«La SICOMINES : l’oubli comme stratégie pour couvrir des négociations opaques »

I. INTRODUCTION 

Le 15 février 2023, l’Inspection Générale des Finances rend public ses conclusions et ses exigences sur la convention de collaboration d’avril 2008 entre la RDC et le Groupement d’Entreprises Chinoises (Contrat chinois en résumé il s’agit d’une convention chinois gagnant avec dix-sept milliards de dollars (17 milliards de dollars américains) en 15 années et peuple congolais perdant avec 350 millions de dollars investis dans quelques infrastructures surfacturées.

17 milliards de dollars c’est au moins deux années de budget de la RDC. 

Depuis les révélations de l’IGF, une commission des experts comprenant même quelques activistes de la société civile s’est mise au travail au palais de la nation et les conclusions des travaux ont été remises au Président de la République. Ensuite, notre Président à la tête d’une énorme délégation comme à ses habitudes s’est rendu en Chine, il est revenu sans qu’aucun compte ne soit rendu à l’opinion tant nationale qu’internationale.

Après son retour, les négociations se sont ouvertes à Kinshasa toujours localisées au palais de la nation.

Depuis lors c’est le silence et l’opacité totale. Comme dans la culture de la mafia mondiale, c’est l’Omerta, la loi du silence qui profite, d’ailleurs aux criminels du régime passé qui ont de manière ostentatoire blanchi leur butin dans milles réalisations tant à Kinshasa que dans les provinces de la RDC et dans des pays étrangers.

Doit-on croire que le régime compte sur l’oubli pour passer sous silence, les résultats d’une nouvelle arnaque de la décennie qui commence ?

Nous lançons ici un appel à tous congolais à ne pas oublier que 17 milliards de dollars américains ont été pillés par les parties prenantes à ce dossier, chinois, comme congolais. D’autres veulent-ils prolonger la liste des criminels financiers au détriment du peuple congolais ?? La culture de l’oublie nous hante depuis 63 ans. Pour construire la démocratie, il faut démocratiser à tout moment la mémoire collective. Les oublis volontaires ont beaucoup aidé la descente aux enfers de notre pays. A quand le procès même pour l’histoire des assassins de Lumumba, de Mulele Pierre et de leurs compagnons. Le procès pour l’histoire de Mobutu et sa bande pour les crimes économiques et contre l’humanité commis du 9 septembre 1960 au 17 mai 1997, les crimes économiques et contre l’humanité de Sieurs Joseph Kabila et on continue seulement sans regarder derrière. La révolution pardon de triste mémoire décrétée par Mzee Kabila et j’en passe !! Non, l’oublie volontaire nous enfonce dans l’obscurantisme et n’aide ni la construction d’un pays démocratique ni son émergence. 

II. L’IMPORTANCE DU SECTEUR MINIER POUR LA RDC ET L’INTERET LUI PORTE PAR LA SOCIETE CIVILE

La RDC possède d’importantes réserves de ressources naturelles (cuivre, cobalt, coltan, diamant, zinc, or, manganèse, étain, uranium, wolfram, argent, gaz, pétrole, de cassitérite, etc.). Depuis 62 ans, notre économie reste extravertie, elle continue à reposer sur le secteur exportateur (mines et agriculture de rente) et est dépendante de l’extérieur par la contribution de ce secteur au PIB, les revenus d’exportation, l’importance du capital étranger investi et la technologie étrangère utilisée. Les produits miniers sont restés irrémédiablement pour le Congo : 

– La base de son économie;

– La source principale de ses recettes en devises;

– La source de financement et d’approvisionnement du pays en matières premières, biens de première nécessité et d’équipement;

– La garantie de l’endettement extérieur et du service de la dette;

– Une importante source des recettes publiques;

– Une solution pour assurer une protection durable de l’environnement. 

Le code minier promulgué en 2002 avait permis d’attirer des investisseurs privés et de relancer la production minière. Cependant, malgré son rôle capital dans la croissance du PIB, le secteur minier n’a eu qu’une faible incidence sur la création d’emplois et n’a pas contribué de manière significative aux recettes fiscales et au budget de l’Etat.

