Kinshasa – Kigali : le point de non retour

Kinshasa et Kigali sont désormais sur le pied de guerre. Entre les deux pays, les tensions sont vives. La chute, le lundi 13 juin 2022, de la cité stratégique de Bunagana a jeté de l’huile sur le feu. Bien plus, l’attaque perpétrée, lundi matin sur cette cité, a finalement poussé le Rwanda d’opérer à découvert, validant ainsi l’argument de Kinshasa d’une agression armée. Dans un communiqué daté du 13 juin, Kigali ne se cache pas d’avoir lancé «un assaut » sur la cité de Bunagana pour, se défend-il, « défendre l’intégrité » de son territoire et « protéger » ses population. A Kinshasa, l’ennemi étant désormais connu, le Gouvernement affiche une nette détermination d’en découdre avec le Rwanda. « Nous défendrons chaque centimètre de notre territoire », promet-il, dans un communiqué du 14 juin 2022. C’est dire qu’entre Kinshasa et Kigali, c’est le point de non retour. A moins d’un miracle sur le front diplomatique dans le sens de la désescalade.
Dans la guerre qu’il mène dans la partie Est de la République Démocratique du Congo, le Rwanda agit désormais à découvert. Il ne se cache plus.
Depuis l’attaque lancée lundi sur la cité de Bunagana par des troupes rwandaises, Kigali a confirmé de manière évidente ce que Kinshasa a toujours présenté comme une agression de son territoire. Dans le communiqué signé le 13 juin à partir de Kigali, l’armée rwandaise confirme avoir lancé «un assaut dans la cité de Bunagana » pour, dit-elle, «défendre l’intégrité de son territoire et protéger ses populations ».
Il devient évident que la RDC ne se bat pas contre la pseudo rébellion M23, c’est plutôt contre le Rwanda qui, comme toujours, agite son sempiternel alibi de FDLR, pour justifier l’agression de la RDC. A Bunagana, ce sont les troupes rwandaises qui ont lancé l’assaut de la cité, prenant en embuscade les forces loyalistes congolaises.

Gel des accords avec le Rwanda
Dans l’opinion publique, cette énième agression de la RDC par le Rwanda passe pour une pullule véritablement amère.
Mardi, dans une plénière à huis-clos, l’Assemblée nationale a décidé de passer à la vitesse supérieure, appelant le Gouvernement à geler tous les récents accords signés avec le Rwanda.
Sous la présidence de Félix Tshisekedi, la RDC et le Rwanda ont signé, depuis 2019, trois accords commerciaux, dont l’un porte sur l’exploitation de l’or en vue d’en assurer la traçabilité par la construction d’une raffinerie au Rwanda. En présence de deux chefs d’État, l’entreprise congolaise, la Société aurifère du Kivu et du Maniema (Sakima SA), et la Rwandaise, Dither LTD, avaient signé «un protocole d’accord de coopération» pour l’exploitation de l’or afin de priver les groupes armés des revenus issus de cette filière, selon un communiqué de la présidence congolaise.
D’autres accords conclus entre Kinshasa et Kigali restent encore secrets.
Si à Kinshasa, l’Assemblée nationale explore la piste des sanctions économiques, depuis la chute de Bunagana et le déploiement de ses militaires sur le sol, Kigali a décidé de « fermer ses frontières » avec la RDC, et ce, «jusqu’à nouvel ordre ».
Décidément, la RDC et le Rwanda sont sur le pied de guerre. Et rien ne semble les arrêter.

Le M23 n’existe pas
Décidément, le M23 n’existe pas. Cette rébellion n’est qu’un épouvantail par lequel passe Kigali pour déstabiliser la partie Est de la RDC. Dans son communiqué du 13 juin, l’armée rwandaise ne s’en cache pas, validant ainsi la thèse maintes fois développée par Kinshasa.
Dans l’Est de la RDC, les Forces armées de la RDC se battent contre l’armée rwandaise. Et rien d’autre.
A Kinshasa, un dispositif se met en place pour organiser la riposte. D’ores et déjà, le Conseil national de sécurité devait se réunir incessamment autour du Chef de l’Etat pour des mesures appropriées.
«L’expulsion de l’ambassadeur du Rwanda à Kinshasa n’est pas exclue. Le Conseil national de sécurité va annoncer des mesures fortes pour défendre le pays. Quel qu’en soit le prix », a confié à Econews une source gouvernementale.
A Kinshasa, la riposte s’organise – à grande vitesse d’ailleurs. Dans un communiqué, signé mardi à Kinshasa, le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, annoncé les couleurs : « Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo condamne la participation des autorités rwandaises dans le soutien, le financement, et l’armement de cette rébellion. Nous défendrons chaque centimètre de notre territoire».
Sans fermer la porte à la diplomatie, le Gouvernement de la RDC reste convaincu que la communauté internationale a « un rôle important à jouer pour installer urgemment, une diplomatie régionale qui amènera à l’apaisement des tensions et à la résolution pacifique du conflit ».
Pour l’instant, les Etats-Unis, présentés comme le grand parrain du Rwanda, semblent avoir pris ses distances par rapport à l’homme fort de Kigali.
Dans une récente déclaration, la commission des relations extérieures du Sénat américain a qualifié d’« inacceptable le soutien rwandais aux rebelles du M23 qui attaquent les civils, les casques bleus de l’ONU et les FARDC dans l’Est de la RDC ».
Par ailleurs, le Sénat américain a appelé la communauté internationale à condamner ces agressions, promettant de mettre à contribution le Bureau américain des Affaires étrangères pour enquêter immédiatement sur ces faits et demander des comptes aux responsables.

Econews