IMG 20251007 WA0095

France : la démission de Sébastien Lecornu aggrave la crise politique

Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a présenté sa démission à Emmanuel Macron, lundi 6 octobre au matin, seulement quelques heures après l’annonce de la composition de son gouvernement. Une déflagration. Le Rassemblement national (RN) exige la dissolution de l’Assemblée nationale ou la démission du chef de l’État, la France insoumise (LFI) veut obtenir sa destitution. Emmanuel Macron, qui concentre l’essentiel des critiques, a le dos au mur. 

« On ne peut pas être Premier ministre quand les conditions ne sont pas remplies. Depuis trois semaines, j’ai essayé […], mais en ce lundi matin, les conditions n’étaient plus réunies », a commenté le Premier ministre démissionnaire depuis la cour de l’hôtel Matignon.

Au cours d’une allocution de quelques minutes, il a cité les « trois raisons » qui l’ont poussé à démissionner, arguant d’abord que les formations politiques « ont fait mine parfois de ne pas voir le changement, la rupture profonde que représentait le fait de ne pas se servir de l’article 49.3 de la Constitution, et ajoutant que « les partis continuent d’adopter une posture comme s’ils avaient tous la majorité absolue à l’Assemblée nationale » et que « la composition du gouvernement au sein du socle commun n’a pas été fluide. Elle a donné lieu au réveil de quelques appétits partisans, parfois non sans lien […] avec la future élection présidentielle.

DÉSORDRE INÉDIT

Sébastien Lecornu a mis 26 jours à préparer son équipe, avant de démissionner le lendemain, sans jamais la réunir. Une première sous la Ve République ! Ainsi tombe un gouvernement qui n’a tenu aucune réunion ni présenté le moindre programme au Parlement. Cette équipe, composée des derniers macronistes accrochés « au radeau de la Méduse », n’a laissé entrevoir aucune rupture, que les Français attendent.

Ce coup de théâtre n’a rien de soudain : le ciel n’a jamais été clair, et la France reste dans le brouillard, et la crise politique s’aggrave de manière dramatique. La démission de Sébastien Lecornu cause un désordre encore jamais vu depuis les débuts de la Ve République en 1958.

À l’origine du chaos, l’arrivée de Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie et des Finances, responsable de la politique budgétaire des dernières années, au ministère des Armées. Une « double rupture de confiance » pour le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, à qui  Sébastien Lecornu aurait promis de ne pas nommer Bruno Le Maire. Un affront d’autant plus important pour le chef des Républicains (LR), qu’il avait réussi à maintenir au gouvernement, malgré l’opposition d’une partie de son camp.

LE PREMIER MINISTRE LE PLUS ÉPHÉMÈRE DE LA Ve RÉPUBLIQUE

Cette démission est une surprise et a pris tout le monde de court. Sébastien Lecornu est devenu, avec vingt-sept jours à Matignon, le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République. Entre dimanche soir et lundi matin, son gouvernement est resté en fonction 836 minutes. Un record depuis plus d’un siècle.

Ce nouveau coup de tonnerre dans la crise politique française ouvre la voie à différents scénarios, notamment la tenue d’élections anticipées. Le RN exige la dissolution de l’Assemblée nationale ou la démission du chef de l’État, la LFI veut obtenir sa destitution. Voire dans son camp, le socle commun, l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, lui demande « l’organisation d’une élection présidentielle anticipée ». Jusqu’ici, Emmanuel Macron a toujours refusé de le faire : « J’exercerai pleinement mon mandat jusqu’à son terme », a-t-il souvent affirmé. Mais désormais, il lui reste encore d’autres choix ? Une situation politique complexe pour le chef de l’État et son camp.

La démission de Sébastien Lecornu, moins d’un mois après sa nomination et moins de vingt-quatre heures après la nomination de son gouvernement, est une humiliation pour lui, pour la France et pour Emmanuel Macron. La côte de popularité historiquement basse du chef de l’État, à 16%, selon les derniers sondages, est édifiante ! Celui que l’on ne voit plus qu’à la télévision en train de pontifier devant les Nations unies paie le prix de sa politique, qui a miné le pays dans un authentique bourbier. Emmanuel Macron a détruit et démoralisé le pays de multiples façons durant ses années à l’Élysée. Mais comme il est aussi inflexible, il est incapable d’admettre ses erreurs. La France est à l’agonie et ses souffrances ne feront que s’empirer. Il est donc nécessaire d’opérer une véritable rupture.

Devenu le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République, le successeur de François Bayrou a pourtant avancé diverses formules gouvernementales. Mais ces semaines de négociations se sont révélées être d’inutiles marchandages. Critiqué de toutes parts, notamment par les Républicains (LR) dans la foulée de la nomination de son gouvernement, dimanche 5 octobre, Lecornu a préféré démissionner, purement et simplement. Mais ce faisant, la crise politique la plus grave de l’histoire de la Ve République s’aggrave encore et plonge la France dans l’incertitude.

SYSTÈME DÉPASSÉ ET CULTURE POLITIQUE DÉMODÉE

Cela fait plus d’un an que la France est bloquée politiquement et que le président de la République est désigné comme le principal coupable. C’est le grand leurre de la Ve République.

La France a deux problèmes : la Ve République – qui en fait un système bien plus monarchique que la plupart des autres pays d’Europe – et son incapacité à faire des compromis.

La solution à la crise serait que plusieurs partis s’accordent pour former une coalition, en faisant des compromis autour d’un programme. Mais dans la monarchie républicaine qu’est la France, pas question de laisser des partis s’accorder pour former une coalition : seul le président est considéré comme légitime jusqu’à ce qu’on décide de lui couper la tête (ce qui, de nos jours, ne se fait plus que de façon figurée, heureusement). Cette situation sans issue est la conséquence d’un système dépassé et d’une culture politique démodée.

QUEL AVENIR POUR LE BUDGET 2026 ?

Avec la chute du gouvernement Bayrou, le budget 2026 est de ce fait rejeté. Et le Premier ministre démissionnaire, Sébastien Lecornu, qui n’a pu réunir son gouvernement et présenter au Parlement un nouveau budget, pourra déposer un projet de loi spécial, pour reconduire le budget 2025 en 2026, en attendant que soit voté un nouveau budget. Cette disposition permet la continuité des dépenses et des recettes de l’État.

Mais si jamais ce projet de loi devait être rejeté, alors la France connaîtrait une période inédite et risquerait le « Shutdown », du nom de cette impasse budgétaire qui fait régulièrement parler d’elle aux Etats-Unis. La situation serait bloquée et l’État se retrouverait sans budget. Emmanuel Macron pourrait alors utiliser les pouvoirs exceptionnels conférés par l’article 16 de la Constitution, ce qui lui permettrait de prendre des décisions budgétaires sans passer par le Parlement. Une solution extrême et très peu probable, qui consisterait à mettre en pause le fonctionnement démocratique de la France.

Évidemment, cela se passerait ainsi si la crise politique n’est pas débloquée, soit par une dissolution de l’Assemblée nationale, une démission d’Emmanuel Macron, voire sa destitution, comme l’exigent certains leaders politiques. Un appel qui prend de l’ampleur.

Robert Kongo (CP)

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *