Le coach normand a pris la température de Lubumbashi, goûté à la sauce de la Division Ligue 1 de la Linafoot (Ligue nationale de football) et humé l’ambiance autour du club. A quelques jours de l’entrée en compétition de TP Mazembe dans la Ligue des Champions de la CAF (Confédération africaine de football), Franck Dumas a dévoilé ses méthodes et ses ambitions en rejoignant le club cher à Moïse Katumbi. Interview reprise sur le site de TP Mazembe.
Arsène Wenger qui vous a dirigé à Monaco dit que vous étiez un joueur intelligent. Quelle est votre réaction ?
J’ai joué comme défenseur central et à ce poste j’avais la chance de voir le jeu devant moi. Voir le jeu ça ne suffit pas pour être intelligent, certes, car il faut savoir aussi diriger, par exemple parler au latéral (lui dire s’il est haut ou bas) dire aux milieux de terrain s’ils sont trop reculés et le repousser, etc.). Donc vous avez le devoir, en tant que dernier joueur qui a la vision sur tous vos coéquipiers, de conseiller et d’orienter votre équipe; c’était mon rôle.
Un joueur intelligent est celui qui évite les difficultés. Il doit jouer simple, car si on ne le fait pas on tombe dans la difficulté. Avant de te mettre en difficulté, fait simplement les choses sur tes relances et tes interventions. C’est ce que je ne cesse de dire à mes joueurs, s’ils n’ont pas la possibilité de jouer vers l’avant, ils doivent revenir derrière, sur le gardien, et on recommence. Ce n’est pas parce qu’un joueur a bougé qu’il faut lui donner le ballon. Il a bougé c’est bien, ce n’est peut-être pas la solution. C’est ça l’intelligence. L’intelligence, c’est aussi de faire le bon choix au bon moment.
Le défenseur est premier relanceur, s’il n’a pas le calme et la sérénité ça va être compliqué pour l’équipe. Avec le gardien, les défenseurs sont ceux qui touchent beaucoup de ballons dans un match. Imaginez que ces joueurs ratent trois ballons sur quatre ? En général, un défenseur central doit avoir une aisance technique et un calme qui transpire sur tous ses partenaires. Vous êtes attaquant, soyez tranquille : en ayant des mecs solides derrière et calmes, je sais que le ballon va arriver. C’est une sérénité qui doit être amplifiée par ligne jusqu’aux attaquants.
L’avantage pour un entraîneur est de constater la progression de ses joueurs d’un point de vue physique, technique ou tactique. Je reviens au potentiel : lorsque vous avez des joueurs bruts, il faut les tailler comme des diamants, ça prend un peu de temps. Par rapport à l’effectif que j’ai, il y a de bonnes surprises sur quelques joueurs, ils arrivent à comprendre et trouver des solutions très vite, il y en a d’autres qui demandent un peu plus de temps. Alors on demande aux supporteurs un peu plus de patience.
Si vous deviez faire le portrait du coach Dumas que diriez-vous de lui ?
Je suis Normand, un Viking, je n’ai peur de rien (long sourire). Je fais un métier où on doit avoir deux personnalités : un côté professionnel et un autre personnel. Je ne suis pas forcément en tant qu’entraîneur ce que je suis dans la vie. Je suis plus calme dans la vie, docile et peut-être plus sympa mais mon métier me contraint à mener une équipe à un but précis. Pour avancer il ne faut pas que les gens nous ralentissent, nous mettent des bâtons dans les roues. Parlant des gens, ça peut être n’importe qui, je cite par exemple les joueurs qui n’aiment pas travailler, qui sont fainéants, qui ne comprennent pas et on continue à les trainer avec nous. A un moment donné quand c’est trop long je lâche pour que l’équipe avance. Voilà le métier d’un entraîneur.
Je suis dans le social aussi. Avec 25 joueurs par exemple, tu as 25 caractères différents. Certains, il faut leur parler tranquillement parce qu’ils peuvent être vexés, les autres il faut leur rentrer dedans; ça marche comme ça. Tout ça, c’est un mélange et une aventure humaine exceptionnelle. J’apprécie et partage autant les bons et les mauvais moments parce qu’on apprend plus dans la défaite que dans la victoire. C’est une vérité de La Palice.
Il y a une chose que je déteste : la défaite. Joueur, je ne supportais pas d’être battu même aux entraînements. Je n’ai jamais connu un match hier comme joueur et aujourd’hui comme entraîneur. En jouant, l’objectif est de rendre une rencontre facile. A nous d’être intelligents ambitieux et humbles. Le TPM est représenté par les joueurs et non par son histoire. Il faut que nos joueurs le comprennent. On peut aussi penser que certains ont le maillot un peu trop grand pour eux, parce que c’est le TPM. S’ils sont là c’est parce qu’il y a forcément quelque chose de positif, à nous de continuer à travailler d’abord pour le bien de ce joueur ensuite pour le bien du club.
Quel est, à ce jour, votre meilleur résultat d’entraîneur ?
