis l’irréparable en reniant leur arrêt – leur propre arrêt – du 15 novembre 2021 dans l’affaire Bukanga-Lonzo qui met en cause l’ancien Premier ministre, Matata Ponyo Mapon.
Entre le 15 novembre 2021 et le 18 novembre 2022, la Cour constitutionnelle a inventé son droit. Ce que le professeur émérite Auguste Mampuya appelle « magie et prestidigitation tenant lieu de droit ». C’est le monde à l’envers, dirait-on.
Que dire ce des enseignants de droit qui siègent à la Cour constitutionnelle ? N’ont-ils pas vu ces égarements se commettre sous leurs yeux ? Qu’ont-ils fait pour empêcher le juge-président Dieudonné Kamuleta d’assener un coup fatal au droit qu’ils enseignent ? Rien du tout. Ils ont préféré se taire, laissant la forfaiture s’installer à la plus haute Cour de la RDC.
Pour s’être tus, des anciens étudiants en droit les ont désavoués. Selon ce groupe d’anciens étudiants, qui ont fait une déclaration dont une copie est parvenue à Econews, trois enseignants à la faculté de droit de l’Université de Kinshasa, par ailleurs juges à la Cour constitutionnelle, à savoir Jean-Pierre Mavungu, François Bokona Wipa et Sylvain Lumu Mbaya, ne méritent plus d’enseigner à l’Université de Kinshasa « pour leur implication totale dans cet imbroglio juridique susceptible de dérouter les apprenants en droit». «Nous, soussignés, demandons que ces trois professeurs à la faculté de droit de notre Université, soient déchus de leur qualité », écrivent ces anciens étudiants en droit.
Décidément, l’affaire Bukanga-Lonzo est loin de se dénouer.
Finalement, la Cour constitutionnelle, sous Dieudonné Kalumeta, qui a juré de livrer Matata Ponyo à la justice, s’est tiré une balle dans les pieds. Si bien qu’aujourd’hui, tous les praticiens du droit fustigent les graves dérives d’une haute Cour qui ne rassurent plus.
Quand on sait que la Cour constitutionnelle est le juge par excellence de la présidentielle et des législatives nationales, il y a de quoi exprimer des craintes pour les élections générales du 20 décembre 2023.
Econews