Entre Kinshasa et Kigali, le divorce est total. Loin du terrain opérationnel du territoire de Rutshuru où les troupes loyalistes se battent contre les terroristes de M23, armés et soutenus par le Rwanda, la bataille est tout aussi médiatique. Après avoir sérieusement sermonné Kinshasa, devant les parlementaires rwandais réunis à Kigali, la réplique du Président de la République, Félix Tshisekedi, n’a pas tardé. Recevant samedi une délégation de jeunes, réunis précédemment au Palais du peuple, Félix Tshisekedi a tiré à bout portant sur le président rwandais qu’il juge « rétrograde », usant des méthodes qui ne s’inscrivent pas dans le schéma de développement de l’Afrique.
Dans la crise qui oppose la République Démocratique du Congo au Rwanda, la diplomatie a visiblement montré ses limites. A peine signé, le consensus de Luanda, qui imposait un cessez-le-feu immédiat, suivi d’un retrait inconditionnel des terroristes de M23 des zones occupées, a volé en éclats, laissant la logique militaire prendre le dessus. Et une guerre, c’est aussi par les médias.
Le premier à avoir dégainé est le président rwandais Paul Kagame, parrain incontestable de M23, lors d’une rencontre à Kigali avec des parlementaires rwandais. Devant les élus rwandais, Paul Kagame a agi à découvert, confirmant tout son appui aux terroristes de M23 qu’il juge légitime pour, selon lui, la sécurité de son pays. Par la même occasion, l’homme fort de Kigali a traité de tous les maux le régime en place à Kinshasa.
Preuve que le Président de la République, Félix Tshisekedi, ne veut plus laisser de l’espace au président rwandais, sa réplique n’a pas tardé.
C’est en recevant, le samedi 3 décembre 2022 à la cité de l’Union africaine, 250 délégués des jeunes de 26 provinces de la RDC, venus prendre part, le 30 novembre 2022 à Kinshasa, à une rencontre organisée par le Conseil national de la jeunesse que le Chef de l’Etat s’est chargé de recadrer le président Paul Kagame.
Tirs croisés sur Kagame
Alors qu’une certaine opinion internationale fait état de l’expansion de la rwandophobie en RDC, le Président de la République a tenu à lever certaines équivoques.
«Ne faites pas ça. Ne haïssez pas les étrangers. Et d’ailleurs à propos du Rwanda, ça ne sert à rien de regarder le Rwandais comme un ennemi, non. C’est le régime rwandais, avec Paul Kagame à sa tête, qui est l’ennemi de la République Démocratique du Congo. Les Rwandais et les Rwandaises sont nos frères et sœurs. Et d’ailleurs, ils ont besoin de notre aide parce qu’ils sont muselés, ils ont besoin de notre aide pour se libérer », a d’emblée lancé le Président de la République. Et de poursuivre : «Ça n’a rien à voir avec ce que leurs dirigeants sont en train de leur imposer, donc ne les regardez pas comme des ennemis mais comme des frères qui ont besoin de notre solidarité pour nous débarrasser et débarrasser l’Afrique de ce genre de dirigeants rétrogrades qui ramènent les méthodes des années 60, les années 70, alors qu’en Afrique, on avait décidé de mettre fin au bruit des armes ».
De l’avis de Félix Tshise-kedi, le président rwandais est en déphasage avec le vent de renouveau qui souffle en Afrique. « Si vous vous rappelez, ceux qui suivent un peu, c’était 2020, il fallait taire les armes en Afrique pour que l’Afrique passe à autre chose. Comprenez que l’Afrique est la dernière de la classe dans le monde parce que justement à cause des guerres et des divisions. Nous nous étions entendus comme ça. Malheureusement, ce n’est pas arrivé. On a dû encore prolonger, mais c’est un peu justement à cause des dirigeants tels que Paul Kagame. Et il s’enorgueillit d’être un faiseur de guerres, un spécialiste dans la guerre, il en est fier. Moi à sa place, je me cacherai, j’aurais honte d’assumer le fait qu’on sème la mort et la désolation. C’est honteux et je dirais même diabolique», a lancé Félix Tshisekedi.
Bien avant le Président Félix Tshisekedi, c’est le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya, qui avait remis à sa place le président rwandais, lors d’une rencontre avec la presse.
«Je pense que le président Kagame n’a pas qualité pour faire un quelconque commentaire sur ce qui concerne les élections », avait déclaré le porte-parole du Gouvernement, avant d’enfoncer le clou : « Est-ce que la liberté d’expression existe au Rwanda? «Est-ce qu’une liberté de manifestation existe au Rwanda? Non. Il vaut mieux d’abord qu’il regarde chez lui (…) si lui il est en mesure de supporter une quelconque opposition à sa pensée unique (…). Pour tout ce qui concerne la démocratie, mondialement il est le dernier sur la liste ».
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