J’étais au Maroc avec le Maghreb de Fès, mes trois premiers matchs c’était le WAC, le WAC et le WAC en Coupe du Trône, Championnat et enfin Coupe du Trône, on n’en a pas perdu un. A l’époque on avait éliminé le WAC avec des gamins. A la JSK ensuite, c’était beaucoup d’émotions avec de très jeunes joueurs, c’était un bonheur de les entraîner et d’entraîner aussi le club. Les Kabyles sont de très bons supporteurs. Après, il y a le titre conquis avec le CR Belouizdad et la Super Coupe d’Algérie.
Au Stade Malherbe de Caen, j’ai été champion de France de Ligue 2. J’ai du mal à ressortir un évènement, tout est différent et unique. Chaque chose a sa propre identité, j’ai eu par exemple quelque chose de fort lorsque j’étais champion de France en tant que joueur à Monaco. J’ai encore cette image, j’ai sauté sur mon lit tout seul. Je me suis dit que je n’oublierai jamais ce moment, en me regardant dans le miroir pendant cinq minutes. Je n’ai plus le même visage, j’étais plus beau à l’époque (rire). J’étais un gamin. C’est ça le football.
Je ne connais pas un joueur, encore moins de mon époque, qui a choisi ce métier pour l’argent, on ne gagnait pas grand-chose. Je vous mets au défi, ce sera la même chose cette année. On choisit ce métier pour le partage, c’est un sport collectif. On fait ce qu’on aime et on joue avec les potes.
Si on rajoute derrière la possibilité de porter un maillot qui a de l’histoire, comme celui du TPM, on a une motivation supplémentaire. Nos joueurs doivent avoir la notion de pourquoi ils portent ce maillot. Enfiler le maillot parce que ton frère ou ton grand-frère ou encore ton père supportait le TPM à l’époque; et aujourd’hui tu es professionnel, ça vaut de l’or ce maillot. C’est ce que je voudrais inculquer aux joueurs, qu’ils n’oublient pas pour qui ils se battent, tout ce que représente ce maillot. Il y a des gens qui ont souffert et sont même morts pour ce club.
Les joueurs doivent s’identifier à quelque chose, ne pas venir seulement pour jouer, être payé et repartir. Il faut que les joueurs s’imprègnent de l’histoire du club.
Quels étaient vos premiers mots en arrivant au vestiaire ?
Il y a eu quelques retards à l’entraînement au début, sur ce point j’étais vite au courant! Il y a une chose qu’un joueur salarié ne doit pas oublier. Les joueurs travaillent en moyenne, sur une semaine normale avec match c’est deux heures par jour et quatre à cinq heures pendant la préparation. Il est inadmissible d’être en retard alors que tu ne travailles que pendant deux heures! Ce n’est pas professionnel, c’est un manque de respect pour le groupe. Mon staff et moi, on fait attention à ça, on arrache par exemple les portables à 23h00 pour les rendre le lendemain matin à 8h00.
Quels sont les grands principes que vous souhaitez mettre en pratique au TPM, dans la vie du club ? Dans le jeu sur le terrain ?
Le premier principe, c’est le respect. Dans le football moderne, on travaille plusieurs systèmes, on essaie de mettre les joueurs à leurs places, savoir comment ils se comportent sur différentes organisations, que les joueurs soient eux-mêmes sur terrain, ne pas se prendre pour un autre. Travaillez, soyez honnête avec vos collègues, ayez de la personnalité et du caractère.
Avant d’avoir des joueurs, je veux des hommes. Je n’entraîne pas des enfants, je dirige des hommes et des gens responsables. Je suis toujours à la recherche du petit défaut et du petit détail. J’aime aider. Chaque joueur est différent (il y a des rapides, techniques, physiques et autres), mon travail est de montrer au joueur sa qualité première sur une situation par rapport à un adversaire ou un joueur spécifique. Comment contrer un joueur qui a telle ou telle autre qualité. Il y a plein des choses.
International ou pas, je m’en fous… Tu bosses et t’es bon, tu es titulaire. C’est ma devise. Je vais respecter le travail que font les joueurs à l’entraînement. Quand un joueur travaille bien, je vais vers lui pour parler, dans l’autre sens aussi.
Un mot pour les supporteurs qui attendent un Mazembe explosif…
Aujourd’hui, il ne suffit pas de gagner mais il faut écraser. Ce n’est pas seulement au TPM que les supporteurs sont très exigeants. Il faut être sportif pour comprendre ça. Il y a un adversaire en face de toi dans un sport qui se joue à onze. Si les onze pensent la même chose, ont le même impact, la même mentalité, la même force physique, c’est superbe.
Le football est fait d’erreurs, je ne dis pas qu’on va en faire. Nous travaillons pour que les erreurs soient minimes. On a un maillot à défendre et des supporteurs à honorer, je n’ai pas un problème là-dessus, les joueurs le savent.
Econews avec Tpmazembe.com