Le mini-sommet de Nairobi, convoqué à l’initiative du président kenyan Uhuru Kenyatta sur la situation de crise dans la partie Est de la République Démocratique du Congo (RDC), n’aura finalement été qu’une occasion pour les pays de la région des Grands Lacs, principalement le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, de contraindre Kinshasa à négocier avec tous les groupes armés qui pullulent sur son territoire. Yoweri Museveni de l’Ouganda et Paul Kagame du Rwanda ont fini par imposer leur point de vue. Quant au Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, il s’est retrouvé devant un fait accompli. Kinshasa devra donc négocier la paix dans sa partie Est avec les mêmes groupes armés qui charrient la mort dans les zones instables de l’Est. Nairobi l’a proposé et Kinshasa s’est plié. Le coup d’envoi des pourparlers directs est déjà prévu ce vendredi dans la capitale kenyane.
Dans la région des Grands Lacs, les groupes armés les plus nuisibles ne se retrouvent qu’en République Démocratique du Congo. Ainsi, quand l’Ouganda traque les rebelles de l’ADF jusque dans les zones intérieures de la République Démocratique du Congo, on considère que Kampala agit en légitime défense. De même, lorsque le Rwanda traque aussi les leurs opérant sous la casquette de FDLR, Kigali se retrouve tout aussi en situation d’auto-défense.
Mais, jamais la RDC n’a bénéficié de cette lecture des faits. Pour le cas de la RDC, chaque incursion de ces milices et groupes armés qui pullulent dans sa partie Est se termine toujours par des négociations qui l’imposent finalement l’intégration, le mixage et le brassage des anciens rebelles au sein des forces loyalistes.
Avec la résurgence des rebelles du M23, Kinshasa se retrouve encore et toujours dans la même situation : négocier avec les rebelles ou faire perpétuer la crise ?
Convié à Nairobi, au Kenya, autour d’un mini-sommet sur la situation de crise qui prévaut dans la partie Est de la RDC, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, n’a pas pu s’échapper du piège lui tendu par le Rwandais Paul Kagame et l’Ougandais Yoweri Museveni. Quoi qu’absent de la rencontre, Paul Kagame est parvenu à imposer sa solution de crise, parfaitement exécutée par l’Ougandais Museveni, avec l’accompagnement du Kenyan Uhuru Kenyatta.
Victime expiatoire
Que dire de Félix Tshisekedi ? Seul contre tous, le Président de la République a capitulé, cédant à la pression de Museveni et Kagame qui l’ont poussé, sans autre alternative, à négocier pas seulement avec le seul M23, mais avec tous les groupes armés qui opèrent sur le sol congolais. Il faut reconnaître que le challenge est trop relevé.
Dans son compte twitter, le porte-parole adjoint du Chef de l’Etat se félicite – par ironie certainement – de l’issue des discussions de Nairobi.
«A l’issue du sommet, il a été décidé d’un Dialogue consultatif entre le Président Félix Tshisekedi et les représentants des groupes armés locaux en RDC ce vendredi 22 avril à Nairobi avec appui logistique du président Uhuru Kenyata », écrit-il sur son compte twitter.
En termes plus simples, Félix Tshisekedi est allé en victime expiatoire à Nairobi. Pour autant que le sommet a obligé la RDC à négocier avec tous les groupes armés, sans exercer la même pression sur le Rwanda, encore moins l’Ouganda vis-à-vis de ses rebelles disséminés dans la région des Grands Lacs. Une politique de deux poids, deux mesures qui traduit la compromission du mini-sommet de Nairobi.
D’ores et déjà, un dialogue consultatif, sous l’égide du président kenyan, est prévu ce vendredi 22 avril 2022, sur place à Nairobi, entre Félix Tshisekedi et la nébuleuse des groupes armés présents en RDC. Le président Kenyatta s’est engagé à fournir le soutien logistique nécessaire.
C’est tout de même curieux que tous les représentants des groupes armés, dont deux du M23, avaient fait le déplacement au même moment que Félix Tshisekedi. C’est dire que le plan était bien tracé. Comme dans un traquenard, Félix Tshisekedi s’est retrouvé coincé de toutes parts.
Mais, c’est mal le connaître, tempère-t-on dans certains milieux. « C’est lorsqu’il semble être en mauvaise posture qu’il rebondit et assène le coup fatal contre ses adversaires », prévient un analyste politique indépendant.
Selon des sources recoupées par Econews, l’option des négociations entre Kinshasa et les groupes armés ayant été levée, Paul Kagame a décidé finalement de rejoindre Nairobi.
Coup double pour Museveni et Kagame
Dans le cadre de l’organisation sous régionale des États de l’Est africain, le Rwandais Paul Kagame et l’Ougandais Yoweri Museveni disposent désormais d’un canal diplomatique et politique potable pour exercer des pressions de toutes sortes sur des dirigeants de la République Démocratique du Congo.
Actuellement, l’armée ougandaise est officiellement sur le sol congolais. Le Rwanda de son côté cherche par tous les moyens possibles à s’installer au grand jour en RDC comme son voisin et ennemi, mais toujours alliés lorsqu’il s’agit de la RDC. Mais l’hostilité d’une opinion publique congolaise alerte, ne facilite pas cette opération. Fâché, le président rwandais n’a daigné effectuer le déplacement de Nairobi. Mépris? Il n’en est rien.
Kagame sait pertinemment bien que ses intérêts seront défendus par le voisin Museveni. D’une part. De l’autre, il est acquis que sa présence risque d’envenimer la situation. Mieux valait donc pour lui de se tenir à l’écart pour obtenir le même résultat.