Le grand intérêt actuel de la société civile pour le secteur minier et des hydrocarbures part de l’hypothèse que le nouveau code minier de 2018 présente des réelles opportunités qui peuvent contribuer à l’amélioration de la vie des citoyens congolais, en général et en particulier celle des populations riveraines s’il est adéquatement appliqué. Toutefois, si ce cadre n’est pas appliqué, il y a à craindre une aggravation des inégalités économiques, les tensions sociales et les méfiances vis-à-vis des autorités publiques, un espoir perdu pour la mobilisation d’une plus grande rente minière, pouvant permettre la diversification de notre économie et son développement endogène et durable. 

L’intérêt de la société Civile pour nos ressources naturelles ce que, la République Démocratique du Congo, se révèle dans cette équation mondiale comme «le pays solution ». Elle dispose d’une riche biodiversité comprenant notamment 155 millions d’hectares de forêt tropical humide et le Bassin du Congo qui est le puits de carbone le plus efficace de la planète, sans compter une énorme réserve de métaux et minéraux essentiels à la transition énergétique entre autre 70% du cobalt mondial (composant essentiel de la technologie des batteries), les minerais stratégiques essentiels à la décarnisation, tels que le lithium, le nickel et le manganèse.

Par ailleurs, l’intérêt pour le secteur minier c’est également pour la société civile une attention particulière accordée à l’aspect genre et la prise en compte des priorités des compatriotes plus vulnérables, les peuples autochtones, personne handicapées, en particulier lors des processus décisionnels de planification et de gestion des ressources et outils financiers pour le développement local, pour éviter une marginalisation de ces catégories de notre population.

Il est donc extrêmement important d’amener la population congolaise à travers les organisations citoyennes qui les représentent, les médias, les autorités gouvernementales et administratives locales, provinciales et centrales, les institutions de contrôle publiques ainsi que le secteur privé à mettre en place des processus de gestion participatif, transparent et redevables envers les communautés locales.

Pour toutes ces raisons, la société civile doit mener un combat acharné pour libérer et protéger les richesses minières du Congo afin que ses revenus servent réellement l’émergence du Congo et le progrès social.

La société civile est devenue partout dans le monde un partenaire de l’Etat autant que le secteur privé. La transparence, la redevabilité et la participation citoyenne sont aujourd’hui des principes qui doivent accompagner le gouvernement dans la gouvernance. Le partenariat et le dialogue permanent avec la société civile sont une exigence qui s’impose au gouvernement.

C’est pour toutes ces raisons que la société civile et l’ODEP en particulier se sont intéressés au rapport de l’Inspection Générale des Finances de février 2023. Nous avons publié le 1er mars 2023 un communiqué de presse alors qui faisait les recommandations au Président de la République, au Gouvernement, aux Cours et tribunaux et aux partenaires chinois.

Les Organisations de la Société civile, signataires du communiqué du 1er mars 2023, s’appuyant sur le décret n°22/37 du 29 octobre portant gouvernance budgétaire, chapitre 2 portant sur la participation citoyenne et la rédevabilité, articles 163, 164 et 165; exerçant le droit de regard que leur donne l’article 58 de la Constitution, qui reconnait la jouissance des richesses nationales à tous les Congolais avaient exprimé ce qui suit :

Ø Fustigent la complaisance avec laquelle nos autorités publiques de l’époque ont négocié cette convention qui brade manifestement nos ressources ;

Ø Constatent que la partie chinoise a gagné au moins plus de cinq fois les revenus espérés au départ du projet, sans aucune contrepartie à la hauteur des profits engrangés;

Ø Disent engagée, la responsabilité respective de toutes les autorités publiques qui étaient impliquées dans la conclusion et la gestion de la susdite Convention : du Président de la République aux exécutants, en passant par les Premiers Ministres, les Ministres dont les secteurs sont concernés, les Négociateurs congolais, le Coordonnateur du projet ainsi que les responsables de l’Agence Congolaise de Grands Travaux et ceux de la GECAMINES ;

Ø Estiment inacceptable que les Congolais puissent continuer à croupir dans la misère, alors que leurs ressources profitent à des entreprises étrangères;

Ø Trouvent normal, en cas de responsabilité établie que les coupables répondent de leurs actes devant la justice;

Ø Reconnaissent le pouvoir de l’IGF de contrôler toutes les entreprises, publiques ou privées, qui manipulent les ressources de l’Etat et du peuple congolais, la soutiennent et appuient, par conséquent son rapport, qui met en lumière le pillage de nos ressources et les crimes économiques qui les accompagnent :

Ø Dénoncent toute politisation de ce dossier, qui est technique et susceptible de recours devant les cours et tribunaux compétents.

