Dix ans après l’arrivée d’Akinwumi Adesina à la tête de la Banque africaine de développement (BAD), l’institution panafricaine tourne une page marquée par des ambitions affichées… et des résultats décevants. Porté par son slogan des « High 5 », l’ancien ministre nigérian de l’Agriculture a promis transformation et développement, avant d’enfermer la BAD dans les travers qu’il disait combattre : immobilisme, clientélisme et domination d’un bloc linguistique. Aujourd’hui, son départ ouvre la voie à une nécessaire refondation. Pour retrouver crédibilité et efficacité, la BAD doit rompre avec les divisions et redevenir une véritable banque de tous les Africains. Le défi est immense.
La Banque africaine de développement (BAD) clôt un chapitre marquant de son histoire avec le départ de son président sortant, le Nigérian Akinwumi Adesina, après deux mandats de cinq ans chacun. Arrivé en 2015 avec une vision ambitieuse, l’ancien ministre de l’Agriculture du Nigeria promettait de transformer l’institution financière en un levier de développement pour le continent. Dix ans plus tard, le constat est mitigé : entre ambitions affichées et résultats limités, son héritage laisse une BAD en quête de renouveau.
Les « High 5 » d’Adesina : un flop retentissant ?
Lors de sa prise de fonction, Adesina avait dévoilé son plan « High 5 », cinq priorités censées propulser l’Afrique vers la prospérité : Éclairer et électrifier l’Afrique ; Nourrir l’Afrique ; Industrialiser l’Afrique ; Intégrer économiquement le continent ; et Améliorer la qualité de vie des populations
Si des projets ont été lancés, notamment dans les énergies renouvelables et l’agriculture, les résultats concrets restent en deçà des attentes. Les critiques pointent du doigt un manque de suivi, des financements souvent mal ciblés et une bureaucratie pesante.
« On a eu droit à dix ans de discours enflammés, mais peu de changements tangibles sur le terrain », déplore un expert économique africain sous couvert d’anonymat.
Une BAD dominée par le bloc anglophone ?
Autre grief fréquent : sous Adesina, la BAD aurait accentué son ancrage anglophone, marginalisant les autres régions du continent. Plusieurs cadres francophones et lusophones dénoncent une centralisation des décisions au profit d’un cercle restreint, souvent aligné sur les intérêts nigérians et est-africains. « La BAD devrait être un outil panafricain, pas une chasse gardée », s’indigne une source proche de l’institution.
Derrière les beaux discours d’Adesina, la BAD a continué à souffrir de ses vieux démons : trafic d’influence, nominations politiciennes et lenteurs administratives. Ces travers ont miné son efficacité et réduit son impact. « Le mandat d’Adesina a été marqué par des promesses non tenues et un immobilisme regrettable », analyse un ancien collaborateur.
Quel avenir pour la BAD ?
Le successeur d’Adesina hérite d’une institution à réformer en profondeur. Pour regagner la confiance des États membres, la BAD devra, notamment rétablir un équilibre géographique et linguistique en son sein, lutter contre le clientélisme et privilégier la compétence ; recentrer ses financements sur des projets à impact direct pour les populations et renforcer la transparence dans l’attribution des fonds.
« La BAD doit redevenir la banque de tous les Africains, pas seulement d’une élite », insiste un diplomate en poste à Kinshasa.
Alors que la page Adesina se tourne, l’heure est au bilan et à la remise en question. Le nouveau président devra faire preuve d’audace pour redonner à la BAD son rôle de pilier du développement africain. Le continent, plus que jamais, a besoin d’une institution forte, efficace et véritablement panafricaine.
Le Mauritanien Sidi Ould Tah élu président de la BAD
A la succession Le Mauritanien Sidi Ould Tah élu jeudi à Abidjan élu président de la BAD.
Il n’aura fallu que trois tours de scrutin pour départager les cinq candidats. Finalement, Sidi Ould Tah l’a emporté avec plus de 76,18 % des voix face au Zambien Samuel Maimbo (20,26 %) et au Sénégalais Amadou Hott (3,55 %). Il devient donc le 9e président de la Banque africaine de développement (BAD). Le Tchadien Mahamat Abbas Tolli est le premier à avoir été éliminé, ne récoltant que 0,88 % des suffrages, suivi de la Sud-Africaine Swazi Tshabalala (5,9 %). Dès le deuxième tour, Sidi Ould Tah avait réussi à rassembler très largement, emportant plus des deux tiers des votes chez les actionnaires africains. En 2015, il avait fallu six tours de scrutin pour qu’Akinwumi soit élu, avec 58,1 % des voix.
Ces dix dernières années, Sidi Ould Tah a dirigé la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), dont le capital est détenu par les pays de la Ligue arabe. Sous sa direction, l’institution est entrée dans la cour des grandes banques de développement.
Faustin K.