La vielle recette
Face à ce refus des Congolais d’ouvrir grandement les frontières aux Rwandais, les deux capitales ont tu leurs divergences. A l’unisson, ils se sont transformés en défenseurs acharnés des intérêts d’un groupe rebelle défait, le M23. Face à un Tshisekedi qui ne dit pas non, mais qui traîne volontairement les pieds, Kampala et Kigali ont utilisé de gros moyens. Ils ont mis la pression suffisamment pour obtenir un sommet à Nairobi.
A côté, ils ont fait parler la poudre en lâchant les éléments M23 présents dans leurs territoires respectifs après les avoir dotés de matériel militaire. En supériorité en termes de logistiques et de la maîtrise du terrain, les rebelles M23 ont attaqué à plusieurs reprises les forces loyalistes la nuit.
«On a l’impression qu’ils disposent de lunettes infrarouges qui leur permettent de tirer sur nous à bonne distance et la nuit », a confié un officier congolais.
Econews
Communiqué du deuxième conclave des Chefs d’Etat sur la République Démocratique du Congo
Le deuxième conclave régional des chefs d’État sur la République Démocratique du Congo s’est réuni à Nairobi, au Kenya, le 21 avril 2022. Le conclave, organisé par Son Excellence Uhuru Kenyatta, président de la République du Kenya, a réuni Son Excellence Félix-Antoine TSHISEKEDI Tshilombo, Président de la République Démocratique du Congo; Son Excellence Évariste NDAYISHIMIYE, Président de la République du Burundi; Son Excellence Yoweri MUSEVENI, Président de la République de l’Ouganda, et Son Excellence Paul KAGAME, Président de la République du Rwanda représenté par le Ministre rwandais des Affaires étrangères. Les dirigeants ont pris note de la situation dans l’est de la RDC et dans les pays voisins. Après des discussions fructueuses, tenues dans un environnement franc et cordial, et dans le souci de promouvoir la paix, la stabilité et le développement dans l’Est de la RDC et la grande Région de l’Afrique de l’Est, les dirigeants ont également convenu ce qui suit :- D’INVITER les autres dirigeants de la Communauté de l’Afrique de l’Est à se joindre au conclave et à les engager dans les futures séances.
- DE SALUER la participation, en qualité d’observateur, d’un représentant du Secrétaire Général des Nations Unies, du Président de la Commission de l’Union Africaine, du Secrétaire Général de la CIRGL, du Secrétaire Général de la Communauté de l’Afrique de l’Est, en tant que de besoin à participer par la RDC.
- D’ACCUEILLIR également des interlocuteurs bilatéraux tels que les Etats-Unis et la France en statut d’observateur.
- Qu’un secrétariat soit formé pour SURVEILLER la mise en œuvre des accords conclus lors de la réunion. Le Secrétariat sera administré par l’Envoyé spécial au Cabinet du Président de la RDC et l’Envoyé spécial au Cabinet du Président du Kenya (le Secrétaire principal du Ministère des affaires étrangères du Kenya est désigné pour jouer ce rôle ad intérimaire) avec la participation de représentants des bureaux exécutifs des autres chefs d’État de la Communauté de l’Afrique de l’Est.
- EN OUTRE, les dirigeants se sont engagés à faire progresser les travaux de la réunion selon deux voies ;
a) La voie politique – La réunion a convenu qu’un processus politique soit lancé sous la direction du président Uhuru KENYATTA du Kenya pour faciliter les consultations à entreprendre entre la RDC et les groupes armés locaux en RDC. Suite aux résultats du premier Conclave des Chefs d’Etat, la réunion a rappelé qu’un dialogue consultatif entre le Président de la RDC et les représentants des groupes armés locaux en RDC doit avoir lieu dans les meilleurs délais. EN CONSÉQUENCE, la réunion a été informée que le Président de la RDC présidera une telle réunion consultative le vendredi 22 avril 2022. Le Président Uhuru KENYATTA a gracieusement accepté d’accueillir et de fournir un soutien logistique pour les consultations à Nairobi. La réunion A en outre CONVENU que le Président de la RDC informera ultérieurement ses collègues du résultat des consultations lors de la prochaine séance.
b) La voie de l’application de la loi militaire/de sécurité – Conformément à un ACCORD suite au premier Conclave des chefs d’État visant à accélérer la mise en place d’une force régionale pour aider à contenir et, si nécessaire, combattre les forces négatives, la réunion A ORDONNÉ le déploiement urgent d’une telle force Obliger. - À cette fin, la réunion a ordonné que la planification d’une telle force commence avec effet immédiat avec la pleine consultation des autorités compétentes de la région.
- FACILITER la mise en œuvre des pistes d’application politique et militaire/de sécurité, les dirigeants ont également ordonné ce qui suit ;
a) QUE tous les groupes armés en RDC participent inconditionnellement au processus politique de règlement de leurs doléances. A défaut de le faire, tous les groupes armés congolais seraient considérés comme des forces négatives et manipulés militairement par la région.
b) QUE tous les groupes armés étrangers en RDC doivent désarmer et retourner sans condition et immédiatement dans leurs pays d’origine respectifs. A défaut de le faire, ces groupes seraient considérés comme des forces négatives et manipulés militairement par la région. c) QUE la mise en place de la force régionale de lutte contre les forces négatives commence immédiatement sous la direction de la RDC. - Les dirigeants ont RÉSOLU de se rencontrer d’ici un mois pour évaluer l’avancement de la mise en œuvre des travaux.
- Les dirigeants ont REMERCIÉ le Président Uhuru KENYATTA pour sa convocation et son accueil du deuxième Conclave.
- ADOPTÉ le 21 avril 2022, Nairobi, Kenya