Aujourd’hui, l’ODEP campe sur les positions et recommandations de la société civile du 1er mars 2023 et exige la levée de l’opacité qui couvre ce grand dossier scandaleux qui a privé notre peuple de plus de 17 milliards de dollars qui auraient pu permettre l’éradication de la pauvreté absolue dans le pays.

III. UN RAPPEL DES CONCLUSIONS ET EXIGENCES DE L’IGF DU 15 FEVRIER 2023

3.1 Conclusions de l’inspection générale des finances sur la convention de collaboration d’avril 2008 entre la RDC et le groupement d’entreprises chinoises (contrat chinois)

1. Constitution de SICOMINES en 2008 en violation de l’article 1er de l’Arrêté Royal du 22 juin 1926

Le capital social non proportionné à l’objet de la société et non indication des gisements miniers comme apport de la partie congolaise. USD 100.000.000,00 fixés par le GEC étaient très insuffisants et donc disproportionnés à l’objet social. Le point 6°, e) de cet article 1er précise en outre que le statut doit indiquer la désignation précise des associés qui doivent fournir des valeurs avec l’indication des obligations de chacun. Il ajoute que ‘’lorsque l’apport n’est pas effectué en numéraire, il doit être spécifié et les conditions auxquelles il est fait doivent être indiquées.’’. On devait donc indiquer que la GECAMINES S.A fait un apport en nature des gisements miniers et les évaluer.

2. Aucune évaluation des gisements miniers apportés par la GECAMINES S.A n’a été faite et donc, défaut d’intégration de la valeur dans le capital social : alors que sa consistance minimale était connue et reprise en annexe A de la Convention du 22 avril 2008 et annexe B de la convention de Joint-Venture de la même date : 10.616.070 t/cu et 629.619 t/co valant USD 90.936.120.000, aux cours du jour de la conclusion de la convention.

On n’a pas intégré cette valeur dans le capital social au titre d’apport en nature du Groupe Gécamines. Comme c’est trop important, on aurait dû négocier et attribuer une quotité du capital social qui représente effectivement l’importance de son apport.

3. Caractère arbitraire, discriminatoire et illégal de la fixation ainsi que de la répartition du capital social à USD 100.000.000,00 à raison de 68% des parts pour le GEC et 32% pour le Groupe Gécamines.

On a fixé ce capital à USD 100.000.000,00 (alors que SICOMINES détenait des actifs de USD 90.936.120.000,00) et on a décidé que les entreprises chinoises auraient 68% des parts contre 32 pour la partie congolaise. Les chinois apportaient USD 68 millions et prêtaient à la GECAMINES S.A USD 32 millions qu’elle a, du reste, remboursés avec intérêts de USD 10.979.566,00 par des retenues sur ses dividendes.

L’article 2 de la loi n° 77/027 précise que les personnes physiques ou morales étrangères ne peuvent pas détenir plus de 60% du capital social.

4. Important déséquilibre financier au détriment de la RDC entre les avantages octroyés à la partie chinoise et les engagements à sa charge ainsi que les gains attendus par la partie congolaise :

USD 90.936.120.000,00 aux chinois contre des engagements à leur charge de USD 6.2 milliards, soit un gain pour les chinois de USD 84.736.120.000,00 auquel devront s’ajouter les exonérations fiscales et douanières estimées provisoirement aux taux les plus faibles à USD 2.163.623.850,15.

Même en déterminant la valeur actuelle nette (VAN) sur base des éléments retenus dans l’Etude de Faisabilité de 2021, la VAN est de USD 76.573.723.516,28 qui constituent le gain en faveur de la partie chinoise parce que la VAN implique la déduction des CAPEX et OPEX du chiffre d’affaires.

USD 76 milliards de gain pour la partie chinoise contre 3 milliards d’infrastructures pour la RDC.

5. Faiblesse criante et modicité des investissements des infrastructures : SICOMINES a mobilisé, en 14 ans, des financements d’un montant total de USD 4.471.588.685,14 et n’a consacré que USD 822.190.060,14 pour le financement des travaux d’infrastructures, soit 18,38% du financement total mobilisé.

