Malgré tous les appels à la primauté du droit contre la politique, la Cour de cassation a ouvert, le lundi 13 juin 2022, le procès Matata, avant de le renvoyer au 11 juillet. Dans le box des accusés, seuls Patrice Kitebi et le Sud-africain, Christo Grobler, directeur d’Africom, société gestionnaire du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, étaient là. L’ancien Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, en séjour aux Etats-Unis, était le grand absent. A la Cour de cassation, le sort de Matata serait-il déjà lié ? Certains critiques n’écartent pas cette hypothèse qui se reflète, soutiennent-ils, à travers une composition monocolore de la Cour. Ils s’appuient sur la forte pression sur la Cour de cassation exercée par Mme la ministre d’Etat de la Justice. Plus qu’une affaire judiciaire, le procès Matata est avant tout un procès politique où la Constitution et les lois de la République sont mises en veilleuse.
Il y a des choses incroyables pour lesquelles, il faut de la retenue, de la sagesse, de la tempérance et du pragmatisme. La composition du tribunal appelé à juger l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon à la Cour constitutionnelle fait penser à l’administration d’une justice ayant d’autres motivations loin du droit et de la Justice. Une composition monocolore qui a reçu certainement une mission précise de condamner par tous les moyens cet ancien Premier ministre de la République dans cette fameuse affaire Bukanga-Lonzo.
«Ces juges sont tous des juristes respectables. C’est un premier trait commun. Un autre est qu’ils sont en majorité d’une zone géographique », fait constater une activiste congolaise. Déjà, le convoquer pour être jugé est une entorse sérieuse au droit parce que, la Constitution le protège. Comme ancien Premier ministre, il ne peut pas être juger pour des actes posés pendant son mandat.
A ce sujet, un jugement de la plus haute instance judiciaire du pays existe. La Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente pour juger un ancien Premier ministre qui n’est plus en fonction. C’est ce que prévoit la loi. Le cadre légal ne prévoit pas des dispositions appropriées pour ce cas de figure.
«Ça sent mauvais !»
La composition ainsi désignée a donc la mission de créer cette nouvelle jurisprudence dans le pays. Les juges vont-ils se comporter en kamikaze commis à un service commandé au détriment du bon droit ? Les appréhensions ont apparu lorsque l’extrait de rôle a été affiché. La composition du tribunal a « une coloration » se désole un juriste chevronné congolais.
«Ça sent mauvais », enchaîne un autre juriste habitué des couloirs du palais de justice. Qu’est-ce qui est reproché donc à cette composition qui est appelée à juger l’affaire Matata Ponyo Mapon dans le cadre du projet du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo ? Personne n’ose l’aborder publiquement.
L’un de ceux qui s’opposent à ce procès dans les conditions actuelles a déclaré: «Au nom de la pudeur républicaine, je ne souhaite pas donner dans les médias, les raisons qui nous poussent à ne pas accepter ce tribunal. Ca saute aux yeux qu’il y a quelque chose de louche à la simple lecture des noms des juges désignés ».
En un mot, l’acharnement contre Matata Ponyo se passe à découvert, estime un acteur politique, ancien ministre FCC. Toutes les précautions sont bonnes à prendre afin de s’assurer qu’il ira en prison. « Ce n’est pas la justice. C’est de l’acharnement pur et simple », conclut-il.
Me Laurent Onyemba assure que son client n’est pas en fuite
En séjour aux Etats-Unis, Matata n’était pas présent à l’audience du 13 juin 2022. L’un de ses avocat, Me Laurent Onyemba, écarte tout projet de se soustraire à la Justice, contrairement à une certaine rumeur répandue dans la ville.
«En matière pénale, pour certaines préventions, la présence physique est exigée. Ça c’est la loi. Mais avant justement d’aborder la question de la présence physique, il y un préalable. Matata doit être atteint. Ça veut dire qu’il faut que l’exploit lui ait été régulièrement déposé chez lui à la maison. Mais attendons justement qu’il soit régulièrement atteint puis nous allons en venir quant aux préalables, parce qu’il n’entend pas se soustraire ».
Il estime cependant qu’il y a eu vice de procédure au moment où la Cour constitutionnelle s’est déclarée, en novembre dernier, «incompétente » à traiter ce dossier.
«Nous sommes scandalisés de voir que le dossier était au niveau du Parquet général près la Cour constitutionnelle qui a été dessaisi, en envoyant le dossier au niveau de la Cour constitutionnelle. Et, celle-ci s’est prononcée incompétente et le dossier est devenu le dossier du greffe. Quel a été notre étonnement de constater que le dossier réapparait à la Cour de cassation, sans que M. Matata ait été entendu au niveau du Parquet général près la Cour de cassation », s’est plaint Me Laurent Onyemba.
La procédure lancée devant la Cour de cassation a-t-elle la chance d’aboutir ? En mai dernier, dans une conférence de presse à Kinshasa, Me Raphael Nyabirungu, membre du collectif de défense de Matata, avait déjà prédit que « toute action judiciaire initiée par le ministère public près la Cour de cassation contre le sénateur Augustin Matata ne pourrait pas prospérer, sinon ce serait l’excès de pouvoir ».
Rendez-vous le 11 juillet prochain pour la première confrontation entre la Cour et les avocats de Matata.
Econews