Des troupes ougandaises sur le sol congolais : Félix Tshisekedi en position délicate

C’est Radio France Internationale (RFI) qui a été la première à l’annoncer sur ses antennes. Sur ordre du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, des troupes de l’Armée ougandaise ont été autorisées à franchir les frontières de la République Démocratique du Congo pour organiser, aux côtés des Forces armées de la RDC (FARDC) , la traque des rebelles ougandais des ADF. La dernière attaque terroriste de Kampala, revendiquée par les ADF, a finalement poussé l’Ouganda à s’attaquer au mal par ses racines, disséminées dans la partie Est de la RDC. Comme il fallait s’y attendre, cette annonce a créé un tollé général dans l’opinion. Certains crient déjà à la trahison du Chef de l’Etat pour avoir signé un pacte avec le diable, l’Ouganda, après toutes les exactions commises par ses troupes durant ces vingt dernières années. C’est dans une position délicate que Tshisekedi doit négocier ce dossier. Une vraie patate chaude.

En autorisant les troupes ougandaises à venir traquer les ADF sur le sol congolais, le Président Félix Tshisekedi se met à dos une opinion publique congolaise qui n’a jamais oublié le rôle de ce pays dans la déstabilisation de la République démocratique du Congo dans sa partie orientale depuis l’aventure AFDL.

Le risque pris par le Président de la République est tel que si l’opération ne produit pas des résultats escomptés, il perdra à coup sûr du crédit dans l’opinion congolaise qui le jugera très sévèrement.

Pour les Congolais, l’Armée ougandaise, comme celle rwandaise, sont des bourreaux du peuple congolais qui a perdu plusieurs millions d’âmes à cause de leurs aventures dans les frontières congolaises.

Pour les Congolais, les deux pays sont des prédateurs qui ne peuvent pas se transformer en sapeur-pompier dans la mesure où, ils finiront par revenir sur leurs vieilles habitudes de piller les ressources naturelles congolaises au lieu d’aider réellement le pays à résoudre ses multiples problèmes.

Le dilemme

Félix Tshisekedi s’est ainsi mis la corde au cou dans la mesure où les Congolais le prendront pour un traître à la nation si cette armée étrangère se livre aux exactions contre les civils comme dans le passé.

Ce risque est mesuré pour cette fois-ci parce que le président Museveni sait que le moindre dérapage pourrait intéresser la communauté internationale qui l’attend toujours au tournant pour n’avoir pas encore payé les 10 milliards de dollars américains au titre de dédommagement de la RDC. Museveni sait aussi que la communauté internationale ne va pas lui pardonner pour toute tentative de rester au-delà du temps prévu sur le sol congolais.

En se mettant en position délicate sur ce sujet, le Chef de l’Etat sait que son mandat est mis en jeu et sa réélection dépendra du succès de cette opération militaire qui vient quasiment à la rescousse de l’état de siège qui n’a pas permis de mettre un terme aux massacres dans le Nord-Kivu et en Ituri, malgré la prise de la direction de ces deux provinces par des officiers des FARDC et de la Police nationale congolaise. Chaque jour, des Congolais sont tués de manière violente par des groupes armés. Tshisekedi est averti, qu’en prenant cette décision, il sera jugé très sévèrement.

Comme il fallait s’y attendre, la décision du Chef de l’Etat passe difficilement dans l’opinion. Parmi les critiques les plus acerbes congres cette option, il y a notamment celles du Nobel de la paix, Dr Denis Mukwege.

Dans un tweet ravageur, le Nobel n’est pas allé par le dos de la cuillère : «Après 25ans de crimes de masse et pillage de nos ressources par nos voisins, l’autorisation du Président à l’UPDF (ndlr : Armée ougandaise) et les accords de coopération militaire avec RDF (ndlr : Armée rwandaise) sont inacceptables. Non aux pyromanes/pompiers! Les mêmes erreurs produiront les mêmes effets tragiques. Debout Congolais, Nation en danger! »

Econews