6. Paradoxalement Importance des décaissements effectués en faveur des entreprises chinoises en six ans :

En six ans, soit de 2016 à octobre 2022, SICOMINES a décaissé, à partir d’un de ses comptes à l’étranger, en l’occurrence le compte principal n° 100001700001077 logé dans les livres de BANK OF CHINA DUBAI BRANCH, un montant total de USD 9.677.613.625,15 en faveur des entreprises chinoises et d’elle-même pour diverses raisons non étayées. Cas illustratifs de ‘’sales return’’ pour USD 1.564.280.538,68, « contract payment » pour USD 1.506.989.864,14 et des autres opérations de débit sans indication du motif pour USD 3/ 827.943.282,32.

7. Manque de visibilité et d’impact des travaux exécutés et leur sélectivité injustifiée en violation de l’annexe C de la Convention du 22 avril 2008.

Travaux éligibles exécutés : USD 534/ 902/ 461,66

Travaux non éligibles exécutés : USD 287/ 287/ 598,42.

La programmation desdits travaux n’a pas obéi à des exigences précises, comme la connectivité des villes, le désenclavement, la fluidité du trafic des personnes et de leurs biens, l’ouverture des localités de production aux grands centres de consommation, l’impact immédiat sur la vie des populations, etc. et donc ces travaux sont restés, pour la quasi-totalité, sans impact visible pour les populations. Cette programmation a donc totalement oublié le secteur de chemin de fer, les aéroports à réhabiliter (Goma et Bukavu), les hôpitaux (31) à construire, les deux barrages hydroélectriques à construire (Kakobola et Katende), les réseaux de distribution électrique à réhabiliter (Kinshasa et Lubumbashi), les centres de formation aux métiers ITP à construire et à réhabiliter, les 5000 logements sociaux à construire, les 145 centres de santé à construire et deux universités à construire, Certains de ces projets sont aujourd’hui financés par la République dans le cadre du projet PDL-145 Territoires.

8. Endettement injustifié de SICOMINES, en lieu et place d’un apport des fonds par le Groupement des Entreprises Chinoises

Aux termes de la convention de collaboration et de la convention de Joint-Venture, il revenait au GEC de mobiliser les ressources pour le financement des investissements miniers et d’infrastructures (pour USD 6,2 milliards) ressources dont le remboursement devait être assuré par la SICOMINES. Au lieu de cela, c’est la Joint-Venture SICOMINES qui s’est endettée, à hauteur de USD 3.341.948.821,85 pour financer et les investissements miniers et les infrastructures. Mais en même temps, elle s’est payée à elle-même, de 2016 à octobre 2022, USD 5.464.880.564,06 sur son compte principal de DUBAI au profit d’un ou d’autres comptes non encore identifiés.

9. Défaut de production des preuves de libération de CDF 25.000.000.000,00 (50%) du capital lors de la constitution de SICOMINES en septembre 2008 et de 50% autres après l’approbation de l’étude de faisabilité.

10. Ambiguïté et confusion concernant le prêt de USD 32.000.000 :

Prêt accordé au groupe GECAMINES S.A pour la libération de ses parts dans le capital social de SICOMINES.

Le contrat de prêt affirme tantôt que ces USD 32 millions ont été versés à la Gécamines (point G du préambule) tantôt à la SICOMINES (article 4.1 du contrat du prêt).

Dans les éléments mis à la disposition de la Mission de l’IGF, la GECAMINES S.A n’a fourni aucune pièce attestant qu’elle a encaissé ces fonds. Et, de son côté, SICOMINES n’a remis aucun document bancaire attestant qu’au 1er avril 2009, son compte a été crédité de USD 32.000.000,00.

11. Confusion entretenue entre le GEC et SICOMINES :

Confusion due au refus ou à l’omission du GEC de se constituer en association momentanée ou en GIE :

Le GEC ne s’est pas constitué en Association momentanée (articles 2 et 67 bis de l’O-L n° 10/001 du 20/08/2010 telle que modifiée et complétée à ce jour) ni en Groupement d’Intérêt Economique du droit OHADA (article 869 de l’AUSCGIE) et que donc il n’a aucune existence juridique et physique. Aussi, sur le terrain, le GEC semble se confondre avec SICOMINES et ce, à bien d’égards, faisant supporter à cette dernière la prise en charge de l’exécution de ses obligations contractuelles et notamment financières, prises bien avant que cette dernière ne soit créée. C’est notamment les cas de Pas de Porte de USD 350.000.000,00 qu’il devait payer à la partie congolaise (article 5.1) mais que SICOMINES a payé en trois tranches. Cas aussi du prêt d’USD 50.000.000,00 sollicités par la GECAMINES S.A à la signature de la Convention auprès du GEC (article 5.2) mais payée finalement par SICOMINES. C’est aussi le cas du projet de la Centrale Hydroélectrique de BUSANGA qui a été financée à 100% par SICOMINES mais que les Investisseurs chinois (CHINA RAILWAY GROUP LIMITED «CREC » et POWER

CONSTRUCTION CORPORATION OF CHINA) considèrent que ce sont eux qui ont investi via la SICOMINES.

