Entre le Président de la République, Félix Tshisekedi, et Moïse Katumbi, leader d’Ensemble pour la République, les rapports n’étaient plus au beau fixe depuis quelque temps. Les deux hommes ne se côtoyaient presque plus. Le divorce était donc consommé. Mais, de part et d’autre, l’on continuait à s’observer, en attendant que l’un franchisse le Rubicon. Samedi dernier, Katumbi l’a fait. Entre lui et Tshisekedi, la page est définitivement tournée. C’est en adversaire politique que Katumbi se présente désormais face au Président Félix Tshisekedi. Comme en 2015 lorsqu’il a décidé de tourner le dos à Kabila, Katumbi rejoue, sept ans après, le même coup à Tshisekedi. Pour l’instant, le Chef de l’Etat peut encore compter sur Jean-Pierre Bemba du MLC qui lui reste encore fidèle. Mais, Vital Kamerhe, aphone depuis un temps, reste incertain dans le cercle de soutien à Tshisekedi.
Enfin, Moïse Katumbi a pris le devant en rompant, le plus officiellement du monde, avec le Président Félix Tshisekedi, le même à qui il avait donné les béquilles fin 2020 pour s’affranchir du FCC de Joseph Kabila.
«Chassez le naturel, il revient au galop», dit-on. C’est le moins que l’on puisse dire avec le nouveau divorce entre Tshisekedi et Katumbi, après le premier acte qui s’est joué en novembre 2019 à Genval, en Suisse.
C’est sur le plateau de France 24 que Katumbi a décidé de prendre samedi ses distances avec Tshisekedi, annonçant, par la même occasion, sa candidature à la présidentielle du 20 décembre 2023.
Le chairman d’Ensemble pour la République motive sa décision en ces termes : «La situation est chaotique, je dois sauver un peuple en danger, Je serai candidat à l’élection présidentielle de 2023. Bye bye à l’Union Sacrée de Félix Tshisekedi».
L’histoire se répète
Comme en 2015, Moïse Katumbi s’est rabattu sur une stratégie qu’il maîtrise bien, mais qui, reconnaissons-le, n’a jamais joué en sa faveur.
On se rappelle qu’en 2015, une année avant les élections initialement prévues en 2016 sous la présidence de Joseph Kabila, Katumbi avait décidé de prendre ses distances avec le PPRD en faisant recours à cette métaphore de «3ème faux pénalty ». La suite lui a été fatale, condamnée à l’exil et empêché de se présenter à la présidentielle de décembre 2018. Bref, Katumbi avait perdu sur tous les tableaux. Son soutien politique à Martin Fayulu, candidat unique de l’opposition, n’a pas non plus été payant
Comme si l’histoire devait se rabattre, revoilà Katumbi revenir avec la même stratégie pour se positionner à la prochaine présidentielle de 2023.
Il refait à Tshisekedi ce qu’il avait fait auparavant à Joseph Kabila, c’est-à-dire déclarer le divorce et se déclarer candidat président de la République. A l’époque, Kabila lui a fermé les portes du Palais de la nation en multipliant des procès contre lui, jusqu’à le contraindre à l’exil.
Avec Tshisekedi, on risque de revivre le même scenario. D’ores et déjà, Moïse Katumbi est en ballottage défavorable dans le procès qui l’oppose au Français Beveraggi, visiblement soutenu dans ce duel par le pouvoir en place à Kinshasa.
C’est dire que Katumbi doit se préparer à vivre une période troublée où des flèches empoisonnées lui seront lancées pour l’affaiblir davantage. En cette matière, Tshisekedi a une meilleure longueur d’avance.
Le sort des ministres « Ensemble pour la République »
Katumbi parti, on s’interroge maintenant sur le sport des ministres «Ensemble pour la République». Si certains, à l’instar de Christophe Lutundula, VPM des Affaires étrangères, Muhindo Nzangi de l’ESU et Modeste Mutinga des Affaires sociales ont déjà tourné le dos à «l’homme de Kashobwe», il y a des indécis tels que Christian Mwando du Plan et Chérubin Okende des Transports qui lui vouent encore une certaine allégeance. Pour combien de temps encore ? C’est tout le problème.
Maintenant que la rupture est officielle, certains au sein de la famille politique de Félix Tshisekedi relativisent.
«Nous savions qu’il n’était plus avec nous. Nous nous sommes préparés en conséquence», note un cadre de l’UDPS, cité par RFI. D’autres se montrent plus réservés et disent redouter l’éventualité de nouvelles alliances, étant donné que les rangs de l’opposition se gonflent.
Du côté de Moïse Katumbi, ce n’est pas non plus la sérénité totale actuellement. Certains de ses proches n’excluent pas que des tracasseries politiques, judiciaires et fiscales s’abattent sur leur leader. Moïse Katumbi a par exemple accusé cette semaine l’Agence nationale de renseignements (ANR) d’avoir refusé une autorisation de survol à son avion.
De plus, l’ancien gouverneur doit faire face au départ probable de certains ministres et députés de son camp qui ne sont pas prêts à abandonner leurs postes au gouvernement ou leurs sièges au Parlement. Ce que Moïse Katumbi relativise, étant donné que la législature arrive à son terme et les chambres du Parlement vont être renouvelées.
Le divorce aura certainement des conséquences sur le jeu politique au sein de l’Union sacrée de la nation. Le plus évident est que Katumbi vient d’allonger la liste des déçus de l’Union sacrée. Il rejoint Jean-Marc Kabund et, peut-être, Vital Kamerhe de l’UNC, de plus en plus aphone depuis un temps.
Kamerhe incertain, Bemba, le rescapé
Avec le départ de Moïse Katumbi, Le Président de la République voit la liste de ses alliés se réduire drastiquement. Ils ne sont plus nombreux, ceux qui sont venus, fin 2020, au secours de Félix Tshisekedi pour l’aider à s’affranchir du FCC de Joseph Kabila. Pour l’instant, Félix Tshisekedi peut encore compter sur Jean-Pierre Bemba du MLC et Modeste Bahati Lukwebo de l’AFDC-A. Mais, il y a cependant une grande inconnue autour du soutien de Vital Kamerhe de l’UNC (Union pour la nation congolaise).
Allié de première heure de Félix Tshisekedi, au lendemain du divorce avec les signataires de l’accord de Genval (Suisse, novembre 2018), Vital Kamerhe reste toujours lié à Félix Tshisekedi par l’accord de Nairobi. On se rappelle que l’accord de Nairobi prévoit à ce que Félix Tshisekedi retourne l’ascenseur à Vital Kamerhe en soutenant sa candidature à la présidentielle de 2023. Malheureusement à l’UDPS, on ne se sent plus lier par l’accord de Nairobi. A l’UNC, les avis sont toit autant partagés.
Réagissant à la candidature de Moïse Katumbi, Jean-Baudouin Mayo cadre de l’UNC, a appelé son parti à apporter son appui à Tshisekedi à la présidentielle de 2023 et à ne pas s’accrocher à l’accord de Nairobi. Quant à Kamerhe, leader de l’UNC, l’homme se montre de plus en plus aphone, totalement en écart de la scène politique.
Quoi qu’on dise, le départ de Katumbi de l’Union sacrée de nation aura des conséquences. De quelle ampleur ? Difficile à dire. Le plus évident est qu’avant la fin de cette année, le Chef de l’Etat va procéder à un profond réajustement de sa stratégie politique – la présidentielle de 2023 étant en jeu.
Econews