13. Défaut de rapatriement des recettes d’exportation et amendes de 5% dues par SICOMINES :

Suite à une interprétation erronée des stipulations conventionnelles consacrant la liberté de transfert des fonds, SICOMINES n’a pas procédé au rapatriement des recettes d’exportation d’un total de USD 2.004.167.489,24 sur la période allant de 2016 à octobre 2022. Elle doit à ce titre des amendes de 5%, soit USD 100.280.374,46.

14. Recours quasi systématique injustifié au préfinancement des exportations et violation de la Règlementation du change en RDC et du Règlement Minier :

Le montant des préfinancements s’élève à USD 1.771.048.731.89 (de mars 2018 à octobre 2022) et violation de la Règlementation du change en RDC et du Règlement Minier.

L’exploitation des Rapports mensuels du Compte principal de SICOMINES transmis à la Banque Centrale du Congo et à la Direction des Mines, a permis de relever que de mars 2018 à octobre 2022, SICOMINES a bénéficié des préfinancements de ses exportations des minerais versés sur son compte principal à l’étranger à hauteur de USD 1.771.408.731, 89.

Cette pratique est régie par l’article 39 de la Réglementation du change en RDC. Il s’agit, en réalité, d’un prêt que l’acheteur consent à l’exportateur, qui est assorti des intérêts. Son remboursement est réalisé par l’exportation des marchandises de valeur équivalente et son montant doit en principe être reçu par la banque agréée intervenante sur base d’une déclaration modèle « Revenus des Capitaux ». La Mission a demandé en vain les copies des RC et des contrats y relatifs. Elle n’a rien reçu. Tout porte à croire que SICOMINES n’a pas respecté les prescrits des articles 39 à 40 de la Règlementation du change en RDC.

Le recours à cette technique permet de contourner la procédure d’obtention des prêts par une société minière qui veut que la convention de prêt signée par une société minière soit analysée et validée par une commission composée notamment de la Direction des Mines, la DGI, la BCC (cfr art 543,544 et 545 du règlement minier). Cette procédure n’a pas été suivie dans le cas d’espèce.

15. Existence de plusieurs opérations signalées dans le Rapport mensuel envoyé à la BCC et à la Direction des Mines comme ayant été débité du compte principal Il s’agit notamment de

– 858,548 millions USD au titre de paiement des fournisseurs divers;

– 1,220 milliards USD pour les services de la dette ;

– 760,124 millions USD relatifs aux autres transferts à l’international et

1,773 milliards USD pour les autres mouvements débiteurs et dépôt à terme (DAT). Justifications non produites à ce jour.

16. Non-respect de la quantité minimale de production prévue 

Ce qui entraine des conséquences évidentes sur la durée du remboursement

La SICOMINES n’a pas encore pu atteindre la production projetée d’au moins 200.000 tonnes de cuivre en 2016 et 400.000 tonnes de cuivre en 2019 et, ce, malgré l’importance des investissements consentis ou encore l’empiètement des gisements de la GECAMINES S.A.

Ceci a aussi des conséquences sur sa capacité à rembourser les investissements dans les meilleurs délais afin d’éviter à la RDC de devoir subir un contentieux.

Empiètement des gisements de la GECAMINES S.A par les installations de SICOMINES (un gisement à fort potentiel)

La GECAMINES S.A affirme, images satellites à l’appui, que les installations, bureaux et logements de SICOMINES sont érigés sur la cible la plus importante des gites probables et possibles pouvant faire l’objet d’une importante réserve additionnelle, à l’issue d’une campagne d’exploration géologique et de certification des ressources minérales. Il s’agit de SYNCLINAL DE LA COLLINE D avec un potentiel attendu de 1,3 millions de t/Cu et l’entreposage des remblais issus de l’exploitation du gisement de DIKULUWE et des écailles de KAMIROMBE sur le PE 9682 issu du PE 8841.

17. Paiement irrégulier et injustifié de 4,8% des montants des travaux au titre de « Somme à valoir » : Pour tous les travaux signalés par l’Agence Congolaise des Grands Travaux (ACGT), ces frais s’élèvent à USD 37.256.434,59.

La légalité d’un tel prélèvement et la destination donnée aux fonds ainsi collectés posent problème. C’est donc vraisemblablement un moyen de se rémunérer autrement.

18. Paiement injustifié de la taxe VOIRIE/CONCENTRES à la Province de Lualaba :

Paiements totalisant USD 7.700.000,00 en faveur de la Province du Lualaba sans base juridique connue :

20. Inscription au bilan du Pas de Porte de USD 350.000.000,00 et application des amortissements de USD 59.610.144 au 31/12/2021.

Impact sur les résultats d’exploitation. Situation décriée par le commissaire aux comptes de SICOMINES et la GECAMINES S.A.

21. Paiement de USD 51.000.000,00 à PACIFIC TRINITY sans production du contrat y relatif et sans les preuves du désintéressement pécuniaire des populations délocalisées du site de SICOMINES

22. Dumping commercial pratiqué et Manipulations des prix de transfert : USD 7.379.469.533,52.  SICOMINES ne vend sa production qu’exclusivement aux entreprises du GEC à des prix arrangés et, nul ne sait à quelle autre condition.

Un rapprochement de ses ventes aux cours LME de la période fait ressortir un manque à gagner au détriment de SICOMINES de USD 7.379.469.533,52. Ce qui représente quasiment 50,37% du chiffre d’affaires qu’elle aurait réalisé si elle avait vendu aux cours internationaux. Donc, elle vend à moitié-prix suite aux manipulations de ses prix de transfert en violation du principe de pleine concurrence.

23. Impôt mobilier non déclaré et non reversé à payer : USD 5.424.698,36

Exercices 2016 et 2017 et défaut de déclaration pour l’Impôt mobilier de l’exercice 2018.

24. Financement de tout l’investissement de construction de la Centrale  hydroélectrique de BUSANGA par SICOMINES

Financement intervenu en violation de la convention de collaboration et de la convention de Joint-Venture : USD 596.066.577,28.

25. Libération totale du capital social de SYCOHYDRO par SICOMINES Libération faite en violation de la convention de collaboration et de la convention de Joint-Venture : USD 5.000.000,00.

Décision de la majorité.

26. Imbroglio entretenu dans les périodes de remboursement des investissements Cet imbroglio a servi à la réduction du montant des investissements des infrastructures de USD 6,5 milliards à USD 3,0 milliards.

L’article 12 de la Convention a prévu que pendant la deuxième période, le total du remboursement ne devait pas dépasser USD 3 milliards en principal. C’est curieux. On a vraisemblablement voulu retarder le remboursement et donc l’apurement de la dette de la RDC vis-à-vis des investisseurs chinois;

A la période commerciale où la totalité des bénéfices est distribuée aux actionnaires et où la deuxième tranche des travaux d’infrastructure et leurs intérêts seront financés par toutes les contributions fiscales et douanières auxquelles la RDC a droit. Les investisseurs chinois se sont donc soustraits de l’obligation de financement des travaux d’infrastructure, fussent-ils qualifiés de ‘’deuxième tranche’’. Mais pourquoi ont-ils prévu dans ce cas qu’il y ait des intérêts, les contributions fiscales et douanières auxquelles la RDC a droit n’étant pas productrices d’intérêts ?

Cet article parle du remboursement des investissements du GEC. Or, il n’y en a pas eu.

27. Caractère contestable, complaisant et dépassé des conclusions de l’Etude de faisabilité de CHINA ENFI

La GECAMINES S.A a contesté notamment le montant de l’investissement minier qu’elle juge excessif et la minoration des réserves.

En 2021, SICOMINES a encore introduit une autre étude de faisabilité pour le renouvellement de ses Permis d’Exploitation. On y constate aussi notamment une réduction des réserves à 4.747.141,90 tonnes de cuivre et 94.982,97 tonnes de cobalt. Les résultats de prospection n’ont pas été produits.

28. D’importantes importations des biens en exonération totale sans évidence dans les états financiers.

Les importations de SICOMINES faites en exonération totale des droits et taxes dus depuis 2009 à fin octobre 2022, se chiffrent à un CIF de CDF 3.413.815.915.004,00 et à un FOB en USD de USD 2.275.848.597,00 pour 1.030.005,93 tonnes des biens importés. Sans évidences dans les états financiers, SICOMINES n’ayant pas produit les balances définitives des comptes ni le grand livre.

29. Rejet systématique en Conseil d’Administration et en Assemblée Générale, des positions et avis des Actionnaires du Groupe GECAMINES S.A. Abus de majorité tel que prévu par l’article 130 de l’AUSCGIE

Il a été constaté à la lecture des procès-verbaux du Conseil d’Administration et de l’Assemblée Générale de SICOMINES, que les avis et positions des représentants du Groupe GECAMINES S.A sont toujours systématiquement rejetés.

C’est le cas du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 19/01/2010 au cours de laquelle le Conseil d’Administration a pris connaissance de la lettre n° 721/ADG/09 du 31/12/2009 par laquelle la GECAMINES S.A a notamment communiqué sa position sur l’Etude de faisabilité du projet minier en relevant ce qu’elle l’approuvera moyennant (1) la poursuite de la prospection et des travaux de sondage en vue d’améliorer le niveau des réserves, (2) la réduction du coût des investissements miniers, (3) l’adoption d’une technologie appropriée pour le traitement des minerais oxydés et sulfurés conformément aux recommandations issues des échanges entre les experts de GECAMINES S.A et ceux de ENFI et (4) l’adoption d’un plan d’exhaure optimisé. La GECAMINES S.A estimait, en effet, que les réserves reprises dans l’Etude de faisabilité étaient minorées. En réaction, le Conseil d’Administration avait accepté certaines propositions de la Gécamines comme la poursuite de la prospection et des travaux de sondage en vue d’améliorer le niveau des réserves, la réduction du coût des investissements miniers, l’adoption d’une technologie appropriée pour le traitement des minerais oxydés et sulfurés et l’adoption d’un plan d’exhaure optimisé. Mais il n’avait rien dit sur l’Etude de faisabilité. A l’Assemblée Générale Ordinaire convoquée le même jour, suivant le procès-verbal de l’Assemblée Générale Ordinaire de la même date, l’Etude de Faisabilité a été approuvée mais rien n’a été dit sur les préoccupations pourtant très pertinentes de la Gécamines. Ceci donne l’impression que seuls les intérêts de la partie chinoise priment dans les décisions qui sont prises au niveau de ces deux organes.

Ceci ressort aussi du cas de cet autre procès-verbal du Conseil d’Administration du 09/01/2018. Lors de cette réunion, les Administrateurs du Groupe GECAMINES S.A ont informé le Conseil qu’ils venaient de mener une réflexion devant aboutir au rééquilibrage des partenariats rénovant pour le futur en ce qui concerne notamment

(1) la valorisation des gisements apportés par GECAMINES S.A qui n’est pas faite et dont les chiffres ne se retrouvent pas dans les états financiers, et (2) la révision suite à cette valorisation, de l’actionnariat de la Gécamines qui ne doit plus être inférieur à 49%, à défaut d’être simplement majoritaire.

En réaction, les Administrateurs représentant le GEC ont simplement rappelé que ces deux suggestions de la Gécamines ne s’appliqueront que pour les JV futures de Gécamines et que, pour le moment, la Convention de collaboration et celle de JUV du 22/04/2008 ainsi que les statuts demeurent la seule base ? Et pour mettre fin à cette situation, il demanda aux actionnaires de la Gécamines d’officialiser cette communication par une lettre à adresser à SICOMINES.

La Mission estime que les Administrateurs de la partie chinoise ont simplement usé de leur majorité car juridiquement et techniquement leur position est infondée.

En effet, les statuts d’une société commerciale étant un contrat, ils peuvent être modifiés par l’Assemblée Générale Extraordinaire dans les conditions qu’ils fixent. Donc ils ne sont pas figés. En plus, même le Capital social peut changer au travers des opérations d’augmentation ou de réduction du capital. Ce n’est pas, non plus, un élément figé. Le droit OHADA prévoit même le cas de l’augmentation du capital d’une Société Anonyme par des apports en nature.

Et d’ailleurs, avec le nouvel article 182, al. 4 du Code minier, la Mission pense que les Joint-Ventures minières devraient procéder à la révision du capital social. Ainsi, la Mission demande des justifications quant à cette position quasi outrageante des Administrateurs de la partie chinoise. 

30. Extension injustifiée à SYCOHYDRO des avantages reconnus à SICOMINES du fait de la convention

SICOHYDRO jouit exactement des mêmes avantages que SICOMINES en termes d’exonération fiscale, douanière et parafiscale au motif qu’elle serait un engagement de la RDC. Ce qui n’est pas correct car la RDC n’a pas pris un tel engagement.

31. Inexécution par le GEC de ses engagements contractuels

C’est SICOMINES qui a tout financé jusqu’à ce jour grâce aux emprunts contractés auprès des banques chinoises.

D’où nécessité pour la RDC d’opposer au GEC, l’«Exceptio non adimpleti contractus » (l’exception de la non-exécution du contrat).

3.2 Exigences de l’inspection générale des finances au regard de ses conclusions sur le contrat chinois

Eu égard aux conclusions dégagées sur le contrat chinois, l’Inspection Générale des Finances formule les exigences suivantes :

La SICOMINES devra se mettre à la disposition de l’Agence de Pilotage de Coordination et de Suivi des Conventions, de Collaboration entre la RDC et les Partenaires Privés (APCSC) pour discuter et satisfaire promptement aux exigences ci- après :

– Renégociation de la Convention pour réajuster ou rééquilibrer les obligations et les gains de deux parties et les faire correspondre aux valeurs des apports respectifs;

– Révision de la répartition du capital social de la SICOMINES, notamment par la prise en compte de la valeur réelle des gisements cédés par la GECAMINES S.A conformément à l’article 182, al 4 du Code minier. Ceci implique la modification des statuts de SICOMINES par l’augmentation de son capital social;

– Réévaluation de la hauteur des infrastructures à réaliser à charge de la partie chinoise de USD 3 milliards à au moins USD 20 milliards, et ce, au regard de la valeur des gisements cédés.

– Déblocage immédiat par la SICOMINES en 2023 d’au moins USD 1 milliards pour les infrastructures;

– Attribution aux entreprises Congolaises d’au moins 50% des projets des travaux d’infrastructures conformément à l’article 11.2 de la Convention ;

– Obligation pour le GEC de se constituer en personne juridique en prenant l’une des formes juridiques prévues à cet effet, afin de mettre fin à la confusion entretenue entre le GEC et la SICOMINES;

– Paiement par la SICOMINES de l’impôt mobilier non reversé (USD 5.424.698,36), de l’amende de 5% (USD 100.280.374,46) pour défaut de rapatriement conformément à l’article 15 de la loi n° 14/005 du 11/02/2014 ;

– Résolution du contentieux opposant la SICOMINES à la GECAMINES S.A, au sujet de KAMIROMBE et autres empiètements de SICOMINES sur les périmètres de la GECAMINES S.A;

– Subordination des importations des biens et services en exonération des droits et taxes par la SICOMINES au contrôle préalable de l’IGF et ce, à la lumière de la liste des matériels et équipements signée par les Ministres des Mines et des Finances;

– Installation aux frais de la GECAMINES S.A, d’un pont bascule à la sortie des usines de production de la SICOMINES, pour le pesage des camions transportant les produits à exporter et l’enregistrement des statistiques d’export;

– Communication à la Mission de l’IGF diligentée depuis janvier 2023, de toute la documentation requise, notamment de tous les comptes bancaires de la SICOMINES à l’étranger et au pays et de leurs extraits, de la documentation allégée et complète pour les prix de transfert, des états financiers et leurs notes annexes;

– Contrôle de la qualité et de la quantité des travaux d’infrastructures réalisés en commençant par ceux de l’Hôpital du cinquantenaire qui ont coûté USD 114 millions en rapport avec l’exécution financière;

– Dissociation de la SICOMINES et de SYCOHYDRO, dans la mesure où cette dernière n’est pas régie par la Convention du 22 avril 2008 qui ne concernait que les projets miniers et d’infrastructures;

– Faire participer la GECAMINES S.A dans l’élaboration du budget général de la SICOMINES en détail, et dans la gestion des exportations;

– Commercialisation par la GECAMINES S.A elle-même de 32% de la production reconnue à la RDC;

– Arrêt de dumping pratiqué au moyen des ventes exclusives de la production à la société actionnaire majoritaire et à des conditions qui ne respectent pas le principe de pleine concurrence.

Fait à Kinshasa, le 10 Novembre 2023

Pour l’Observatoire de la Dépense Publique